Même design, même moule, mêmes foils pour aboutir à trois bateaux concurrents... Pour la première fois de l'histoire du Vendée Globe, trois skippers ont choisi de mutualiser la conception de leur voilier afin de réduire leur empreinte environnementale tout en maîtrisant les coûts. Et ce faisant, aucun des trois ne veut sacrifier à ses objectifs sportifs.
Deux sont d'ailleurs des stars du grand large: le Nordiste Thomas Ruyant et l'Allemand Boris Herrmann qui ont déjà fait des Top 10 sur la très exigeante course en solitaire autour du monde, sans escale et sans assistance.
Le troisième, Lois Berrehar, n'a aucun Vendée Globe à son compteur, mais le seul fait qu'il ait été recruté par la prestigieuse écurie Banque Populaire montre qu'il ne prendra pas le départ de la prochaine édition, en 2028, pour faire de la figuration.
«On est dans un sport d'innovation. La course se gagne sur l'eau, mais aussi à terre, dans les cabinets d'études», observe Herrmann. «On veut participer à cette compétition technologique et on pense pouvoir le faire mieux ensemble.»
«On a décidé de construire le même bateau, en travaillant avec l'architecte Antoine Koch», poursuit le skipper de Malizia, ami de longue date de Ruyant, avec qui il avait couru en 2017 la Transat Jacques-Vabre en double. Voilà des mois qu'avec Berrehar ils ont choisi de phosphorer ensemble sous la houlette de Koch.
«C'est l’assurance de mobiliser plus de cerveaux afin de réfléchir à différentes options. Je trouve intéressant de le réaliser avec les équipes de skippers qui ont déjà une forte expérience au Vendée Globe», apprécie le bizuth.
Pour les marins et leurs sponsors, l'enjeu d'une telle association n'est pas seulement sportif, il est aussi économique. Les Imoca dernière génération, des prototypes très majoritairement faits de carbone, coûtent de plus en plus cher. «La seule mutualisation des outillages pour trois voiliers devrait nous permettre de réduire l'impact de la construction et ensuite de faire des économies d’échelle», affirme Antoine Koch, navigateur et grand architecte du projet.
Selon plusieurs sources interrogées par l'AFP, la conception et la construction d'un Imoca à foils performants coûtent aujourd'hui environ sept millions d'euros. «On ne va pas diviser le prix par trois, mais cette démarche nous permet de le diminuer», dit Ruyant. Elle devrait aussi permettre aux trois skippers d'être dans les clous en matière environnementale.
Dans son dernier règlement, la classe Imoca a imposé de diminuer de 60 tonnes ou plus les émissions de dioxyde de carbone dans le processus de construction des bateaux neufs, par rapport aux bateaux conçus pour le Vendée Globe 2024. Cet éco-score «fait partie de nos problématiques, déclare Boris Herrmann. L'objectif est de faire au moins aussi bien mais d'utiliser moins». Même moule, même foils, même forme de carène, il s'agira de «bateaux jumeaux», affirment les trois skippers.
Cette collaboration semble en tout cas couler de source dans le parcours de Ruyant. En 2023, le roi des transatlantiques (victoires sur la Route du Rhum 2010 et 2022, Transat Jacques Vabre 2021 et 2023) avait intégré à son écurie TR Racing le Britannique Sam Goodchild, en lui confiant la barre de son ancien voilier.
Pendant deux ans, les deux hommes se sont entraînés ensemble et ont brillé en Imoca, chacun sur un bateau différent qui portaient lors de l'édition 2024/2025 du Vendée Globe le même nom: Vulnerable. «J'ai pu voir grâce à cette aventure en commun qu'une concurrence saine amène à faire des trucs assez fantastiques», raconte Ruyant. Lancé à toute vitesse autour du monde sur son Imoca l'hiver dernier, le Nordiste pensait déjà à la suite:
Le chantier CDK à Lorient (Morbihan) a déjà commencé les travaux sur le voilier de Ruyant, qui espère trouver un nouveau sponsor bientôt pour l'accompagner jusqu'au prochain Vendée Globe. La mise à l'eau de son monocoque est prévue en juin 2026.
Quelques semaines plus tard, Herrmann devrait voir son propre voilier sortir du hangar. Dernier arrivé, Berrehar patientera lui jusqu'au premier trimestre 2027 avant de pouvoir profiter sur les océans. Après, rien n'est encore acté, mais les skippers espèrent continuer d'apporter des évolutions communes aux trois voiliers grâce à leurs expériences de navigation. Le prochain tour du monde en solitaire se gagnera donc peut-être à trois.
(afp)