Poser la clim', une expression bien connue du jargon sportif. Elle est utilisée quand un athlète refroidit le public adverse, par exemple en inscrivant un but décisif. Aux JO de Paris, elle s'emploiera au sens propre. Au grand dam, d'ailleurs, des organisateurs, qui veulent faire de ces Jeux les plus durables de l'Histoire.
Oui, plusieurs grandes fédérations nationales ont affirmé qu'elles amèneraient des climatiseurs portables pour refroidir les chambres de leurs athlètes dans le village olympique. Dans une visée écologique, celles-ci ne sont pas équipées de climatisation. Elles disposent, en revanche, d'un système de tuyaux – où coule de l'eau froide – dans le sol et de parois étanches. «L'air frais reste ainsi dans les chambres malgré la chaleur», se félicitait le Vaudois Laurent Michaud, directeur du village olympique.
Mais la promesse du Romand n'a apparemment pas convaincu de nombreux futurs visiteurs. En tout cas pas suffisamment pour qu'ils fassent confiance à cette expérimentation de durabilité. C'est une enquête du Washington Post qui le prouve: sur les huit nations qui ont répondu aux sollicitations du média américain (il en a contacté 20), toutes ont affirmé qu'elles utiliseraient des climatiseurs portables, énergivores et réchauffant l'air extérieur.
«A l’échelle de la planète, l’utilisation de ces appareils représente 10% de la consommation d’électricité. Autre problème: certains fluides frigorigènes utilisés dans les systèmes de climatisation ont une action nocive sur la couche d’ozone», précise Libération.
Ces huit pays sont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada, l’Italie, l’Allemagne, la Grèce, le Danemark et l’Australie. Lors des derniers JO de Tokyo, ils englobaient plus de 3'000 athlètes, soit plus d'un quart du total.
A cette liste s'ajoute une autre grande délégation: le Japon. S'il n'a pas répondu au Washington Post, le pays du Soleil Levant a déjà dévoilé ses projets d'utiliser également un système de réfrigération au village olympique. Ainsi, les comités olympiques de ces nations transporteront des climatiseurs en camion jusqu'à Paris, en commanderont ou en achèteront sur place.
Derrière cette démarche, il y a la crainte de vivre un été caniculaire et de ne pas trouver le sommeil à cause de températures trop chaudes. Or, pour performer au plus haut niveau, ce dernier est indispensable. Alors certains athlètes, pour qui les JO sont le moment fort de leur carrière, mettent temporairement leur sensibilité écologique de côté au profit du confort. C'est le cas de l'escrimeuse américaine Kate Holmes, qui déclare au Washington Post:
Même son de cloche en Australie. «Il s’agit d’un environnement de haute performance», rappelle un cadre du comité olympique national. «Nous amènerons les climatiseurs. Puis nous les ramènerons en Grèce», tempère pour sa part Alexandra Palli, directrice du comité hellène, sans doute consciente qu'un usage unique, seulement pendant la durée des Jeux (deux semaines), attirerait encore davantage l'opprobre des défenseurs de l'environnement. Elle précise aussi que la requête de rafraîchir artificiellement les chambres vient des athlètes eux-mêmes.
Au-delà des probables critiques d'ordre écologique à venir, le Washington Post souligne que l'utilisation de climatiseurs augmente l'iniquité entre les pays. Certains d'entre eux, plus pauvres, ne pourront tout simplement pas acquérir ces objets. C'est par exemple le cas de l'Ouganda, qui a d'ores et déjà renoncé à cause de moyens financiers insuffisants.
Malgré tout, les climatiseurs ne semblent pas donner trop de sueurs froides aux dirigeants des JO de Paris. Même s'ils prônent la durabilité pour leur événement, ils avaient laissé la possibilité aux délégations de réfrigérer leurs locaux. «C'est dommage», s'est contentée de commenter Georgina Grenon, directrice de l'Excellence Environnementale de la manifestation.
Mais on imagine qu'ils se seraient volontiers passés de cette énième polémique, qui s'ajoute à celles de la qualité de l'eau de la Seine, de l'absence de croix chrétienne sur l'affiche officielle ou encore des attaques racistes subies par Aya Nakamura, pressentie pour chanter lors de la cérémonie d'ouverture.