Il y a en 2024 autant d'hommes que de femmes en compétition aux JO et ceci est une grande première. Alors qu'aucune athlète féminine n'était autorisée à participer aux premiers Jeux de l'ère moderne à Athènes en 1896, le contingent a augmenté, lentement mais sûrement, au fil des éditions. La répartition n'était pas encore parfaite à Tokyo il y a trois ans (52% d'hommes contre 48% de femmes). Elle l'est désormais, puisque sur les 10'500 engagés en France, 5'250 sont des femmes.
Aucune règle n'oblige les comités nationaux à envoyer le même nombre d'athlètes masculins et féminins aux Jeux olympiques. Il est donc étonnant de constater que la délégation afghane est composée de trois femmes sur un total de six Olympiens. Ceci est d'autant plus surprenant que le sport féminin est particulièrement restreint en Afghanistan. Kaboul et son gouvernement sont tombés sous le poids des Talibans en 2021 et les filles comme les femmes ont rapidement été dans l'impossibilité de faire du sport.
Le Comité international olympique (CIO) se préoccupe depuis longtemps du dossier afghan. Son traitement est néanmoins complexe et controversé. En avril, le CIO a appelé à plusieurs reprises le gouvernement taliban à lever les restrictions qui empêchent les jeunes filles et les femmes de pratiquer une discipline sportive. Cela ressemblait à une condition sine qua non pour participer aux JO de Paris 2024. Or trois mois se sont écoulés et rien n'a changé.
Pourtant, lorsque les Talibans avaient déjà pris le pouvoir en Afghanistan en 1996, le CIO avait décidé d’adopter une approche différente. Il avait alors exclu le pays des Jeux olympiques de Sydney 2000 en raison d'une discrimination à l'égard des femmes. L'Afghanistan avait été réintégré en 2001 suite à la chute du gouvernement islamiste.
Alors que la devise de Paris 2024 s'intitule «Ouvrons grand les Jeux», les avis divergent au sujet de la participation des athlètes afghans aux Jeux olympiques, étant donné que seule une partie de la population est autorisée à faire du sport.
Pour l'activiste Friba Rezaye, l'une des premières femmes à avoir représenté le pays aux Jeux, l'Afghanistan aurait dû être exclu, car en limitant les droits des femmes, le pays «viole les droits de l'homme autant que la charte olympique». Rezayee fait ainsi référence au quatrième principe fondamental de l'Olympisme.
La situation est bien sûr paradoxale puisque la majorité de la délégation vit en exil. Seul un homme réside actuellement en Afghanistan. Si la sprinteuse Kimia Yousufi et les sœurs Yuldoz et Fariba Hashimi (cyclisme) décidaient de l'imiter, elles n'auraient plus la possibilité de s'entraîner.
Malgré ce qu'il se passe actuellement en Afghanistan, le pays a défilé parmi les premières nations vendredi sur la Seine, derrière la Grèce et l'équipe des réfugiés olympiques. Suite au changement de régime et aux interdictions faites aux femmes, des voix s'étaient pourtant élevées à l'ONU pour affirmer qu'il existait un «apartheid de genre» en Afghanistan, et que le pays devait être exclu de toutes compétitions sportives internationales. Les règles strictes ont été maintenues et les appels au boycott se sont peu à peu calmés.
Pour permettre aux six athlètes de participer à l'événement, le CIO a collaboré avec le Comité national olympique afghan, dont la majorité des membres vivent en exil. Le gouvernement taliban, qui n'est reconnu par aucun pays, n'est toutefois pas le bienvenu en France selon les déclarations du porte-parole du CIO, Mark Adams: «Aucun représentant du gouvernement taliban ne sera accrédité pour les Jeux olympiques». Le drapeau blanc sur lequel est inscrit en noir la chahada, utilisé par les Talibans, ne devrait pas non plus être visible durant la quinzaine.
A l'inverse, ceux qui ont pris le pouvoir en Afghanistan ne reconnaîssent que trois représentants: les sportifs masculins. «Seuls trois athlètes défendent les couleurs de l'Afghanistan», a ainsi déclaré Atal Mashwani, porte-parole du gouvernement taliban pour le sport. «En ce moment, le sport féminin a été arrêté. S'il n’est pas pratiqué, comment peuvent-elles faire partie de l’équipe nationale?», a-t-il ajouté, furieux de voir trois Afghanes prendre part à la compétition.
La question de savoir si l'Afghanistan doit être ou non exclu des Jeux olympiques se révèle encore plus complexe à l'écoute de la sprinteuse Kimia Yousufi représentant son pays à Paris. L'athlète de 28 ans vit et s'entraîne en Australie depuis 2021. Elle considère sa troisième participation aux JO primordiale et symbolique. Elle y voit notamment une possibilité de dénoncer la situation des femmes afghanes.
«En Afghanistan, les filles et les femmes ont été privées de leurs droits fondamentaux. Je représente les rêves et les espoirs volés de ces femmes qui ne sont pas autorisées à prendre des décisions et ne sont pas libres», déclare-t-elle, avec l'ambition d'informer le monde sur le sort de ses compatriotes.