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Euro 2025: les tireuses de penaltys sont en échec

Cette étrange statistique hante l'Euro en Suisse
Ella Toone, après avoir manqué une tentative à 11 mètres.image: Getty

Cette étrange statistique hante l'Euro en Suisse

Peu efficaces depuis le début du Championnat d’Europe des nations, les tireuses de penalty affichent un taux de réussite extrêmement faible. Enquête sur les raisons de cette défaillance.
23.07.2025, 16:4123.07.2025, 17:22
Niklas Helbling
Niklas Helbling
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C’est l’un des faits marquants de cet Euro 2025: la faible efficacité des tireuses de penaltys. Point culminant de cette tendance, la séance de tirs au but entre l’Angleterre et la Suède, en quart de finale. Seules cinq des quatorze frappes ont été converties, soit à peine 36% de réussite. Six tentatives, souvent mal exécutées, ont été stoppées par les gardiennes, deux sont passées au-dessus et une a attrapé le poteau. Sur l’ensemble du tournoi, le ratio de conversion atteignait tout juste 58,5% avant les demi-finales. Un chiffre exécrable, encore revu à la baisse après le penalty frappé en deux temps par l’Anglaise Chloe Kelly, mardi contre l’Italie.

En comparaison avec les précédents grands tournois féminins, il s’agit du plus mauvais taux depuis que les données sont disponibles. Seul l’Euro 2013 affichait une efficacité aussi basse, du moins jusqu’aux quarts de finale, selon le statisticien Opta.

GENEVA, SWITZERLAND - JULY 22: Chloe Kelly of England prepares to take a penalty during the UEFA Women's EURO 2025 Semi-Final match between England and Italy at Stade de Geneve on July 22, 2025 i ...
Chloe Kelly a vu sa tentative initiale être arrêtée, avant de pousser le ballon au fond des filets dans un second temps.Image: getty

Avant que ne débute la compétition, 72,99% des penaltys avaient été convertis depuis 2011. Chez les hommes, ce chiffre s'élève à 70,56% depuis la Coupe du monde 2010. Or aujourd’hui, les femmes ne réussissent qu’un peu plus de la moitié de leurs tentatives.

Une pression en augmentation

Comment expliquer une telle situation? Pour bien comprendre, la BBC a interrogé plusieurs experts, dont le professeur de football et psychologue du sport Geir Jordet. Le Norvégien étudie les penaltys depuis plus de 20 ans et affirme: «Les recherches montrent que les tireurs sont sensibles à la pression». Certes, la majorité des études porte sur le football masculin, mais les résultats sont parlants: «Plus la pression est forte, moins la performance est bonne». Cette thèse est étayée, par exemple, par la comparaison entre le taux de réussite général et celui des grands tournois. Le premier est d'environ 78% chez les hommes, le second, comme mentionné précédemment, d'un peu plus de 70%.

Les chiffres de cet Euro 2025 confirment une nette différence entre la phase de groupes et la phase à élimination directe, où l’enjeu est plus important. Lors des premiers matchs, sept penaltys sur neuf ont été marqués (77,8%), contre seulement 17 sur 32 durant les quarts de finale (53,1%). Ce taux chute encore lors des séances de tirs au but décisives, en comparaison avec les penaltys frappés durant le temps réglementaire. Il faut toutefois noter que le match entre l’Angleterre et la Suède pèse lourd dans cette statistique globale. Sans cette partie, la moyenne générale remonte considérablement.

La pression semble donc avoir un impact réel. D'autant que chez les femmes, l’intérêt pour le football a explosé ces dernières années. Cela signifie des rencontres désormais disputées devant des dizaines de milliers de spectateurs, une situation encore nouvelle pour beaucoup de joueuses.

«La pression est plus forte qu’avant. Il faut de l’expérience pour apprendre à la gérer»
Geir Jordet

Un meilleur scouting

L’enrichissement des données disponibles joue peut-être aussi un rôle. Avec l’essor du football féminin, les ressources financières ont augmenté, ce qui favorise les avancées en matière de scouting et de préparation. La gardienne suédoise Jennifer Falk, auteure de quatre arrêts face aux Anglaises, tout comme l’Allemande Ann-Katrin Berger, avaient à leurs côtés des fiches contenant des informations détaillées sur les tireuses adverses. Berger a d’ailleurs envoyé son équipe en demi-finale grâce à deux arrêts durant sa séance contre la France.

Germany goalkeeper Ann-Katrin Berger reacts after scoring during a penalty shootout during the Women's Euro 2025 quarterfinals soccer match between France and Germany at St. Jakob-Park in Basel,  ...
Ann-Katrin Berger a été héroïque contre la France.image: Keystone

«Les tireuses ont été rigoureusement analysées. Les gardiennes les connaissent bien mieux qu’autrefois», explique Jordet auprès de la BBC. Il ajoute:

«Sous pression, les joueuses ont tendance à revenir à leurs habitudes, à tirer comme elles le font à l’entraînement»
Geir Jordet

Une professionnalisation accrue

La progression des gardiennes s’explique également par la professionnalisation grandissante du poste. Longtemps, les portières ont accusé un certain retard par rapport aux autres positions sur le terrain. Mais avec de meilleures méthodes d'entraînement et davantage d’entraîneurs spécialisés, elles rattrapent leur retard. «Elles trouvent des moyens d’être plus malignes et de lire le jeu de leurs adversaires», souligne Jordet. La gardienne remplaçante anglaise Khiara Keating confiait en ce sens sur la radio BBC 5 Live:

«Les gardiennes ne reçoivent pas la reconnaissance qu’elles méritent. Beaucoup de choses se passent dans l’ombre: l’analyse, l’intensité des entraînements, l’observation du langage corporel. Le niveau des gardiennes a énormément progressé»
Khiara Keating

Des tireuses moins réactives

Chez les hommes, des joueurs comme Robert Lewandowski ou Bruno Fernandes patientent jusqu’au dernier moment pour voir où plonge le gardien, puis tirent de l’autre côté. Cette approche reste rare chez les femmes. Lors du quart entre l’Angleterre et la Suède, aucune des quatorze tireuses n’a réellement pris le temps d’observer les mouvements de la portière. Et pourtant, il s’agit d’une méthode très efficace, que les joueuses devraient sans doute s’approprier dans les années à venir.

Le simple hasard?

Il est aussi possible qu’aucune explication ne justifie cette mauvaise série sur penalty. Peut-être que le match entre la Suède et l’Angleterre n’est qu’un cas isolé, et que les statistiques finiront par rentrer dans la norme d’ici la fin du tournoi. C’est également l’avis de Geir Jordet: «Ce pourrait tout simplement être le fruit du hasard». Reste que, mardi en demi-finale, Chloe Kelly, en manquant son penalty, n’a fait qu’aggraver l’ampleur de la défaillance.

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source: keystone
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