Le grand public connaît surtout David Lemos comme journaliste sportif de la RTS, et plus particulièrement comme commentateur attitré de l'équipe de Suisse de football.
Depuis 2015, le Vaudois troque pendant quelques jours son micro de la chaîne TV publique romande pour celui de speaker francophone officiel du tournoi de tennis ATP de Gstaad. On l'a rencontré sur place, entre deux matchs. Il nous raconte son rôle, dans lequel il prend beaucoup de plaisir.
Bonjour David! La casquette et les lunettes de soleil, c'est pour passer incognito?
Non non, pas du tout! C'est vraiment pour me protéger du soleil, je ne veux pas attraper une insolation. (Rires)
Ici, vous êtes sûrement reconnu par des spectateurs et vous devez faire aussi quelques selfies?
Oui, mais ça fait partie du jeu parce que, qu'on le veuille ou non, on devient un personnage public du moment qu'on passe à la TV. Alors oui, certaines personnes ici à Gstaad m'arrêtent et me demandent une photo. Mais ce n'est pas mon but, et je vous rassure, on reste très loin des files pour les autographes de Stan Wawrinka! Comme partout, les gens sont très gentils avec moi. Ça aide d’être associé aux souvenirs de joie avec la Nati.
Comment ça se fait qu'on vous retrouve comme speaker dans ce tournoi de tennis?
Mon prédécesseur ici, c'est mon mentor dans le journalisme, Patrick Matthey. C'est lui qui m'a donné ma chance, lors de mes débuts à Radio Framboise, l'ancêtre de Rouge FM. En 2015, quand il a arrêté de faire speaker à Gstaad, la possibilité de lui succéder s'est présentée.
Je précise qu'il s'agit d'un mandat à titre privé, indépendamment de mon activité à temps partiel à la RTS. J'avais aussi un très bon souvenir de cet endroit comme jeune journaliste, où j'ai couvert la finale de Wawrinka contre Gaudio en 2005.
Justement, c'est quoi votre lien avec le tennis? Car le public vous connaît surtout comme expert de foot.
Comme beaucoup de Suisses, je suis tombé dedans quand j'étais petit. J’ai grandi avec les exploits de Rosset et Hlasek, la finale de la Coupe Davis 1992 (réd: perdue contre les Etats-Unis) ou la victoire de Rosset aux JO de Barcelone. Et depuis, ça ne s'est jamais arrêté, avec Hingis, Federer, Wawrinka ou maintenant Bencic. Donc dans notre pays, si tu aimes le sport, tu aimes forcément le tennis.
Vous jouez un peu?
Non, je n'ai jamais joué, et je serais même incapable de commenter un match de tennis. Je ne suis pas un spécialiste. Mais c'est un sport que j'adore. Sinon, je ne pourrais pas passer une semaine entière à regarder des matchs toute la journée... Il y a quelques années, avec mon collègue germanophone Christoph Bussard, on faisait même deux semaines de suite puisqu'il y avait aussi le tournoi dames.
Speaker et journaliste TV sont deux jobs qui ont beaucoup de similitudes.
Oui, être speaker d'un événement sportif, c'est assez naturel pour des journalistes de TV ou radio. On est finalement tous des professionnels de la prise de parole en public.
Je prépare ces interviews et les fiches de présentation des joueurs avec la même rigueur que je le fais pour le commentaire d'un match, en allant par exemple chercher des informations sur le site de l'ATP.
Mais il y a aussi des différences.
Quand on travaille pour un tournoi, on est à son service durant une semaine. C'est différent que de le traiter en tant que journaliste, ce que mes collègues de la RTS font très bien. Elle montre le tournoi en direct, en plus d'en assurer la production.
Pourrait-il y avoir un potentiel conflit d’intérêts?
Il est clair pour tout le monde que ma présence ici n’engage en rien la RTS, qui traite librement de tout ce qui touche éditorialement au tennis et donc au tournoi.
Travailler au sein du tournoi, ça vous permet de faire un peu de réseautage? De prendre, par exemple, des numéros de téléphone de tennismen?
Non, parce que je ne fais pas du tout ce job pour ça, j'essaie de ne pas mélanger les genres.
Je me donne beaucoup de peine. Le but, c'est de donner du plaisir aux spectateurs, qu'ils aient envie d'applaudir après l'annonce ou l'interview. Il faut réussir à créer de l'enthousiasme tout en restant suffisamment sobre. Et le soir, je rentre tranquillement dans ma chambre d'hôtel. Donc non, on ne me voit pas dans les soirées branchées de Gstaad!
Et on imagine que vous arrivez dans votre lit bien fatigué...
Je ne vais en tout cas pas me plaindre, car si ce sont de longues journées, elles sont remplies de supers moments. Avec le speaker germanophone Christoph Bussard, on est devenus de très bons amis. Il a commencé presque en même temps que moi, et on a tout de suite été sur la même longueur d'ondes. C'est primordial, parce qu'on passe toute la semaine ensemble dans une mini-cabine! Si Christoph n'avait pas été là, je pense que j'aurais arrêté avant. D'ailleurs, c'est notre dernière édition, à tous les deux...
Ah bon?! Pourquoi?
Mon travail à la RTS a toujours primé sur tout le reste. Or, il se trouve que l'année prochaine, à la même période, je serai potentiellement à la Coupe du monde de foot aux Etats-Unis. Avec Christoph, on s'est toujours dit que quand l'un arrêterait, l'autre le ferait aussi. En plus, cette année, on fête nos 10 ans derrière le micro, c'est un joli nombre pour partir. Je veux profiter à fond de ma dernière à Gstaad!
Vous emportez certainement beaucoup d'anecdotes dans vos valises...
Oui, il y en a quelques unes. J'ai été très frappé par le charisme et la classe de Feliciano Lopez, par exemple. En général, les interviews d'après-match se déroulent toujours dans une bonne atmosphère, avec un gagnant heureux. Mais il y a une joueuse, non européenne et dont je tairai le nom, qui a été détestable.
Et, une fois le micro allumé, elle a fait de grands sourires et livré une excellente interview. Mais dès la fin de l'interview, elle est partie sans dire un mot, même pas un regard. Une attitude détestable!
Il y a aussi un souvenir drôle?
La hantise de tous les commentateurs ou speakers, c'est d'oublier d'éteindre le micro et de dire des choses qu'on ne voudrait pas que le public entende. Ça m'est arrivé une fois lors du tournoi féminin. Christoph était allé interviewer sur le terrain une joueuse en suisse-allemand. Elle lui a dit qu'elle allait se reposer un peu, avec un terme comme «Ein bitzeli erholen». Quand Christoph est remonté dans la cabine, je lui ai demandé, étonné: «Elle a dit qu'elle allait se commander une pizza?!» J'avais compris «Ein Pizza holen»... Tout le stade a donc entendu ce que j'ai demandé à Christoph! (rires) Heureusement, ce n'était pas une gaffe trop grave...