Cette course était tombée dans l'oubli. Mais à la lumière du contexte actuel, elle refait quelque peu surface.
Nous parlons évidemment du Tour de Trump, une épreuve cycliste professionnelle au nom de celui qui préside aujourd’hui les Etats-Unis. Mégalomanie, quand tu nous tiens!
La compétition est née à la fin des années 80, sur une idée du journaliste de CBS John Tresh. Tout juste revenu du Tour de France 1987, qu’il avait couvert, il suggère à l'entrepreneur Billy Packer, par ailleurs celèbre commentateur de basket, de produire une course similaire aux Etats-Unis.
Convaincu, l’homme imagine une épreuve de dix étapes à travers le Mid-Atlantic et se lance à la recherche de sponsors. Il contacte ainsi les casinos d’Atlantic City et finit par enrôler Trump, alors propriétaire du Trump Plaza et du Trump’s Castle, qui y voit une opportunité de promouvoir son empire.
On raconte que le milliardaire serait tombé de sa chaise lorsqu’on lui aurait proposé de baptiser l’événement à son nom. Trump pensait d’abord à une blague et redoutait d’être épinglé par la presse si la course venait réellement à s’appeler le Tour de Trump. Cependant, après vingt secondes de réflexion, il aurait trouvé l’idée absolument géniale et accepté de financer l’épreuve en échange de ce naming.
La première édition, prévue pour 1989, nourrit de grandes ambitions. Interviewé par NBC avant le départ, Donald Trump déclare: «J’aimerais en faire l’équivalent du Tour de France».
Le magnat de l’immobilier sort pour cela le portefeuille. Une dotation globale de 250 000 dollars est prévue, dont 50 000 pour le vainqueur. Il tient aussi à mettre en garde, par l'intermédiaire de ses avocats, les organisateurs d'une petite course organisée dans le Colorado, dont le nom, le Tour de Rump, porte à confusion.
L’épreuve financée par Donald Trump semble prometteuse. Et pour cause: elle vient combler un vide dans le calendrier américain, laissé par la disparition, un an plus tôt, de la Coors Classic, à savoir la principale course à étapes disputée aux Etats-Unis. Le Tour de Trump bénéficie également d’un créneau recherché au printemps, juste avant le départ du Tour d’Italie. L’argent déployé attire même des équipes normalement davantage intéressée par le Tour d’Espagne, alors organisé à la même période, entre avril et mai.
C'est ainsi qu'une centaine de coureurs issus de huit formations professionnelles, parmi lesquelles Lotto et Panasonic, ainsi que onze équipes amateurs, prennent part à cette première édition, remportée par le Norvégien Dag Otto Lauritzen, ayant levé les bras deux ans auparavant sur les routes du Tour de France. Les Américains Greg LeMond et Andrew Hampsten, deux vainqueurs de Grands Tours, sont de la partie et font figure de têtes d’affiche.
Malgré une controverse sportive, liée à une erreur d’aiguillage, et la victoire d’un amateur sur une étape, Sports Illustrated qualifie cette première de «succès retentissant», à condition toutefois de faire abstraction de l'univers Trump.
Il faut dire qu’au-delà du naming, l'homme d'affaires occupe une place centrale tout au long des dix jours de compétition. Non seulement l’épreuve s’achève devant son casino, mais elle est également marquée par des manifestations anti-Trump. Packer admettra plus tard que la célébrité de Donald Trump, sa personnalité envahissante et ses scandales ont détourné l’attention de la course, au point d’irriter plusieurs coureurs européens. Il n'empêche que le Tour de Trump jouera un rôle majeur dans le développement du cyclisme aux Etats-Unis.
Une seconde édition est organisée la saison suivante, avec un parcours élargi à d’autres Etats, notamment le Delaware, stratégique pour les affaires de Trump à Atlantic City.
L'épreuve doit aussi passer par Baltimore, Maryland, mais se heurte à la résistance de Joe De Francis, notable influent de la région, propriétaire des principaux hippodromes de l'Etat. Ce dernier donne finalement son accord, à une condition: que Donald Trump fasse amarrer son yacht, le Trump Princess, dans le port de la ville durant la course, nouvelle preuve de la démesure entourant l’événement.
Cette édition 1990, remportée par le Mexicain Raul Alcala, vainqueur d’étape sur le Tour de France l’année précédente, marquera toutefois la fin du Tour de Trump, le milliardaire se désengageant de l'épreuve en raison des difficultés financières rencontrées par ses principales entreprises. Il ne remettra jamais les pieds dans le cyclisme, laissant le Tour de France seul au sommet, quelques années seulement après son échec cuisant dans le football américain.
La course se poursuivra encore six ans sous le nom de Tour DuPont, en référence au géant mondial de la chimie, nouveau partenaire principal de l’épreuve, avant de disparaître définitivement. Greg LeMond s’y imposera en 1992, tandis que le jeune Lance Armstrong remportera les deux dernières éditions, en 1995 et 1996, signant un total de dix victoires d'étape. Il explosera quelques années plus tard sur la Grande Boucle.