Par pitié, préservez le foot suisse de cette innovation au Mondial des clubs!
Les suiveurs de la Coupe du monde des clubs de football aux Etats-Unis auront remarqué cette innovation avant les matchs: les joueurs entrent un par un, après que leur nom est scandé par le speaker. Le tout au milieu d'un spectacle son et lumière. Ce show à l'américaine, façon NBA et NHL, est très loin de ce qu'on a l'habitude de voir dans le foot européen.
L'entrée des joueurs à la Coupe du monde des clubs 📺
Sur le Vieux Continent, tous les joueurs entrent ensemble. Les deux équipes forment deux files indiennes parallèles, qui pénètrent sur la pelouse depuis le tunnel des vestiaires. Le tout avec une musique de fond propre à chaque club, qui la garde en général pendant toute une saison (voire beaucoup plus longtemps, certaines chansons d'entrée d'équipes devenant iconiques).
Roméo Lavia, milieu de terrain de Chelsea, apprécie beaucoup la nouvelle manière de faire au Mondial des clubs, comme il l'a fait savoir dans des propos repris par RMC Sport:
A tel point que le Belge (21 ans) suggère de l'instaurer en Premier League.
J'espère que les dirigeants du championnat anglais et ceux des autres ligues européennes – la Suisse, notamment – ne seront pas tentés par la proposition de Roméo Lavia. Parce que, pour moi, il n'y a pas photo: la bonne vieille manière de faire est la meilleure. Je l'adore, même.
L'entrée des équipes en files, c'est l'un de ces rituels qui font un match de football, véritable cérémonie en soi. C'est le début officiel du spectacle. Le seul moment à côté du match en lui-même qui fait accélérer les cœurs du public. Ce dernier n'en peut plus d'attendre, après ces avant-matchs interminables (trajet jusqu'au stade, saucisse/bière en y arrivant, échauffement des équipes, énumération des compositions par le speaker, etc.).
Et tout à coup, les deux équipes qui pointent le bout de leur nez hors du tunnel, précédées des arbitres. Une arrivée spontanée, surprise même – c'était encore plus vrai avant que les écrans géants ne soient installés dans les stades, qui permettent désormais de suivre l'avancée dans le tunnel –, qui injecte un puissant shoot d'adrénaline à toute l'arène. Tous les yeux sont tout à coup rivés sur ces 22 acteurs qui pénètrent sur la pelouse, en bombant le torse. Ils s'en vont batailler en rang puis s'alignent, de chaque côté de l'arbitre, pour faire face à la tribune principale et la saluer. Comme le faisaient les gladiateurs devant les empereurs romains.
Le tout accompagné de superbes tifos (animations visuelles et fumigènes) dans les secteurs des ultras et d'une musique souvent mythique. Quels moments intenses émotionnellement! Je me souviens d'avoir eu, enfant, la chair de poule dans l'ancienne Maladière de Neuchâtel en voyant les joueurs débarquer sur Quatrième Rendez-vous de Jean-Michel Jarre. Idem à la Pontaise à Lausanne, quand les enceintes crachaient The Final Countdown du groupe Europe.
Avec une entrée des joueurs un par un, on perd complètement cet effet de surprise. Or, ce dernier est justement ce qui permet à ce moment particulier d'être si intense. La longueur et la répétition de ces apparitions individuelles les rendent barbantes.
C'est avant tout l'équipe que les fans doivent applaudir et célébrer, pas ses individualités. L'innovation de la Coupe du monde des clubs ne fait qu'injecter inutilement de l'ego là où il y en a déjà trop désormais.
Aussi, pourquoi vouloir toujours «américaniser» nos spectacles sportifs (les shows d'avant-match en National League suisse de hockey sur glace en sont un exemple) alors que les bonnes vieilles recettes européennes fonctionnent, en tout cas en football?
Finalement, remplacer l'entrée traditionnelle commune en files par des apparitions individuelles, c'est se priver de scènes croustillantes qui font la saveur de ce sport. On se délecte tous des vidéos et anecdotes où les adversaires s'enlacent, se taquinent ou même se chauffent, d'une colonne à l'autre dans le tunnel des vestiaires.
De nombreux athlètes ont raconté qu'ils avaient gagné (ou perdu) un match déjà dans ce fameux tunnel.
Bref, chers dirigeants du foot européen, n'écoutez pas Roméo Lavia – aussi sympathique soit-il – et préservez cette belle tradition des entrées en files!