Votre activité sportive influence le sexe de votre enfant
Les chercheurs en sciences du sport ont parfois de drôles de conversations: il y a environ un an, nous discutions de l'influence de la discipline sportive sur le sexe des enfants de sportifs. Ça paraît incongru de prime abord, mais il se disait que les sportifs d'endurance avaient plus de filles? En discutant et en prenant en exemple nos connaissances, ou d'illustres athlètes, cette rumeur semblait se confirmer. Mais aucun travail scientifique solide n'avait été fait : nous avons donc mené l'enquête !
Et oui, nos analyses portant sur près de 3 000 naissances confirment cette idée: un athlète de haut niveau en triathlon ou ski de fond a moins de probabilité d'avoir un garçon qu'un professionnel en sports collectifs ou en tennis.
Comment en sommes-nous arrivés à ces conclusions? D'abord il faut trouver les données. Et pour cela, nous avons utilisé les informations fournies par les sportifs eux-mêmes via les réseaux sociaux, les sites de magazines spécialisés, de journaux, les fiches Wikipédia ou directement par questionnaire. Commence alors un long et fastidieux travail de collecte auprès de sportifs professionnels ou avec des sélections en équipe nationale.
On note l'âge des sportifs, leur discipline sportive, les dates de leur carrière et bien sûr l'année de naissance et le sexe de leur progéniture. On sait que dans la population générale, il y a entre 1,03 à 1,05 garçons pour 1 fille, et ce résultat est très stable à travers le monde et le temps. Nous avons comparé les résultats chez nos sportifs avec ces valeurs et également les disciplines entre elles pour savoir si nous pouvions identifier des critères associés aux naissances de filles ou de garçons.
Davantage de bébés filles en endurance
Résultat: 2 995 naissances entre 1981 et 2024 issues de sportifs de plus de 80 pays et de 45 disciplines sportives différentes ont été analysées, dont un peu moins de 20 % de sportives (ce ratio étant dû principalement à la disponibilité des données qui découlent notamment d'une plus grande mise en avant médiatique des sportifs par rapport aux sportives).
Premier enseignement: chez nos sportifs, on observe 0.98 naissance garçon pour 1 naissance fille, soit moins que chez les non-sportifs. Nous sommes sur la bonne voie. Pour voir si la discipline sportive influence le sexe des enfants, on classe les sports en fonction du pourcentage de naissances de garçons observées dans chaque sport et on constate qu'il y a des écarts très importants (56 % à 35 % de naissances masculines) entre le tennis, le handball et le ski d'un côté (avec beaucoup de garçons), et le ski de fond/biathlon, la gymnastique ou la course de fond et demi-fond de l'autre.
Les joueurs de tennis ont plus de chances d'avoir un garçon que les marathoniens
En observant ces résultats, on note que cela se complique un peu, car la gymnastique ou le water-polo, qui ne sont pas vraiment considérés comme des sports d'endurance, semblent aussi influencer le sexe de la progéniture des athlètes vers une augmentation des naissances de filles. En revanche, on voit apparaître un autre élément: les sportives mettent au monde significativement moins de garçons que les sportifs (0.85 garçon pour 1 fille, contre 1.02 pour 1 chez les hommes).
Pour y voir plus clair, on regroupe les différentes disciplines au sein de quatre catégories: endurance (cyclisme, ski de fond, ...), puissance (ski de descente, sauts et lancers, ...), mixte (sports collectifs) et précision (tir, golf, ...). On ajoute les critères: sexe de l'athlète et date de la naissance par rapport à la carrière du sportif (pendant ou après sa carrière). On réalise ensuite une analyse par arbre de classification. Cela revient à séparer l'échantillon en sous-groupes distincts avec les critères spécifiés, si ces derniers ont un pouvoir prédictif sur le sexe de la progéniture.
