Il dit avoir vécu l'enfer pendant 13 ans. Il se souvient des périodes de sevrage. Des jours et des semaines où il a affronté sa maladie en s'abstenant strictement, lorsqu'il s'agissait tout simplement de tenir bon; de ses démons qui le hantaient, lui faisant subir dépressions, angoisses, agitation et tremblements constants.
Vu de l'extérieur, les 15 dernières années de la vie de Beat Furrer, originaire de Baltschieder près de Viège, font penser à un abîme. C'était une vie à la limite. Sa femme Ruth, avec laquelle il est marié depuis 1989, est restée à ses côtés pendant tout ce temps, malgré son impuissance fréquente, ses nombreuses déceptions et ses lourdes charges. «Je suis infiniment reconnaissant à ma femme de cela», dit l'informaticien de gestion.
«Demain, j'arrête», promettait-il encore et encore à sa femme. Mais le sevrage et le retour temporaire à la vie normale étaient suivis tôt ou tard par la rechute suivante. Une quarantaine jalonnent son calvaire.
Et celles-ci étaient d'une violence inimaginable. Il lui arrivait par exemple de s'arrêter à la station-service, tôt le matin sur le chemin du thérapeute, et de boire d'une traite la bouteille de vin blanc tout juste achetée. Ou d'arriver à l'hôpital avec un taux d'alcoolémie de 3,6 pour mille.
Il a remarqué son addiction en 2007 en tenant des statistiques de consommation pendant une semaine. Il s'est alors rendu compte qu'il figurait déjà dans la catégorie «abus d'alcool». Il a immédiatement décidé de chercher de l'aide. Mais plus il essayait, plus cela produisait l'effet inverse.
Beat Furrer est aujourd'hui guéri de ses tourments. L'homme de 62 ans ne renonce pas à l'alcool. Pour lui, c'est à nouveau un plaisir et non plus une drogue. «De nombreux spécialistes m'ont dit qu'une guérison n'était possible qu'avec une abstinence stricte. Je n'ai jamais accepté qu'il n'y ait que cette voie.»
A l'origine de sa sortie, il y a un livre. Sa femme le lui a offert lorsqu'elle lui a rendu visite à l'hôpital de Viège lors d'une des nombreuses cures de désintoxication. «Mentaltraining für Läufer». En français (mais il n'existe pas dans cette version): Entraînement mental pour coureurs. Un ouvrage signé Michele Ufer, psychologue du sport allemand et coureur de l'extrême.
De la lecture de ce livre est née une fascination pour la course à pied avec pour objectif d'utiliser ce sport comme thérapie. Beat Furrer s'est mis en tête de participer au semi-marathon du Gornergrat Zermatt Marathon en 2018. Il s'agissait de sa toute première compétition de course à pied sur une telle distance.
Depuis l'hôpital, il a commencé à s'entraîner à la course à pied. Mais malgré sa volonté de fer, il a connu de graves rechutes jusqu'à la veille de la compétition. Il est cependant parvenu à franchir la ligne d'arrivée. «J'ai accompli cette course à 75% mentalement», dit-il rétrospectivement.
La formation de conseiller certifié en addiction à l'Institut Anto Proksch de Vienne a également aidé Beat Furrer à sortir de l'enfer. C'est là qu'une phrase s'est imposée à lui: «L'alcoolisme est une maladie qui se soigne bien.» Cela lui a donné pour la première fois, après 12 ans de lutte, la certitude qu'il pouvait s'en sortir. C'était la porte ouverte à une vie meilleure.
Beat Furrer dit qu'il traverse la vie avec une légèreté inconnue auparavant. Ses sens sont plus aiguisés. Il perçoit la nature et l'environnement d'un tout autre œil, se réjouit de choses qui n'avaient aucune importance pendant sa dépendance. «Et le sport m'a énormément facilité la sortie.»
Outre le semi-marathon, les randonnées au long cours et les excursions en montagne figurent en tête de liste de ses activités de loisirs. C'est le plaisir de vivre qui est au centre, et non plus l'addiction. «Les comportements changent. Tout comme il y a une entrée dans la dépendance, il y a aussi une sortie. On peut réécrire sa propre mémoire de l'addiction», dit-il.
Plusieurs raisons expliquent pourquoi l'ancien chef de projet chez Lonza veut désormais rendre son histoire publique. D'une part, il veut sensibiliser les gens à cette maladie.
Beat Furrer veut aussi aider d'autres personnes concernées. Ses propres expériences, ses détours et ses errements, mais aussi ses solutions et ses nouvelles portes doivent encourager d'autres personnes à essayer et à réussir. «Allez voir des professionnels, cherchez de l'aide et évitez ainsi une période de souffrance aussi longue que celle que j'ai connue», conseille-t-il aux personnes concernées.
Beat Furrer veut mettre ses services à disposition en tant que conseiller en toxicomanie. «Après tout, j'ai acquis d'énormes connaissances sur la maladie.» Sur son site www.beat-furrer.com, on peut lire son histoire et toutes sortes d'informations utiles. Il souhaite soutenir dans leur démarche les personnes souffrantes.
Lui continue dans sa nouvelle voie. Samedi, il a de nouveau couru sur le Riffelberg lors de la 20e édition du Gornergrat Zermatt Marathon. La première fois, en 2018, il s'agissait d'un pur effort de volonté. Cette fois-ci, c'était un plaisir. A l'arrivée, il a pu trinquer à sa performance avec une grande bière blanche, sans mauvaise conscience et sans crainte de rechuter.