Dominic Stricker «se fait plumer financièrement»
Grâce à sa victoire contre le Grec Stefanos Tsitsipas, alors classé parmi les dix meilleurs joueurs mondiaux, Dominic Stricker a atteint les huitièmes de finale de l'US Open en 2023.
Les images du Bernois assis sur le banc lors du dernier changement de côté avant sa victoire, chantant la chanson entraînante de Whitney Houston I Wanna Dance with Somebody qui passait en même temps dans le stade Arthur-Ashe, ont fait le tour du monde. Elles ont donné à Stricker l'image d'un talent inébranlable et insouciant, qui conserve sa légèreté même sur la plus grande scène du tennis mondial.
Deux ans plus tard, il n'en reste plus rien. L'éclat, la légèreté: tout a disparu. Récemment, Dominic Stricker s'est déchiré le ligament interne du genou droit lors d'un tournoi Challenger en France, en octobre. Deux mois d'arrêt, au moins.
Il a déjà évoqué sa retraite
Cette blessure s'inscrit dans une longue série qui a freiné le tennisman suisse à plusieurs reprises au cours des deux dernières années. Au début 2025, il a même ouvertement évoqué la fin de sa carrière. Il souhaitait arrêter au plus tard à la fin de l'année. Son entraîneur Dieter Kindlmann a alors remis sa démission, mais a fait bonne figure pendant trois mois afin de respecter le délai de préavis.
Peu après, lors d'un tournoi mineur à Trimbach (SO), Stricker a démenti vouloir arrêter. Assis sur le banc, il ne chantait pas et ne souriait pas. Il semblait renfermé, presque apathique. Il a néanmoins déclaré: «Je suis motivé. J'aime énormément aller sur le court.» Mais il a également ajouté:
Son père Stephan Stricker, cuisinier de formation, a réduit son temps de travail en tant que policier et a représenté son fils en tant qu'agent à partir de 2021. Dans le milieu du tennis, il est considéré comme le principal problème de Dominic Stricker. Partout où l'on cherche à comprendre comment le gaucher a pu chuter aussi bas (de la 88e place au classement mondial à la 367e), le nom du père revient sans cesse.
Avec son attitude exigeante, Stephan Stricker laisse souvent derrière lui une terre brûlée: auprès des organisateurs de tournois, des sponsors, de Swiss Tennis. Il aurait attaqué verbalement à plusieurs reprises la fédération, lui reprochant de ne pas soutenir suffisamment son fils. Pourtant, Swiss Tennis soutient sans faille le vainqueur du tournoi juniors de Roland-Garros 2020. Aujourd'hui encore, Stricker utilise les infrastructures de Bienne et peut demander conseil aux entraîneurs.
L'un d'entre eux est Severin Lüthi, capitaine de l'équipe suisse de Coupe Davis et coach de longue date de Roger Federer. Interrogé sur la situation sportive du Bernois au début de l'année, Lüthi a déclaré:
Wawrinka secoue Stricker
Seulement, et c'est ce que lui reprochent même ses compagnons de longue date, Dominic Stricker est paresseux, choisit la voie de la facilité et se résigne à son sort. Le jeune homme de 23 ans ne cesse de répéter qu'il doit retrouver le plaisir de jouer. Qu'il manque peu pour y parvenir.
Il lui manque toutefois le sérieux nécessaire. Il n'a toujours pas compris à quel point il est important de travailler son corps pour prévenir les blessures. Stan Wawrinka, aujourd'hui âgé de 40 ans et exemplaire à cet égard, n'a cessé de faire appel à la conscience de Stricker dès l'été 2023 à Gstaad.
Il lui a dit qu'il devait investir davantage dans sa condition physique. Les deux Suisses ont remporté le tournoi de double dans l'Oberland bernois, avant que Stricker n'atteigne peu après le sommet – jusqu'à aujourd'hui – de sa carrière à New York, lors de l'US Open.
Les parents contrôlent les revenus
Le Bernois a gravi les échelons de sa carrière avec une apparente facilité. Les investisseurs faisaient la queue, mais son père Stephan a décidé de ne pas déléguer la gestion. Le jeune tennisman est aujourd'hui la principale source de revenus de la famille, avec un budget annuel estimé à 500 000 francs suisses.
Seuls ses parents savent où est passé tout l'argent qui a été investi jusqu'à présent dans la carrière de leur fils et combien il en reste. En juin 2020, ils ont fondé la société Dominic Stricker GmbH, deux mois avant que le prodige n'atteigne sa majorité. Les droits de marque sont valables jusqu'en 2031. Son père Stephan et sa mère Sabine détiennent chacun la moitié des parts. Dominic Stricker, en revanche, n'est toujours pas propriétaire à ce jour.
Cet été, il a certes été nommé «président du comité de direction», mais les parts sont restées entre les mains de ses parents. Stricker peut désormais régler des factures, réserver des vols et des hôtels, mais il ne peut pas conclure de contrat avec lui-même et se verser un salaire.
