Billie Jean King a gagné 12 titres du Grand Chelem en simple entre les années 1960 et 1970 et a été numéro 1 mondiale, mais c'est surtout grâce à ses actions hors des courts qu'elle est une légende vivante du tennis. C'est dire si ses combats sociétaux sont aujourd'hui valorisés.
Dernier symbole en date de cette reconnaissance pour l'Américaine de 81 ans: l'inauguration, lundi, de son étoile sur le mythique Walk of Fame d'Hollywood. Elle est ainsi devenue la première sportive à recevoir cet honneur.
Ceux qui suivent assidûment le tennis ont forcément déjà vu cette dame élégante et ses vestes couleurs pétantes, dans la loge royale à Wimbledon ou les places VIP des autres tournois.
Les suiveurs plus occasionnels ont, au moins, déjà entendu son nom puisque la fédération internationale (ITF) a décidé de renommer en 2020 la Fed Cup – l'équivalent féminin de la Coupe Davis – en Billie Jean King Cup. «Je croyais que c'était le nom du sponsor principal», nous a avoué une personne dont on taira l'identité. Raté. Là encore, il s'agit d'un hommage.
Tous ces honneurs sont légitimes, tant la Californienne a œuvré pour le développement du tennis féminin et l'émancipation des femmes. En 1973, alors qu'elle est encore joueuse, elle co-crée la WTA (Women's Tennis Association), qui chapeaute encore aujourd'hui le circuit dames. Le moteur de l'Américaine? Eradiquer les injustices que les femmes subissent dans ce sport.
Une année plus tôt, «BJK» remporte l'US Open, mais reçoit 15 000 dollars de moins que le vainqueur masculin, Ilie Nastase. Alors pour l'édition suivante, à la tête de la WTA, elle trouve un sponsor qui permet d'offrir le même prize money aux joueuses. Le tournoi new yorkais devient pionnier en la matière.
Les discriminations, la championne en a connu bien avant de devenir pro. A 12 ans, lors d'un tournoi à Los Angeles, elle est exclue d'une photo officielle au motif qu'elle ne porte pas la robe traditionnelle des tenniswomen mais un short confectionné par sa mère. «Elle accepta cette injustice et s'en servit comme moteur pour dynamiser son jeu et son engagement social», raconte la biographie sur son propre site web.
Billie Jean King crée aussi plusieurs fondations qui oeuvrent à faciliter l'accès des filles au sport. Mais son coup d'éclat, elle le fait à travers une démarche aussi farfelue qu'inédite en 1973: accepter un match contre un homme. Pour prouver la valeur du tennis féminin. Son adversaire n'est pas n'importe qui: Bobby Riggs, ancien numéro 1 mondial, qui s'auto-définit «machiste» et affirme que les hommes jouent mieux. Il a alors 55 ans et se fait balayer à Houston par «BJK» trois manches à zéro (6-4, 6-3, 6-3).
Ce duel présenté comme «La Bataille des Sexes» suscite un énorme engouement médiatique et populaire: il est suivi par 30 000 spectateurs et regardé par 50 millions de téléspectateurs. Il y aura un avant et un après. En 2017, soit 44 ans après ce match, Billie Jean King déclarait:
C'est un autre événement marquant, forcé cette fois, qui lance la nouvelle grande bataille de la star du tennis. En 1981, elle est contrainte de faire son coming out lors d'une conférence de presse. Mariée depuis 1965 à Larry King, elle découvre plus tard son attirance pour les femmes et entretient une relation de plusieurs années avec sa secrétaire durant les 1970's. Réclamant des compensations financières, cette dernière révèle l'homosexualité de Billie Jean King en public.
La tenniswoman devient la première athlète à faire son coming out. Conséquence: elle perd tous ses contrats publicitaires (deux millions de dollars). Mais épouse une nouvelle cause, celle de la défense des droits de la communauté LGBT.
Son activisme lui vaut d'être membre officielle de la délégation américaine aux JO d'hiver de Sotchi en 2014. Elle est alors choisie spécialement par le président Barack Obama pour titiller Vladimir Poutine, déjà à la tête de la Russie, qui venait de promulguer des lois homophobes.
«C’est la grande femme politique du tennis mondial», résume l'ancienne ministre des sports française, Amélie Oudéa-Castéra. Pourtant, dans les années 1980 et 1990, Billie Jean King est peu à peu oubliée. Mais elle a été dépoussiérée, en même temps que ses combats sociétaux, «à partir de la fin des années 2000, à mesure que l’époque se souciait davantage d’égalité et valorisait autant les accomplissements que les palmarès», rappelle Le Temps.
Les luttes sociétales de l'Américaine sont d'autant plus valorisées que les acteurs du tennis s'impliquent généralement très peu politiquement, comme l'explique l'académicien français Lionel Maltese dans Le Temps:
Oui, de plus en plus d'athlètes prennent position publiquement sur des sujets de société. De quoi susciter un espoir chez Billie Jean King, que la première sportive étoilée sur le Walk of Fame a exprimé lundi dernier: «L’important, c’est que je ne sois pas la dernière».