Quatre buts lors des quatre derniers matchs, dont un triplé contre Servette le 3 avril: Zeki Amdouni cartonne actuellement. C'est simple, il est probablement le seul espoir de maintien du Lausanne-Sport en Super League.
L'international M21 suisse sort clairement du lot. Il est celui qui se crée le plus d'occasions et qui les conclut. Les statistiques ne mentent pas: il survole le classement des buteurs de son équipe, avec 10 réussites en 28 matchs. Son dauphin, Stjepan Kukuruzovic, n'a trouvé que six fois les filets adverses.
Pourtant, il y a à peine trois ans, peu d'experts voyaient en Zeki Amdouni (21 ans) un futur sauveur potentiel du LS. Et pour cause: au printemps 2019, le Genevois d'origine évoluait encore en première ligue sous le maillot d'Etoile Carouge.
Alors certes, fouler des pelouses de quatrième division n'a rien d'honteux pour un jeune homme de 17 ans. Ni de rédhibitoire si ce dernier rêve de faire carrière. Mais il n'empêche, l'ex-Carougeois a découvert tardivement le milieu du foot pro. Simplement parce qu'il n'a pas été formé dans un club de l'élite, contrairement à la majorité des pépites.
Au lieu de cette filière traditionnelle, Zeki Amdouni a suivi son chemin étape par étape, dans des équipes de second plan. A treize ans, il n'est pas retenu par le grand Servette FC, où il a tapé ses premiers ballons. Il s'en va alors à Meyrin (GE). Mais il ne jouera jamais pour l'équipe fanion du stade des Arbères.
C'est avec Etoile Carouge, où il est prêté, qu'il fait ses débuts chez les adultes, lors de la saison 2017-2018. Il dispute 13 matchs et inscrit 4 buts. Il reste à la Fontenette l'exercice suivant, avec un bilan qui témoigne d'une belle progression: 14 pions en 25 matchs, dont quatre lors des finales de première ligue.
Le Genevois contribue largement à la montée du club stelliste en Promotion League. Ses qualités ont marqué les esprits. «Zeki gardait très bien le ballon et faisait de très bons appels de balle», rembobine Tibert Pont, ex-capitaine d'Etoile Carouge. «Il était extrêmement adroit devant le but, en étant à l'aise des deux pieds», appuie l'ancien international suisse Matias Vitkiviez, Carougeois de 2018 à 2021.
Ses ex-coéqupiers ne sont pas les seuls à avoir été éblouis par le talent de Zeki Amdouni. Ses aptitudes ont aussi tapé dans l’œil des scouts de clubs plus huppés. Parmi eux, un certain Servette FC. Mais le retour chez les Grenats ne se fera pas. «On avait fait le nécessaire au mois de mars en sollicitant des entretiens, on a discuté avec le directeur sportif, mais Servette a tardé à nous faire une offre», expliquait dans 24 Heures, en août 2019, l'agent de Zeki Amdouni.
Il affirmait également que Bâle, Young Boys et Sion ont aussi manifesté leur intérêt à ce moment. Finalement, la pépite choisit le Stade Lausanne Ouchy, néo-promu en Challenge League, pour poursuivre sa progression.
Alors que certains talents suisses rejoignent la Juventus ou le FC Barcelone au même âge, ce choix peut paraître frileux. Aujourd'hui, il donne raison à Zeki Amdouni qui prend un bel envol au LS, quand d'autres se sont déjà cramé les ailes dans des grosses cylindrées européennes.
En fait, il reflète bien la personnalité du Genevois. Tous nos interlocuteurs décrivent un jeune homme «humble, très bien éduqué, respectueux, qui ne pose aucun problème dans un vestiaire». Il possède une autre qualité unanimement reconnue et appréciée, primordiale pour un footballeur en formation: sa capacité d'écoute. «Ça le démarquait de beaucoup d'autres jeunes», applaudit Matias Vitkiviez.
«Il était très attentif à ce qu'on lui disait et curieux», complète Jérémy Manière, coéquipier au Stade Lausanne Ouchy. «Il me posait pas mal de questions sur le Lausanne-Sport, étant donné que j'y avais joué: comment c’était pour les jeunes du LS d'évoluer dans un club d'élite comme celui-là, par exemple, ou quel niveau il avait par rapport à eux.»
