On a rencontré Livia Peng en avril, à Brême en Allemagne, où elle jouait alors. Alors que l'entretien touchait à sa fin, la gardienne suisse a tout à coup confié:
La volonté, la ténacité, voilà des mots qui reviennent sans cesse dans la bouche de ceux qui côtoient Livia Peng et la décrivent.
La Grisonne, qui vient de signer à Chelsea en Angleterre, évoluait depuis 2023 au Werder Brême, dans le nord de l’Allemagne. Une ville qui était devenue sa maison. Une ville, aussi, qui respire le football. «Ici, onze personnes sur dix sont fans du Werder», rigolait Peng. Avec ce club, la gardienne a atteint la saison dernière pour la première fois de l’histoire la finale de la Coupe.
Le magazine spécialisé Kicker l’a même sélectionnée dans l’équipe-type de la saison de Bundesliga. Devant, notamment, une certaine Elvira Herzog (Leipzig), sa rivale pour le poste de titulaire avec la Nati pour l'Euro. La titularisation de Peng lors du dernier match amical jeudi contre la Tchéquie (victoire 4-1) ne laisse plus aucun doute: c'est elle qui défendra la cage des Helvètes lors de l'Euro.
Son ancien entraîneur à Brême, Thomas Horsch, loue le professionnalisme, la détermination et le comportement de la Grisonne:
Les fans ne s'y trompent pas: au Werder, elle était l’une des chouchous du public.
Livia Peng a fêté ses 23 ans en mars. Elle est encore jeune, mais a déjà vécu tellement de choses dans son parcours. À 13 ans, elle fait le choix très courageux de quitter la maison familiale à Domat/Ems, dans les Grisons, pour rejoindre le centre de formation de l’Association suisse de football (ASF) à Bienne. À seulement 17 ans, elle devient gardienne titulaire du FC Zurich, avec qui elle remporte en 2022 le doublé coupe-championnat. La même année, elle termine sa maturité et ose franchir le pas vers l’étranger.
Elle part en Suède, puis rapidement en Espagne. Et bientôt à Brême. Avec du recul, Livia Peng analyse:
Elle apprend très vite des choses qu’on n’enseigne pas à l’école, comme souscrire une assurance ou payer des impôts. Elle ressent rarement le mal du pays.
Peng avance pas à pas, décroche immédiatement une place de titulaire au Werder, en Bundesliga. Mais elle découvre aussi la dure réalité du football professionnel. Dans le club suédois de Häcken, elle n’obtient pas le temps de jeu qu’elle espérait. À Levante, en Espagne, la langue lui pose problème, elle ne s’y sent jamais vraiment chez elle. Et en équipe nationale, elle traverse des mois difficiles: l’automne dernier, elle a été reléguée au rang de numéro 2, derrière Herzog. Juste avant l’Euro à domicile.
Hendrik Lemke, entraîneur des gardiennes au Werder Brême, se souvient d’une athlète «anéantie» à son retour du rassemblement de la sélection.
Peng confie qu’un monde s’est alors écroulé pour elle: «L’Euro à la maison, c’est un rêve. Mais moi, je veux jouer.» Pendant près d’un an, elle ne sera plus titulaire avec la Nati, jusqu’à ce printemps, où elle rejoue enfin lors des défaites en Ligue des nations contre la France et la Norvège.
Cette période a laissé des traces. Et pourtant, la Grisonne parle de sa situation avec une franchise remarquable:
Dans son modeste appartement de Brême, trois posters en noir et blanc ornaient le mur: le boxeur Mohamed Ali, le tennisman Roger Federer et le basketteur Michael Jordan. «Ce sont ou ont été des personnalités extrêmement fortes, dont je peux énormément apprendre», loue Livia Peng, qui a entamé un cursus à distance en gestion du sport.
Au Werder Brême, elle a appris à prendre des responsabilités. La relance et le jeu au pied sont ses points forts. Hendrik Lemke, son ex-entraîneur affirme n’avoir encore jamais vu, à l’échelle mondiale, une gardienne capable de dégager aussi précisément sur une coéquipière. Pas étonnant que Manuel Neuer, maître en la matière, soit l’un des grands modèles de Peng.
Lemke insiste aussi sur le sens du détail de l'Helvète:
Sur son site internet, elle a écrit un jour que son club préféré était Chelsea. Pour Livia Peng, le rêve est devenu réalité il y a deux semaines: elle a signé un contrat de quatre ans avec le champion d’Angleterre (sacré neuf fois ces dix dernières années).
Londres est donc la prochaine étape sur le parcours de la Grisonne. Encore un pas hors de sa zone de confort. Lumière des projecteurs, pression. Mais elle a appris à gérer. En Coupe, la saison dernière, elle a joué devant 57 000 spectateurs – un record pour le football féminin allemand.
«Cela me motive encore davantage», s'enthousiasme-t-elle. Durant cet Euro, la gardienne de la Nati aura encore le privilège d'évoluer devant des dizaines de milliers de spectateurs. Ses sacrifices et son travail acharné en ont donc valu la peine.
Adaptation en français: Yoann Graber