Certaines personnes se disent francophiles, parce qu'elles sont particulièrement attachées à la France, ou du moins à la langue française. L'Allemand Varol Tasar est loin de l'être. Il n'est certes pas gallophobe, mais ce n'est pas dans cette vie qu'il citera Jean-Paul Sartre en savourant un croissant au petit matin.
A l'automne 2020, Tasar, aujourd'hui âgé de 28 ans, a quitté le Servette FC après un peu plus d'une année passée à Genève. Il expliquait alors qu'il ne s'était pas intégré et que le français ne lui convenait pas. «Ce n'est tout simplement pas ma langue», avait-il déclaré à son arrivée à Lucerne.
Quatre ans et demi plus tard, la situation n'a guère évolué, du côté d'Yverdon. Au restaurant, Tasar préfère commander son repas en anglais, dit-il. Il n'a pas encore suivi de cours de français. Mais au moins, tout se passe bien pour lui sur le plan sportif. Lors de la saison 2023/2024, il était l'une des redécouvertes de notre championnat. Avec sa fougue, il a trompé ses adversaires durant des semaines. Mais en février, il s'est déchiré le ligament croisé contre Bâle. Et lorsqu'il a repris l'entraînement en novembre, il s'est retrouvé face à une équipe totalement remaniée.
Yverdon Sport, contrôlé par des investisseurs américains, a en effet annoncé 51 mutations depuis le 1er juillet. Peu de clubs se montrent aussi actifs en si peu de temps. «Nous avons d'abord dû nous réhabituer les uns aux autres. La plupart d'entre eux ne savaient même pas quel genre de joueur j'étais. C'était pareil dans l'autre sens», raconte Tasar.
Tout cela a désormais changé, surtout que Tasar est semble-t-il le grand gagnant du changement d'entraîneur effectué en décembre dernier, lorsque l'ancien technicien du FC Sion Paolo Tramezzani a succédé à Alessandro Mangiaratti. Peu avant le licenciement, les supporters ont fait part de leur envie de voir un nouveau visage sur le banc, après une défaite 2-0 en Coupe de Suisse contre Lugano. Ces scènes de contestation semblaient étonnantes pour la modeste ville vaudoise qui, avec 2 747 spectateurs par match, affiche de loin la moins bonne affluence du championnat.
Varol Tasar analyse cela d'un œil détaché. «En football, les émotions viennent parfois vite. A Lucerne, les ultras nous ont aussi interpellés une fois à l'entraînement», dit-il. Entre-temps, les esprits semblent s'être quelque peu calmés à Yverdon. Sous la houlette de Tramezzani, l'équipe – composée de 26 nationalités différentes – a gagné en stabilité. Cela alors que l'Italien défend des idées archaïques. Lors d'une rencontre amicale en janvier, il a obligé ses joueurs à défendre en homme à homme durant 90 minutes.
Mais depuis, l'équipe s'est enrichie de nouveaux talents, notamment Antonio Marchesano, qui a déjà remporté la Coupe et le championnat avec le FC Zurich. Tasar a d'abord appris ce transfert étonnant sur Instagram, et a pensé à une blague.
Le transfert de Marchesano montre qu'Yverdon souhaite réellement s'établir en Super League, et que ses investisseurs sont prêts à miser sur des joueurs âgés, qui ne pourront pas être revendus. Marchesano a eu 34 ans en janvier 2025.
Tasar parle en bien des investisseurs. Le président Jamie Welch adresse régulièrement ses vœux aux joueurs dans le groupe WhatsApp de l'équipe, dit-il. Et depuis son arrivée, des choses ont changé en ce qui concerne la professionnalisation et les infrastructures. «Au début, on remplissait une poubelle avec de la glace pour pouvoir nous régénérer après les matchs. Maintenant, nous avons un véritable bain de glace», explique l'ailier.
La faiblesse de l'attaque reste cependant un problème. En 25 matchs, Yverdon Sport n'a marqué que 23 buts, et n'est autre que la deuxième moins bonne formation offensive du championnat. Les deux meilleurs buteurs Kevin Carlos (FC Bâle) et Aimen Mahious (Belouizdad/Algérie) sont partis cet été, et Tasar, le numéro trois, a été blessé durant toute la première partie de saison. Il commence toutefois à retrouver son ancien rendement.
L'attaquant respecte son ancien club: le FC Lucerne, contre qui il jouera ce week-end. «C'est une équipe jeune, qui joue avec une mentalité de pointe», estime-t-il. Il est néanmoins convaincu que les trois points seront empochés par les locaux, dimanche au Stade Municipal. «Nous sommes forts à domicile. Dans notre petit mais beau stade, nous nous présentons avec plus d'assurance qu'à l'extérieur», assure Tasar. Ce n'est pas une exagération: dans cette pittoresque enceinte, située sur les rives du lac de Neuchâtel, Yverdon a régulièrement convaincu cette saison: YB, Servette, Lugano ou encore Saint-Gall y ont laissé des points.