Ses parents décident de l’utilisation des fonds de la société. Ils contrôlent ainsi les revenus et le patrimoine, et donc l'argent que leur fils a gagné. De plus, selon certaines informations, les parents se verseraient un salaire annuel à six chiffres afin de rémunérer leurs activités.
L'exemple d'Henry Bernet montre qu'il peut en être autrement: ses parents, tous deux avocats, ont fondé la société HB10GmbH en mai 2024. Un an plus tard, après avoir atteint l'âge de la majorité, le jeune Bâlois – grand espoir du tennis suisse – est devenu non seulement directeur général, mais aussi associé.
CH Media – groupe auquel appartient watson – a contacté une source qui connaît toutes les personnes impliquées dans la carrière de Stricker et qui a proposé son aide à plusieurs reprises. Pour cette personne, c’est clair: les parents sont dépassés. Un autre témoin dit que le jeune homme de 23 ans est «pressé comme un citron» par ses parents. Un troisième formule les choses encore plus crûment:
Aucune de ces sources ne souhaite être citée publiquement. Stephan Stricker n'a pas répondu à la demande d'interview formulée par CH Media.
Un manager inexpérimenté
Dominic Stricker tente lui-même depuis des mois de changer de cap. Comme le montrent nos recherches, il a mené à l'automne 2024 des discussions avec plusieurs managers sportifs de renom. Mais aucune conclusion n'a jamais été trouvée. Et la raison de cet échec aurait toujours été la même: le rôle incertain de son père Stephan.
Début août 2025, le tennisman annonce qu'il sera désormais représenté par AVD Management. Derrière cet acronyme se cache Anouk Vergé-Dépré, médaillée de bronze aux Jeux olympiques de Tokyo 2021 en beach-volley. La responsabilité opérationnelle incombe toutefois à son partenaire commercial Nicola Kusy.
AVD apporte son soutien dans les domaines «planification de carrière, sponsoring, marketing et développement personnel». Dominic Stricker présente un énorme potentiel, tant en tant que joueur de tennis qu'en tant que people. Doté d'une «forte personnalité», il est idéalement placé pour insuffler un vent de fraîcheur aux marques. Le communiqué d'AVD précise soutenir le tennisman, «ainsi que toute l'équipe Stricker».
Pour les observateurs, une chose est claire: c'est toujours le père Stephan qui mène la barque, et l'agence AVD Management, fondée il y a trois ans, a fait des concessions pour pouvoir signer un contrat avec son premier client après la copropriétaire Anouk Vergé-Dépré.
Kusy joue lui-même au tennis, a été sacré champion suisse chez les jeunes seniors cet été, travaille à plein temps comme Client Solutions Manager et parallèlement comme mannequin. Il n'a aucune expérience dans la gestion d'athlètes.
C'est pourtant exactement ce dont Stricker aurait besoin actuellement: un management bien établi dans le monde du tennis, disposant de bonnes relations avec les tournois, les sponsors et les entraîneurs. Nicola Kusy ne souhaite pas s'exprimer pour le moment.
Des contrats qui expirent
Le fait est que Dominic Stricker n'est plus en mesure de pratiquer son sport. Il n'a pas d'entraîneur, ses principaux sponsors le quittent et il est souvent blessé. Deux ans après avoir percé, il se retrouve face à un champ de ruines.
Le vainqueur de Roland-Garros juniors en 2020 occupe la 367e place au classement mondial. Il devra donc désormais compter sur des wild cards pour participer aux tournois Challenger (deuxième division mondiale). Ce n'est pas une mince affaire lorsqu'on n'a pas de relations avec les organisateurs des tournois, qui privilégient généralement les talents locaux.
La question financière est encore plus urgente. Les contrats des trois principaux sponsors expirent apparemment à la fin de l'année. Ils garantissaient à Stricker entre 50 000 et 150 000 francs par an.
Le Bernois n'a actuellement pas de bonnes cartes en main pour négocier. L'une des trois entreprises souhaite se retirer du sport, une autre veut se concentrer sur la relève.
Le troisième sponsor principal, CTA, fabricant de pompes à chaleur, de systèmes de refroidissement et de climatisation, est une entreprise qui n'a pas de tradition dans le sponsoring sportif. Il semblerait qu'il y ait déjà eu auparavant une résistance interne à cet engagement. A la demande de CH Media, CTA écrit que «des discussions sont en cours» et qu'elle ne ferait pas de commentaires à ce sujet.
En tant que sportif, Dominic Stricker est certes trop paresseux, mais lorsqu'il s'agit de l'humain, personne n'a un seul mot négatif. C'est un «garçon sympathique qui me tient à cœur» et «un type absolument honnête». C'est ce que disent les personnes qui l'aideraient – s'il les laissait faire...
Adaptation en français: Yoann Graber
