Quand un sportif de haut niveau revient sur le terrain après une absence de 25 jours, c'est souvent parce qu'il a dû soigner une vilaine blessure. Mais pour Timoci «Jim» Nagusa, de retour à l'entraînement ce lundi, c'est tout le contraire. Car l'ailier de Grenoble doit sa coupure à un bonheur rare et précieux: La naissance de sa fille. Pour être auprès de sa femme et de leur bébé, il est devenu le premier sportif pro à faire valoir le congé paternité ouvert aux pères depuis le 1er juillet en France.
«J'ai une autre petite fille qui a quinze mois. J'ai vu à quel point ça a été difficile pour ma femme après ce premier accouchement», a témoigné le papa. «Je me suis dit qu'en tant que père et mari, il était de ma responsabilité de l'aider. Elle en a besoin. C'est juste du bon sens. Je suis fier de ma décision».
C'est beau comme une victoire, et même plus. Ça donne très envie de se lever et d'applaudir. Pourtant de nombreuses réticences ont accompagné la décision du joueur fidjien. À commencer par celles de son propre employeur.
Certains coéquipiers de Nagusa n'ont pas masqué leur étonnement non plus. «Ils ont été surpris, ça n'avait jamais été fait». Mais celui qui a été le plus insultant envers le Grenoblois, c'est le manager de Bordeaux, Christophe Urios.
La décision inédite du joueur s'inscrit dans un double contexte qui le désavantage forcément: Le rugby reste un univers très patriarcal et les mentalités, dans le sport de haut niveau, ont encore du mal à accepter qu'on puisse être un grand champion en ayant parfois d'autres priorités que la performance.
Surtout que le choix de Timoci Nagusa impacte son rendement sur ce qui, en sport, s'apparente à du très long terme. «Il faudra pratiquement 7 à 8 semaines de plus à Nagusa pour se réathlétiser et revenir. Donc en gros, le joueur n’est pas absent qu’un mois mais trois», a souligné l'ex-sélectionneur du XV de France, Philippe Saint-André. Une durée que Nagusa a réfutée, assurant qu'il serait opérationnel à son retour.
Le Fidjien de 34 ans a reconnu que sa décision était un coup dur pour son équipe, «qui essaie de gagner des matchs, de grandir alors qu'elle a des joueurs blessés». Mais il en a appelé à la bienveillance de ses dirigeants. «Ils doivent aussi comprendre que j'ai une responsabilité en tant que père, en tant que mari», a-t-il témoigné dans L'Equipe.
Le congé paternité de Nagusa a suscité tellement de réactions que l'affaire est remontée jusqu'aux plus hautes sphères de l'Etat, la ministre déléguée chargée de la citoyenneté prenant position en faveur du rugbyman.
Soutien à Timoci Nagusa « lumière à suivre » comme il le dit et à tous les jeunes pères qui font valoir leur droit à un congé paternité !
— 🇫🇷 MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) October 25, 2021
C’est désormais un droit formel augmenté à un mois, reste à un faire un droit réel, et non un combat, pour en bénéficier sereinement... https://t.co/S473NXtUtd
Timoci Nagusa a retrouvé les terrains lundi matin et ce n'était pas comme les autres fois. Quelque chose avait changé. «Je trouve ça plus dur de quitter la maison. Je sens que ma petite fille me manque déjà beaucoup».