C'est son intervention la plus mémorable. Celle qui a définitivement consacré Daniil Medvedev comme un orateur hors-pair. Trois minutes après sa défaite en finale du tournoi parisien contre Novak Djokovic, le Russe a préféré s'étendre sur sa partie de Fantasy Premier League (un jeu en ligne basé sur les performances des footballeurs du championnat anglais) plutôt que sur son match. Savoureux.
Intrigués par le fait que Medvedev soit aussi bien informé des résultats de l'après-midi en Angleterre alors qu'il disputait une finale au même moment, les commentateurs d'Eurosport ont revisionné les images du match au ralenti. Ils n'ont pas exclu que le tennisman ait consulté son portable pendant un ou plusieurs changements de côté, puis dès la fin de sa partie.
C'est une autre facette du Russe que les spectateurs ont récemment découvert à Dubaï. Vainqueur du tournoi début mars après avoir battu son ami Andrey Rublev en finale, Medvedev a pesé ses mots comme il choisit ses balles, avant de les expédier au visage de Stefanos Tsitsipas, en prenant toutefois bien garde de ne pas le nommer.
«Je me souviens, il n’y a pas longtemps, un joueur (réd: il s'agissait de Tsitsipas) disait qu'Andrey n’avait que quelques armes. Je lisais ça et je me disais: “Comment peut-on dire ça ?”. A mon avis, Andrey est un des joueurs les plus doués sur le circuit. Il n’a juste pas encore exploité totalement son potentiel mais je suis sûr qu’il peut gagner des Grands Chelems, et j’espère qu’il battra le gars qui a dit ça plein d’autres fois.»
Medvedev faisait ici référence aux propos tenus par Tsitsipas après sa défaite contre Rublev au Masters 2022. Touché dans son orgueil, le Grec avait déclaré: «Il a gagné avec les quelques armes qu’il a.»
Il y a quatre ans, à New York, Medvedev est apparu pour la première fois comme un personnage singulier, un bavard à la personnalité frondeuse et spontanée. Chahuté par le public durant la quinzaine, le Moscovite avait répliqué par un doigt d'honneur et plusieurs remarques acerbes. L'histoire aurait pu en rester là, mais Medvedev a su se faire pardonner en jouant très bien (il n'a été battu que par Rafael Nadal en finale) et, surtout, en amusant la galerie après sa défaite face au Majorquin. Il a commencé par faire rire le public en disant ceci:
Puis il a poursuivi en revenant sur son histoire contrastée avec les fans yankees. «Je sais que, plus tôt dans le tournoi, j’ai dit des choses qui n’allaient pas de le bon sens, mais aujourd’hui c’est positif: grâce à votre énergie, j’étais en finale ce soir. Je n’oublierai jamais cette soirée car j’ai joué sur le plus grand court du monde et que dans le troisième set, vous m’avez poussé à me dépasser car vous vouliez voir plus de tennis et grâce à vous, je me suis battu jusqu’au bout.»
Si le grand (1m98) tennisman est aussi apprécié, c'est parce qu'il dit les choses avec une apparente spontanéité. Quand Djokovic cherche à plaire ou Nadal à contrôler, Medvedev, lui, s'amuse avec les spectateurs, quitte à s'exposer. Comme l'an dernier à Melbourne lorsque, quelques instant après son succès en quart de finale contre Félix Auger-Aliassime, il avait eu une pensée pour Novak Djokovic, renvoyé chez lui et très contesté en Australie pour son refus du vaccin contre le Covid.
Si on pardonne toujours tout au joueur de 27 ans, c'est parce que ses mouvements d'humeur sont suivis d'une auto-dérision dont il est devenu coutumier. C'est sa façon à lui de s'excuser pour son attitude, sans toutefois renier le fond de sa pensée.
Le dernier exemple date de dimanche, à Indian Wells. Medvedev avait durement critiqué le court du tournoi californien pour sa lenteur. Cela ne l'a pas empêché d'atteindre la finale, où il a été battu par Carlos Alcaraz. Face au micro, il a choisi de revenir sur sa relation «assez toxique» (ce sont ses mots) qu'il a entretenu avec le terrain. «Une relation amour/haine, a-t-il ajouté avec un demi-sourire. Donc je voudrais remercier le court. Je lui ai fait passer des mauvais moments, il a fait pareil mais il m'a donné l'opportunité d'aller au bout.»
Sous le charme, le compte Tennis Legend, suivi par près de 25 000 personnes sur Twitter, a aussitôt publié la vidéo du speech avec ces quelques mots en guise d'hommage: