Sixtine Cousin n’en est pas à son coup d'essai côté blessures. Elle avait déjà tiré un trait sur la saison 2021-2022 et sur les Jeux olympiques de Pékin, après une blessure au genou droit. De retour, la Genevoise avait remporté sa première victoire en Coupe du monde sur la redoutable piste d'Innichen, en Italie.
Cette année, elle n'aura pas l'occasion de défendre son titre. La raison? Une blessure au genou gauche survenue lors d’un entraînement à Saas-Fee le 5 octobre dernier, qui l'éloignera des pistes pour la saison à venir.
Que s'est-il passé lors de cet entraînement?
Sixtine Cousin: C’était la fin de journée, tout le monde était déjà rentré, et nous n'étions plus que deux. J’étais fatiguée, mais il restait un obstacle difficile à franchir, et je me suis dit:
Puis, au moment où je réussis, j’ai forcément pris plus de vitesse et je suis tombée.
Au moment où vous tombez, vous savez tout de suite que c'est fini?
Ouais! J’ai senti que ça avait claqué dans mon genou, donc je savais que c’était cassé, surtout que ça m'était déjà arrivé à l’autre genou.
Qu'est-ce qu'il se passe dans votre tête à ce moment-là?
C’est toujours un moment de choc, parce qu’en une fraction de seconde, tout bascule: tu passes de «c’est super cool» à «c’est la merde». J’étais plus stressée de savoir quoi faire de mon genou que de ma saison. Au début, je me suis dit: comment je vais m'organiser? Je ne savais pas où aller, avec qui ni comment gérer les six mois de rééducation qui m’attendaient.
Ça ressemble à quoi une saison blanche pour une athlète?
Tu passes ton temps à être dans une salle de force pour essayer de reprendre ta masse musculaire, mais tu ne fais rien d'autre. Avant de pouvoir remonter sur des skis, tu dois être capable de tout faire sans douleur, alors tu te mets à des sports comme le tennis ou le wakeboard. Pour ma part, j’essaie de faire un maximum d'activités pour habituer mon genou, car en ski, l'appui est constant, mais instable, ce qui est difficile à reproduire.
En quoi cette deuxième saison blanche est-elle différente de la première?
Cette fois, je sais comment ça se passe et je ne vais pas refaire les mêmes erreurs. La première fois, juste après l’opération, je faisais sans arrêt des exercices, donc j’avais toujours mal. Maintenant, pour cette deuxième saison blanche, je ne fais pas grand-chose:
Et finalement, mon genou va beaucoup mieux comme ça.
C'est quoi le plus compliqué pendant une saison blanche?
Le plus difficile, ce n’est pas maintenant, car les gens continuent de t’écrire. Le pire, ce sera en plein milieu du mois de février, quand il fera froid et qu’il pleuvra, que tout le monde sera à fond dans sa saison, et toi, tu seras là, toute seule, à réaliser que le train est parti sans toi.
Est-ce que c'est frustrant de voir les compétitions de l'extérieur?
Personnellement, je ne regarde pas trop les courses, car je pense que c'est plus sain pour moi. Il y a trois ans, lors de ma première saison blanche:
Pour le moment, je l’ai mis sur sourdine.
Concernant la rémunération en cas de blessure, comment ça fonctionne?
D'abord, je dois financer mon affiliation à la Fédération moi-même, car je n'ai pas de statut de salariée. L’année dernière, j’ai payé 7'000 francs pour faire partie des cadres. En cas de blessure, je ne reçois ni prize money ni d'augmentation pour un top 10, puisque je ne peux participer à aucune course. Je suis rémunérée par plusieurs sponsors, mais ma blessure m'empêche d'en trouver de nouveaux, car ils ont tendance à dire:
Heureusement, en tant que militaire, je bénéficie d'une assurance perte de gain en cas de blessure pendant mes cours de répétition, mais je ne sais pas encore combien je vais recevoir. Cela dit, c'est un gros changement par rapport à ma première saison blanche il y a trois ans, où je n'avais aucune aide financière et je devais travailler.
Vous êtes militaire en plus d’être sportive professionnelle. Pourquoi ne pas vous concentrer uniquement sur le sport?
D'abord pour mon équilibre personnel, car je sais que faire quelque chose d'autre et utiliser ma cervelle est bénéfique. Quand tu es dans le milieu sportif, tu es entouré de personnes qui parlent toujours de sport: ta famille, tes entraîneurs et même tes amis, que tu as généralement rencontrés grâce au sport. Cela peut vite te rendre stupide. En revanche, quand tu travailles, tu rencontres des gens qui te parlent d'autre chose et te posent des questions sans te voir seulement comme la sportive.
Ça doit être dur psychologiquement d'enchaîner les blessures et de voir que votre corps ne vous laisse pas tranquille, non?
Cette fois-ci, j’aurais pu être la plus entraînée du monde, ça n’aurait pas changé grand-chose, car je me suis retrouvée dans une position où, mécaniquement, mon genou ne pouvait pas supporter ça, donc de toute façon, ça aurait fini par céder.
Ce qui est frustrant, c'est que je suis parmi les meilleures physiquement de mon équipe; je suis souvent la première sur les skis et la dernière à partir.
Votre équipe vous soutient-elle dans ces moments-là? Ma team n’est pas trop là, excepté une ou deux personnes avec qui je suis plus proche. Il y a trois ans, lors de ma première saison blanche, mes entraîneurs m’ont appelée deux fois de tout l’hiver. C’est dur, mais ils sont tellement pris dans leur saison qu’ils ne s’en rendent même pas compte. On ne peut pas leur en vouloir, ils ne le font pas exprès. Finalement, ça m’a appris à apprécier d'autres choses dans la vie en dehors du sport.
Alors, qu'est-ce que vous apporte le skicross dans votre vie de tous les jours?
Ouf! Pas grand-chose! On réalise vite que ce n'est pas toute notre vie; tout le monde s'en fiche et personne ne s'en souvient. Bien sûr, ça fait grandir et ça forge le caractère, mais:
Par exemple, certaines de mes collègues se plaignent lorsqu'il s'agit de se lever avant 9h, or la plupart des gens se réveillent entre 6h30 et 7h pour aller travailler.
Mais, pourquoi continuez-vous à faire du ski cross?
Je continue le skicross, car ce sport fait partie de mon équilibre de vie. Même si j'ai travaillé dans une fromagerie cet été, je ne peux pas abandonner le skicross. Je suis persuadée que le sport permet d’accomplir plein de belles choses.