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«Soigner Ibrahimovic ainsi, c'est voué à l'échec», estime un médecin

«Soigner Ibrahimovic ainsi, c'est voué à l'échec», estime un médecin

Zlatan Ibrahimovic (Milan AC) a diffusé une vidéo dévoilant le traitement qu'il a subi cette saison pour pouvoir jouer au football. Une séquence de 36 secondes qui a interpellé le médecin du sport Boris Gojanovic. Interview.
02.06.2022, 18:4403.06.2022, 06:56
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La vidéo, postée dimanche par Zlatan Ibrahimovic sur les réseaux sociaux, a été vue par plus d'un million de personnes à travers le monde. Mais qu'ont-ils vu? Une grosse seringue perçant le genou gauche de l'attaquant du Milan AC pour en retirer un liquide brunâtre.

Vidéo: watson

«Vidange du genou une fois par semaine pendant six mois», a écrit le géant suédois pour accompagner une image dont on ne saisit pas toutes les subtilités. A moins d'avoir fait médecine du sport comme le Dr Boris Gojanovic, en poste à l'hôpital de La Tour, à Meyrin.

Boris Gojanovic, que nous apprennent ces images?
Il s'agit d'une ponction d'un genou qui est gonflé, car il n'est pas en bonne santé. On insère une aiguille et on en retire du liquide d'inflammation, ce qu'on appelle de la synovie.

Le but, c'est de soulager le patient.
Exactement. Mais quand on a une déchirure du ligament croisé antérieur comme Ibrahimovic, la ponction ne règle absolument pas le problème de base.

«C'est comme mettre un pansement sur une fracture. C'est un traitement voué à l'échec.»
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L'attaquant du Milan AC a joué sans ligament croisé antérieur lors des six derniers mois. Il a subi plus de 20 injections, et son genou a été asséché une fois par semaine. Etait-ce prudent?
Il y avait un risque évident d'aggravation. Si son genou n'avait pas été assez stable, il aurait pu, sur un choc banal ou un contact, se refaire une entorse du genou. Il courait le risque d'une blessure plus sérieuse encore, comme une déchirure du ménisque, qui n'est pas tellement réparable.

Une déchirure du ligament croisé antérieur nécessite-t-elle obligatoirement une opération?
Non, pas toujours. Les sportifs amateurs qui pratiquent le ski ou la randonnée peuvent très bien récupérer assez de stabilité pour poursuivre leur activité sans opération. Mais dans un sport de «pivot-contact» comme le football, le basket ou le hockey, des disciplines qui demandent des changements de direction, des appuis et des sauts, en général, on opère. Mais là encore, bien sûr, il y a des exceptions.

De toute évidence, un sportif touché au ligament croisé antérieur, mais qui n'a pas besoin d'être opéré, n'a pas un genou aussi gonflé que celui d'Ibrahimovic.
Non, en principe pas. Sur la vidéo postée par le joueur sur les réseaux sociaux, on voit bien que le genou n'est pas content, qu'il ne supporte pas ce qu'on lui demande. Il est dans un état inflammatoire constant. Les médecins du club essaient de réduire cette inflammation en retirant le liquide et en injectant probablement de la cortisone et des anti-inflammatoires dans le genou pour essayer de le calmer, mais ça ne marche pas, clairement, puisqu'ils doivent répéter cette opération toutes les semaines.

«Ibra» a tout de même pu participer à 23 rencontres de championnat cette saison, inscrivant 8 buts et délivrant 3 passes décisives.
«Ibra» a tout de même pu participer à 23 rencontres de championnat cette saison, inscrivant 8 buts et délivrant 3 passes décisives.

Les médecins du club sont dans une position souvent délicate dans ces cas-là: ils doivent préserver le joueur sans nuire aux intérêts sportifs et financiers de l'équipe.
C'est tout à fait juste: la santé de l'athlète prime, même s'il y a clairement des enjeux financiers qui entrent en ligne de compte. Notre but, en tant que médecin, c'est d'avertir l'athlète sur les risques qu'il encourt à se soustraire à l'opération, en sachant que la décision finale lui appartient et qu'elle sera prise en fonction de ses intérêts et de la pression qu'il subit. Car il est toujours sous pression. Toujours.

C'était d'autant plus vrai cette saison pour Ibrahimovic, puisque Milan a dû lutter jusqu'à la dernière journée pour conquérir son premier titre de champion depuis 2011. La pression était énorme.
D'où le choix, de la part de Milan et du joueur, de ne pas passer par l'opération (réd: Ibrahimovic a attendu la fin de saison pour subir une intervention chirurgicale, ce qui lui fera dire: «j'ai un nouveau ligament croisé antérieur et un nouveau trophée»). Il n'y a pas eu de surblessure, en tout cas pas à ma connaissance, mais pour moi, le risque sur la santé du joueur était trop grand. A moins, bien sûr, que le joueur ait eu une déchirure incomplète du ligament croisé antérieur. Ce n’est pas fréquent, mais cela existe et aurait pu expliquer la stratégie a priori plus risquée du club, mais avec une chance de succès.

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D'autres sportifs que lui ont aussi eu recours à la ponction. Comme la spécialiste vaudoise de skicross Fanny Smith.
Oui, elle avait eu un accident du genou avec entorse et grosse contusion juste avant les JO de Pékin. Un de mes collègues à l'hôpital de La Tour avait ponctionné son genou, l'asséchant comme celui d'Ibrahimovic. Grâce à cela, Fanny Smith avait pu s'entraîner un peu avant la compétition. Mais il s'agissait d'un traitement tout à fait adéquat pour aider à la guérison, alors que dans la situation d'Ibrahimovic, le but n'était pas de guérir, mais de contrer les effets de son genou déficient.

Les deux athlètes n'avaient peut-être pas la même liberté de choix. Fanny Smith est une sportive individuelle alors que Zlatan Ibrahimovic pratique un sport collectif. Il a, en ce sens, des comptes à rendre à des supérieurs hiérarchiques.
C'est tout à fait vrai: accepter une opération est beaucoup plus difficile dans les sports d'équipe. Parce que le choix est souvent collectif ou pour le collectif, tandis que l’athlète individuel peut par nature prendre seul ses décisions. C'est la raison pour laquelle les sportifs pratiquant une activité individuelle ont souvent une meilleure compréhension de leur propre corps que leurs cousins des sports collectifs.

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