Oui, sous sa grande timidité, Zeki Amdouni cachait de grosses ambitions en débarquant au SLO. «Il avait faim», résume Michael Perrier, milieu stadiste entre 2019 et 2021. Le Valaisan, ex-Sion et Aarau notamment, a croisé beaucoup de joueurs talentueux dans sa longue carrière. Pourtant, son ex-coéquipier l'a épaté dès le début:
A peine arrivé en Challenge League, le Genevois fait déjà la différence. «Il a fait d'excellents matchs de préparation durant l'été, alors je disais au coach: "Il vient de débarquer, mais on va le perdre avant même la fin du mercato tellement il est fort!"», rigole Michael Perrier.
Le coach en question, Andrea Binotto, dresse le même constat. Il a en tête un match précis, celui qui a fait connaître Zeki Amdouni au grand public. «C'était le troisième match de la saison, on jouait à domicile à Nyon contre Vaduz et on fait une entame de match horrible en étant mené 3-0 après 19 minutes», rembobine l'actuel entraîneur de Xamax.
Mais le jeune attaquant, positionné à cette époque sur le côté gauche, peine à confirmer. Titulaire le match suivant contre Wil, il doit céder sa place à la mi-temps. «Il n'avait pas été bon», se justifie Andrea Binotto, avant d'enchaîner:
«Quand il était torse nu, on voyait qu’il y avait un travail de musculation à faire», valide Jérémy Manière. Zeki Amdouni devra attendre plus de trois mois pour figurer de nouveau dans un onze de départ. Il bouclera sa saison avec 27 matchs (9 titularisations) et 4 pions, championnat et coupe confondus. Bien loin des fantasmes nés après ses débuts fracassants.
2⃣ La sortie de dribble
— La Formule Magique (@LFormuleMagique) April 5, 2022
Le crochet court de Zeki Amdouni est également très efficace.
Il lui permet de s'ouvrir le meilleur angle de frappe, et rendre plus "facile" sa position de frappe.
Son enchaînement en sortie de dribble est ensuite très rapide et précis. pic.twitter.com/1tgaa8AA3b
Mais durant cette première saison en pro, le Genevois a beaucoup appris, sur et surtout en dehors du terrain, malgré le manque de structure du SLO à cette époque. «On ne pouvait s'entraîner qu'une fois par jour dès 17h30», se souvient Andrea Binotto.
Si le Genevois a mûri, il s'est aussi développé physiquement. Passé à Xamax en janvier 2021, Andrea Binotto a pu s'en rendre compte quand il a affronté son ancien protégé: «On a joué deux fois contre le Stade Lausanne Ouchy et il était clairement l'adversaire le plus dangereux. Il avait gardé son talent, mais était devenu beaucoup plus puissant, rapide et dynamique. Je pense qu'aujourd'hui encore, ça reste le domaine où il peut progresser».
Zeki Amdouni a été récompensé de ses efforts à la fin de l'exercice 2020-2021, qu'il a conclu avec un joli bilan de 11 buts et 4 passes décisives en 32 matchs. Le Lausanne-Sport, dont il rêvait à travers les discussions avec Jérémy Manière, lui a offert un contrat de cinq ans.
Son ancien coéquipier, désormais retraité, continue de le suivre. Il a constaté une nouvelle évolution dans le jeu du jeune prodige. «Je le trouve désormais très complet», se réjouit Jérémy Manière.
Depuis mai dernier, Zeki Amdouni a l'opportunité de découvrir le niveau international avec les M21 de la Nati. Avec qui il cartonne aussi: 6 buts en 7 matchs dans les qualifs pour l'Euro 2023, dont un doublé contre le Pays de Galles le 25 mars dernier à... Lausanne.
Son parcours international dit aussi beaucoup de sa personnalité. Après avoir joué avec les M20 suisses, il avait opté pour les M21 de la Turquie, le pays d'origine de son père, avec lesquels il a disputé un match. «Je n’ai pas hésité en acceptant cette sélection turque mais je pense que je n’étais pas assez bon pour la Suisse à l’époque. Aujourd’hui, la Nati est ma priorité et je n’ai pas l’intention d’en changer de sitôt», expliquait-il fin mars dans Blick.
A l'heure où le football regorge d'égos surdimensionnés, l'humilité de Zeki Amdouni l'honore et a de quoi servir d'exemple aux footballeurs en herbe. Elle permettra aussi au buteur lausannois de garder sa soif d'apprendre et de progresser pour, peut-être un jour, rejoindre un grand championnat. Une chose est sûre: sa place pour la saison prochaine est, au moins, en Super League. Reste encore à savoir s'il pourra la conserver avec le Lausanne-Sport.