Le malheur des uns fait parfois le bonheur des autres. Jonas Omlin appartient aux premiers, Gregor Kobel aux seconds. Lundi, le jeune Zurichois (23 ans) a remplacé dans l'effectif de la Nati le portier de Montpellier, qui s'est blessé à la cheville samedi pendant l'échauffement avant le match contre le Pays de Galles. Kobel – qui ne compte pas encore de sélection – occupe donc dès maintenant le poste de troisième gardien de l'équipe de Suisse à l'Euro, derrière le titulaire Yann Sommer et sa doublure Yvon Mvogo. Un rôle qui ne fait certainement pas rêver les gamins brûlant d'envie de devenir le nouveau Buffon, mais qui a mis des étoiles dans les yeux à ceux qui l'ont endossé. Et qui a toute son importance au sein de l'équipe.
News zum Schweizer @EURO2020 Kader: Jonas Omlin verletzt – Gregor Kobel rückt nach
— 🇨🇭 Nati (@nati_sfv_asf) June 13, 2021
Jonas Omlin blessé, Gregor Kobel sélectionne
Gregor Kobel sostituisce l'infortunato Jonas Omlin#EURO2020 pic.twitter.com/w2gE86rSwp
«Il est aussi essentiel que les autres», tranche Sébastien Roth, remplaçant de Jörg Stiel et Pascal Zuberbühler à l'Euro 2004. «C'est un rôle très altruiste, tu penses moins à toi et davantage au groupe. A l'entraînement, tu permets au titulaire de respirer un peu en prenant sa place lors de certains exercices, par exemple.» Un repos crucial dans les grands tournois, où les équipes jouent en moyenne un match tous les quatre jours.
Johnny Leoni a lui aussi fait preuve de dévotion. C'était lors de la Coupe du monde 2010. «En tant que troisième gardien, on doit parfois faire un peu le sale boulot, entre guillemets», se rappelle le Valaisan, doublure de Diego Benaglio et Marco Wölfli en Afrique du Sud. Il précise:
Pour le gardien numéro 3 d'une équipe nationale, les chances de fouler le gazon lors d'un match sont les plus faibles parmi tout le contingent. Logique: il est le seul à n'être que le remplaçant du remplaçant. Et pourtant, hors de question de flâner dans l'équipe en mode touriste ni d'être le chauffeur de salle attitré. «Tu contribues à la bonne ambiance, mais tu dois rester sérieux, recadre Johnny Leoni. Tu ne peux pas faire le clown, parce que si tu es amené à jouer, tu dois pouvoir être crédible. Il faut se tenir prêt. C’est un équilibre subtil.»
Avant l'Euro 2004, Sébastien Roth n'était, lui, pas vraiment dans les starting-blocks au moment de recevoir sa convocation avec la Nati. De piquet, l'ancien portier de Servette avait dû remplacer en urgence Fabrice Borer, qui s'était cassé le bras lors d'un entraînement après le premier match contre la Croatie. «Le même jour, j’étais tranquillement en train de manger avec des amis dans un restaurant de la campagne genevoise, rembobine le Jurassien. Un moment, je vais aux WC, le seul endroit où il y avait du réseau. Et là, je vois que j'ai 25 appels en absence et 30 messages sur mon téléphone, dont l'un du sélectionneur Köbi Kuhn, qui me demande de l'appeler dès que possible. Il fallait que je rejoigne l'équipe nationale sur le champ au Portugal! Quand je suis revenu à table, personne ne me croyait (rires)» La Romandie entière a été sollicitée pour transmettre son ordre de marche au dernier rempart:
Au Portugal, Sébastien Roth, appelé pour la première fois en équipe nationale A, ne jouera pas une seule minute. Mais il garde de magnifiques souvenirs du tournoi lusitanien, qu'il avait pourtant débuté à 2000 kilomètres de là derrière sa télé: «Tout ce que j'ai vécu durant cet Euro m’a marqué. Surtout l’engouement d'un pays entier derrière nous. On le sentait puisqu'on recevait plein de messages, les journalistes nous racontaient l'enthousiasme en Suisse. Seul le sport m'a procuré ce genre d'émotions.»
Johnny Leoni n'a pas davantage usé ses crampons en Afrique du Sud. Mais il a lui aussi pleinement profité de son séjour avec la Nati. «Pendant l’hymne national, on a les frissons, même sur le banc, s'extasie l'ancien gardien du FC Zurich. Mon meilleur souvenir lors de ce Mondial restera notre victoire 1-0 contre l’Espagne, future championne du monde, grâce au but de mon pote valaisan Gelson Fernandes.»
La joie et la fierté de porter le maillot national dans un grand tournoi, donc. Et aussi la reconnaissance du public: «Quand je suis allé au Japon et au Brésil, c'était fou! Les gens me disaient: ‹T’es allé à la Coupe du monde, c'est incroyable!› C’est ce qu'ils retenaient de moi», rigole Johnny Leoni. Gregor Kobel aura donc lui aussi le privilège de vivre ces moments inoubliables grâce à l'équipe de Suisse.