Langnau venait d'égaliser à 3-3 contre Lausanne, samedi soir à l'Ilfis. Il restait 13 minutes et 41 secondes à disputer, le DJ de la vieille patinoire poussait à coin «I want it all» («Je veux tout» de Queen) et enfin on allait savoir: quand il est dos au mur, Lausanne veut-il vraiment tout, c'est-à-dire gagner, ou cherche-t-il plutôt à ne pas perdre? Quand on lui posera la question à la fin du match, le grand défenseur vaudois Igor Jelovac (195 cm sans les patins) dira que le LHC, bien sûr, joue pour la victoire. «Si on essayait d'éviter la défaite dans ce genre de moments, on laisserait trop d'espaces à nos adversaires et ce serait dangereux pour nous.»
On a donc pu observer la façon dont les Vaudois jouent pour gagner des matchs. Le schéma est simple, voire simpliste: il consiste le plus souvent à expédier la rondelle en fond de patinoire, puis à fore-checker l'adversaire pour ensuite gratter le puck. On a compté: entre le moment où Lausanne s'est fait égaliser (3-3) et celui où il a encaissé un 4e but, ses joueurs sont entrés plus de fois dans la zone adverse sans le contrôle de la rondelle qu'avec.
Avec les talents qu'il possède, le club vaudois devrait pourtant être en mesure de proposer davantage de spectacle. Il n'aurait même pas à craindre la défaite à Langnau, fin janvier, dans un championnat qui permet aux dix premières équipes de disputer des play-offs ou des pré play-offs. «Si tu compares les noms des joueurs de chaque formation, Lausanne devrait logiquement gagner 5-1 ou 6-1, résume Klaus Zaugg, notre expert de National League, présent lui aussi à Langnau samedi. Mais le hockey est un sport d'équipe.»
Or cette équipe vaudoise, à force de perdre et de dégringoler au classement, est devenue nerveuse, ce qui la fait complètement déjouer. «En québecois, on dirait que les Lausannois ont les mains serrées sur la canne, relève l'entraîneur Dany Gelinas, qui a vu de nombreux matchs des Vaudois cette saison. On sent que ce n'est pas fluide. Les gars ont de bonnes intentions mais ils jouent pour le résultat et pas pour la performance, car ils n'ont plus d'autre choix que de gagner.»
La pression du résultat a fait du LHC «l'équipe la plus crispée de la Ligue», selon Cyrill Pasche, ancien joueur devenu journaliste pour Tamedia. À quoi reconnaît-on une équipe crispée? «Les joueurs se précipitent dans tout ce qu'ils entreprennent. Ils manquent de patience. J'ai aussi l'impression que les attaquants vaudois se disent qu'il faut absolument qu'ils shootent dès qu'ils en ont la possibilité.» C'était flagrant samedi contre Langnau. Le LHC a tiré 21 fois à côté du but contre moitié moins pour son adversaire.
«Quand tu observes Bienne ou Genève, tu te rends compte que les joueurs qui arrivent devant le gardien ne vont pas se précipiter pour tirer, poursuit Cyrill Pasche. Ils préféreront temporiser et attendre le juste moment pour frapper. Prenez le but de Mike Künzle, le week-end dernier contre Zoug. Le Biennois, relax, attend le dernier instant pour frapper. Un joueur plus tendu aurait été au plus simple et armé tout de suite.»
Faire les mauvais choix est une constante chez les équipes qui doutent. Le problème, c'est que les erreurs ne se produisent pas qu'en phase offensive. Or elles se paient bien plus cher en zone de défense. Pour les éviter, le LHC a donc fait le choix d'une prise de risques minimale.
Ce n'est pas forcément très beau à voir, mais ce style de jeu est assumé par une formation en manque de points et de confiance:
Jelovac avoue que ses coéquipiers et lui-même ont parfois eu «les mains serrées sur la canne» cette saison, mais que les cinq unités prises contre Langnau leur ont fait du bien. Car Lausanne, déjà vainqueur des Tigres la veille (5-0), a fini par s'imposer en prolongations samedi (5-4), au terme d'un scénario qui témoigne à la fois de ses limites et de sa volonté. Le LHC a mené trois fois au score grâce à des réussites opportunistes (le coach vaudois place systématiquement deux joueurs devant la zone du gardien afin de profiter des rebonds), mais il s'est fait à chaque fois rejoindre par de très jolis buts bernois, avant d'arracher la victoire en fin de match.
Ce succès ne change toutefois pas grand-chose au classement. Lausanne est toujours avant-dernier, donc toujours en position de barragiste face au 14e de National League (Ajoie) alors qu'il lui reste 13 matchs à disputer.
Le problème, pour le pensionnaire de la Vaudoise aréna, est double: d'abord, la plupart de ses adversaires directs sont des équipes habituées à souffrir, peut-être même bâties pour cela, et pour lesquelles une participation aux séries finales n'est pas obligatoire. Ensuite, le LHC dégage une telle appréhension sur la glace que les adversaires ont fini par la ressentir et en profiter.
C'est d'ailleurs parce que le LHC, pressé par Langnau, a paniqué derrière son gardien samedi qu'il a encaissé le premier but. Son grand mérite a été de ne rien lâcher et de se battre jusqu'au bout. C'est à la fois réjouissant et peu flatteur, car la combativité est la vertu des mal en point(s).