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Montreux Jazz 2024: on a discuté avec les programmateurs

Montreux Jazz 2024: on a discuté avec les programmateurs
«Raye, c'est la diva d'aujourd'hui, ou une diva en devenir. Mais une humble diva.» (Rémi Bruggmann)Image: dr x montreux jazz press

«On a la prochaine Amy Winehouse à Montreux»

L'affiche 2024 du Montreux Jazz offre une belle diversité, entre icônes d'hier et nouveaux visages d'aujourd'hui, consacrés par la Toile. On a rencontré les programmateurs du festival, pour tenter de comprendre ce qu'il se passe dans leur tête.
18.04.2024, 16:5718.04.2024, 20:02
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Le programme du Montreux Jazz Festival a enfin été dévoilé. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la cuvée 2024 promet d'être savoureuse, mûre et jeune dans le même battement.

On aura du gros rock de darons, de Alice Cooper à Deep Purple, du rock-funk-pop à la Lenny Kravitz, et de quoi concentrer sur une seule place une bonne poignée de clients exigeants, mais peu concentrés, ceux issus de la GenZ. Ces derniers vont à coup sûr plébisciter Yamê, Tyla ou encore Raye. Les millenials, eux, s'y retrouvent avec Massive Attack, Air, André 3000 ou encore Disiz (nous, les Millenials, on va de toute façon bouffer à tous les râteliers).

Pour nous offrir un menu aussi varié en doux plaisirs, l'équipe a dû, en n'en point douter, se démener. On a rencontré deux programmateurs, Michaela Maiterth, et Rémi Bruggmann, et on leur a posé 15 questions pour nous aider à comprendre leurs choix...et leurs défis.

A leur sujet:
Michaela Maiterth a été road manager pour des artistes de jazz durant ses études. C’est en 1990 que Claude Nobs lui propose de rejoindre la coordination artistique du Festival, auquel elle participe depuis à temps plein.

Co-programmateur du Montreux Jazz Lab depuis la 53e édition en 2018, Rémi Bruggmann s’est spécialisé dans les musiques actuelles et émergentes. ​
source: montreux jazz press

Ils font le programme et répondent à nos questions

watson: On parle beaucoup des cachets des artistes, et des coûts infrastructurels exponentiels. On dirait que le MJF s'en sort plutôt bien cette année!
Rémi Bruggmann: C'est vrai, on est très contents. On a de la chance de s'appeler Montreux Jazz Festival; il faut dire que ça facilite les discussions avec les agents. Mais c'est tout de même une année très spéciale, et certains artistes ont été d'accord de faire des compromis. Depuis toujours, les musiciens sont d'accord de venir jouer dans des salles à proportion plus réduite, par rapport à d'autres festivals à l'étranger, en plein air.

Vous dites que vous avez dû faire des compromis. Le set up a dû largement influer sur les discussions!
Rémi Bruggmann: Le set up dicte beaucoup la programmation, en effet. On est passés d'une scène du Lab, 2000 personnes, à une salle de 1300 personnes avec une configuration mixte, mi-debout, mi-assis. C'était donc un parti pris de ne pas faire de rap français, on estimait que ce ne serait pas gérable d'avoir de gros pogos dans la salle du Casino.

«On a donc tenté de choisir des artistes du rap français avec d'autres univers, qui collaient mieux à cette configuration spécifique»

Et des pogos sous les étoiles, ça passe?
Rémi Bruggmann: (rire) Oui, j'espère qu'il y aura des pogos sur les Smashing Pumpkins... ou sur Lenny Kravitz. Mais en termes de rap, cette année, on a mis de côté certaines options tentantes, comme Travis Scott. Que ce soit la question du set up ou de la capacité de salle, il a fallu bien réfléchir. On n'a pas la même amplitude que le Frauenfeld, par exemple. De plus, il ne faut pas oublier que la capacité se répercute sur le cachet.

Qu'est-ce qui va changer, avec la scène outdoor du Lac?
Rémi Bruggmann: Notre but était de faire un open air qui n'en soit pas vraiment un, et qui garde un côté très intimiste, avec une capacité assez proche de celle du Stravinski. Les autres open air en Suisse proposent au contraire une capacité de quelque 15 000 ou 30 000 personnes. L'ambiance promet donc d'être unique.

Vous n'avez pas craint la réaction des artistes, quand vous leur avez parlé de ces changements?
Michaela Maiterth: On avait déjà fait une petite scène du Lac pendant le Covid, et ça avait beaucoup plu. Les retours étaient très positifs. De plus, certains artistes ont adoré; ils sont venus justement parce qu'on a une Scène du Lac. Ils imaginaient déjà leurs caméos dans ce superbe contexte!
Rémi Bruggmann: Mais bon, les doutes, on en aura jusqu'à l'ouverture de la billetterie... (rires)

Niveau noms à l'affiche, il semble y avoir énormément de paramètres à anticiper...
Rémi Bruggmann: On essaie de prendre des paris, parfois plusieurs mois à l'avance. Prenez Raye; tout le monde parle d'elle maintenant, car elle a gagné six Brit Awards (réd: en mars 2024). Mais avant qu'elle reçoive tous ces prix, on l'avait déjà confirmée.