En réalisant cette analyse statistique, on peut conclure que c'est bien la discipline sportive qui pèse le plus, les sportifs pratiquant les sports d'endurance ou de précision engendrant significativement plus de naissances de filles et moins de naissances de garçons que les deux autres (mixte et puissance). Puis, au sein du sous-groupe de sportifs qui pratiquent l'endurance ou les sports de précision, le sexe du sportif lui-même est un prédicteur du sexe de sa progéniture: les sportives de ce sous-groupe engendrent 0.7 garçon pour 1 fille contre 0.91 chez les messieurs.
Enfin, dernier effet, au sein des sportives d'endurance et de précision, le fait d'avoir un enfant pendant ou après sa carrière a une grosse incidence puisque la probabilité est de seulement 0.58 garçon pour 1 fille quand la naissance survient pendant la carrière contre 0.81 après la carrière.
Finalement, le sous-groupe pour lequel l'effet de la pratique sportive à haut niveau est le plus marqué est celui constitué par les sportives qui pratiquent un sport d'endurance ou de précision et qui ont un enfant pendant leur carrière. Chez elles, la probabilité d'avoir une fille ou un garçon est de 63 % vs. 37 %, alors que c'est environ 49 vs. 51 % dans la population mondiale.
Niveaux hormonaux et stocks d'énergie
Comment expliquer une telle différence? A ce stade, on ne peut émettre que des hypothèses.
Une des causes pourrait être liée au profil hormonal des parents au moment de la conception. En effet, de hauts niveaux de testostérone ou d'œstrogènes favoriseraient les naissances masculines, à l'inverse de la progestérone ou du cortisol. Or le rapport testostérone/cortisol a été proposé en sport comme marqueur de surentraînement.
Une autre cause physiologique pourrait être la dépense énergétique liée à l'activité physique. En effet, le développement au stade embryonnaire est plus coûteux en énergie pour les fœtus mâles que pour les fœtus femelles.
Le nombre d'heures passées à s'entraîner ainsi que l'intensité des entraînements modifierait le statut hormonal et/ou l'état énergétique de l'organisme avant la conception, ce qui pourrait influencer le sexe de la progéniture des sportifs.
En accord avec cette hypothèse, il a été montré sur un échantillon de footballeurs chiliens que ceux qui s'entraînaient le plus avaient plus de filles que les autres. Même constat chez les animaux: les souris femelles gestantes qui courent le plus font moins de souriceaux mâles. Le nombre d'heures d'entraînement hebdomadaire expliquerait aussi le faible nombre de garçons chez les gymnastes et les poloïstes, deux sports avec un volume d'entraînement important.
La situation financière peut aussi jouer un rôle
Mais les aspects psycho-sociologiques pourraient aussi contribuer à influencer le sexe des enfants de sportifs. Par exemple, une bonne situation financière serait associée à une augmentation des naissances masculines dans la population générale.
Les différences de revenus entre les disciplines sportives, entre les hommes et les femmes, ou l'incertitude liée à l'après-carrière pourraient donc contribuer aux variations observées. La liste des autres paramètres susceptibles d'influencer le sexe des enfants de sportifs est longue (profil du partenaire, utilisation possible de certaines substances pharmacologiques, bilan alimentaire/énergétique, situation politique du pays, etc.). De nouvelles études standardisées seront donc nécessaires pour élucider ces observations.
D'un point de vue des hypothèses physiologiques, il serait intéressant de comparer le profil hormonal, la dépense énergétique et le volume d'entraînement des athlètes parents de petits garçons avec ceux parents de petites filles.
Des études plus poussées sur la qualité du sperme des athlètes masculins et l'adaptation du tractus génital des athlètes féminines en réponse à leur pratique seraient aussi très intéressantes. Enfin, il serait aussi pertinent de mesurer l'impact d'un meilleur aménagement socio-économique de la carrière des sportives sur le sexe de leur progéniture.
Cet article a été publié initialement sur The Conversation. Watson a changé le titre et les sous-titres. Cliquez ici pour lire l'article original.