«Il faut aussi comprendre que si on attend le dernier moment, les demandes financières vont aussi augmenter, au regard de la popularité des artistes»

Michaela Maiterth: Il ne faut pas oublier que les tournées se prévoient longtemps en avance, et que c'est en grande partie une question de logistique. Il faut donc aussi profiter de la trajectoire des artistes, autrement, chaque détour leur coûte.

Vous avez bien senti le phénomène Tyla!
Rémi Bruggmann: Oui, on est très contents. On s'est d'abord basés sur son titre Water, qui a littéralement explosé. Un peu à l'image de Rema, ou Ayra Starr, à l'affiche l'année passée. Tyla se partage un beau plateau, avec Yamê, qui est la star de demain.

C'était une grosse surprise de voir Yamê à l'affiche, d'ailleurs. On a l'impression que vous faites le grand écart générationnel, entre Massive Attack et TikTok...
Michaela Maiterth: il y a de vrais liens entre les artistes de divers âges. Chaque artiste s'inspire de la génération précédente, et c'est une bonne chose de présenter cette émulation au public. Je considère même que c'est notre mission que d'établir ce lien.
Rémi Bruggmann: oui, on se doit de parler à toutes les générations. Le festival a toujours été tourné vers la modernité.

«Malgré que l'on soit le Montreux "JAZZ", on a toujours scruté les dernières tendances. Même à l'époque»

C'est le jazz qui semble prendre une nouvelle définition, parfois.
Rémi Bruggmann: Certes, moins de grandes stars du jazz de l'époque sont présentes au MJF. Mais en 2024, ce sont les nouvelles stars du jazz qu'on est en train de présenter. Notre mission se perpétue, mais avec les artistes du moment.

Vous suivez TikTok? Vous suivez l'émergence de nouveaux artistes via ce canal? Certains parlent des nouveaux réseaux avec condescendance...
Rémi Bruggmann: Bien sûr qu'on scrute TikTok. Qu'on aime ou qu'on n'aime pas, ces plateformes font partie de la réalité. On est obligés aussi de se tenir informés de cette réalité, et de nous adapter à la façon qu'a la musique d'être consommée, de nos jours.
Michaela Maiterth: D'autant plus que désormais, les artistes font beaucoup leur promotion par eux-mêmes. Bien souvent, ils se font connaître à travers ces médias.

Entre «émergence d'un nouveau phénomène» et «effet éphémère», j'imagine qu'il faut doser...
Rémi Bruggmann: En effet...L'effet TikTok peut être de courte durée. Mais pour nous, tout le défi consiste à sentir quand une carrière va se prolonger, pour aboutir à quelque chose de consistant.

Rester à la page sur les nouveaux styles et les nouveaux canaux, en voilà un défi...
Rémi Bruggmann: C'est ce qui est fascinant. Je trouve que c'est complètement fou, par exemple, que Spotify rajoute tout à coup un bouton pour accélérer ou ralentir les morceaux. Mais c'est une réalité à laquelle les artistes eux-mêmes ont dû s'adapter: certains proposent déjà leur propre version plus rapide d'un titre.

Montreux garde une belle place pour le rock. Vous avez convié de grandes icônes comme locomotives au festival...D'aucuns ont été déçus que Paléo soit plus en retrait, cette année, sur ce style.
Michaela Maiterth: Il faut tout de même avouer que parfois, on a du bol...ou pas. La chance fait partie intégrante de notre métier. Il faut que les dates jouent... qu'ils soient encore là...
Rémi Bruggmann: Mais c'est vrai que cette année, l'écart de la présence «rock» était plus prononcé entre Paléo et Montreux. C'est pourquoi l'on a senti une emphase sur ce style. Cependant, cette comparaison n'a vraiment pas lieu d'être. On n'a pas cherché à faire une affiche «spécial rock». On recherche simplement un certain équilibre.

Vous avez à l'affiche la diva d'hier, Dionne Warwick. Mais quid de la diva d'aujourd'hui?
Rémi Bruggmann: (rires) Raye, c'est la diva d'aujourd'hui, ou une diva en devenir. Mais une humble diva. Dans le sens que c'est, selon moi, la prochaine Amy Winehouse. Elle va faire une grande carrière, c'est certain!

Certains artistes suisses ont explosé sur TikTok. On pense à Nuit Incolore, programmé à Paléo, ou encore à Arma Jackson (réd: son titre BBL avec Josman fait le buzz en ce moment). Où sont-ils?
Rémi Bruggmann: Arma Jackson est venu sur la Scène du Lac en 2021. Nuit Incolore, on l'a beaucoup soutenu, son premier concert suisse était à Montreux. Il était venu à l'Autumn of Music, en 2022. Il est revenu l'année passée. Si vous prenez NNavy à l'Auditorium Stravinski, ou encore Emilie Zoé juste avant Nick Cave, vous pouvez voir qu'il y a beaucoup d'artistes suisses qu'on a mis en avant. Mais d'un côté, notre mission est presque accomplie, car ceux-ci volent d'eux-mêmes, désormais.

«On essaie d' offrir un tremplin aux artistes suisses. Cependant, on n'a pas envie de faire une scène suisse. On veut plutôt leur offrir de belles ouvertures, et des opportunités»

Cette année, on a deux artistes suisses, Black Sea Dahu avant Asaf Avidan, et L'Eclair, sur la scène du Casino, juste avant Nick Mason's Saucerful of Secrets.

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