Même s'il part largement favori de ce 32e de finale de Coupe de Suisse, c'est un Young Boys très boiteux qui se rendra samedi (17h00) sur la pelouse du FC Printse-Nendaz, pensionnaire de deuxième ligue valaisanne.
Et pour cause: dans l'histoire de la Super League (née en 2003), ce YB est le seul champion en titre à avoir perdu ses trois premiers matchs de la saison. Les deux nuls consécutifs qui ont suivi n'ont pas vraiment arrangé la situation des Bernois, actuels onzièmes du classement. Ceux-ci réussiront peut-être quand même à défendre leur titre, si leur crise n'est que temporaire.
La réponse se décline en quatre points, qui sont tous des péchés actuels du club de la capitale.
Douze points d'avance sur le dauphin, Lugano, à la fin de la saison dernière: cela ressemble à une surdomination de YB. Il n'en est rien! Les pensionnaires du Wankdorf ne se sont assurés du titre que lors de l'avant-dernière journée. Il s'agit de leur sacre le plus tardif sur les six qu'ils ont raflé depuis 2017. Et avec sept défaites lors de cet exercice 2023/24, Young Boys a été le champion le plus faible depuis le FC Zurich en 2007 (sept revers également).
Or, malgré ces signaux négatifs, les membres de la direction du club bernois – souvent loués pour leur clairvoyance – n'ont opté que pour des changements cosmétiques à l'intersaison, au lieu d'une rénovation.
Anel Husic, Ebrima Colley, Darian Males, Lukasz Lakomy, Cheikh Niasse et Cedric Itten sont autant de joueurs censés être des éléments clés. Problème: ils sont tous médiocres.
A YB, les footballeurs doivent se remettre en question. Ils ne sont pas aussi bons qu'ils le pensent. Sur les six joueurs de Super League qui ont participé à l'Euro 2024, aucun ne joue pour les «jaune et noir». Par contre, il y avait Amir Abrashi (Albanie), qui évolue à GC, un club à deux doigts d'être relégué la saison passée.
Et pour les prétendues stars comme Meschack Elia, Joel Monteiro ou David von Ballmoos, qui rêvent de rejoindre un grand championnat, il n'y a pas d'offres satisfaisantes. Autrement dit: elles ne sont pas très prisées sur le marché.
Lorsque, comme YB, on remporte six des sept derniers championnats, le risque est grand de devenir un peu suffisant, de penser que tout va bien se passer. Les longues périodes de succès procurent certes de la sécurité. Mais elles rassasient aussi. Il est extrêmement difficile de maintenir la soif de victoires et de sacres si l'on ne recrute pas constamment des nouveaux joueurs et que les leaders de l'équipe, comme Sandro Lauper et David von Ballmoos, ont (trop) pris l'habitude de gagner des titres.
YB est souvent soupçonné d'être une oasis de bien-être. Justifiées ou non, laissons ces critiques de côté. Le fait est que le club bernois privilégie l'humain. Cette approche a des côtés positifs, mais aussi négatifs. Les «jaune et noir» ont la noble réputation d'être un club avec du cœur, qui ne licencie pas à tout-va. Mais, d'un autre côté, un peu plus de pragmatisme, de dureté et de froideur seraient les bienvenus pour contrecarrer ce manque d'ambition.
Un exemple: Patrick Rahmen a été engagé comme entraîneur pour cette saison. Il est un homme bon, agréable à côtoyer. Et, il faut aussi le dire, capable de sortir une équipe de la crise (il avait mené le FC Aarau au barrage de promotion en 2019, malgré six défaites initiales en Challenge League).
Mais Rahmen n'est pas un partisan de la ligne dure. Il est aussi un homme humble. Il aime l'harmonie. Et ça tombe bien: le directeur sportif, Christoph Spycher, apprécie avoir un coach qui ne se met pas en travers de sa route, qui est diplomate.
René Weiler (sur le banc du Servette FC la saison passée) aurait peut-être été la meilleure solution, mais certainement aussi la plus inconfortable pour les dirigeants bernois: il est connu pour sa ténacité et son obsession de la performance.
Kastriot Imeri est l'un des symboles d'une politique de transferts malheureuse. Jean-Pierre Nsame en est un autre. Le fait que les Bernois aient engagé Imeri il y a un peu plus de deux ans semble à première vue cohérent (même si les 3 millions de francs déboursés représentent le deuxième transfert le plus coûteux de l'histoire de YB).
Mais en y regardant de plus près, on s'aperçoit que le Genevois n'est plus le même sous le maillot jaune et noir: il n'est plus ce chef d'orchestre créatif et capable de marquer des buts, comme il le faisait à Servette.
Pourquoi? Parce que Young Boys a complètement mal évalué la situation. Imeri ne pouvait pas réussir à Berne, car le poste de numéro 10 – qu'il occupe – n'est pas prévu dans le système. Imeri et YB, c'est comme acheter des pneus de voiture pour un tracteur: ça ne colle pas.
Bien que Jean-Pierre Nsame ait marqué un but tous les deux matchs au cours de ses six derniers mois sous le maillot bernois, le club du Wankdorf n'a pas voulu prolonger son contrat. C'est ainsi que le Camerounais s'est retrouvé sur la liste des transferts l'hiver dernier. Alors oui, Young Boys est devenu champion même sans les buts de Nsame. Mais ce dernier manque.
Car Nsame était plus qu'un simple buteur. Comme Guillaume Hoarau avant lui, il était la figure paternelle et le leader du groupe francophone à YB. Un lien important entre l'entraîneur, la direction du club et les joueurs qui arrivent dans un environnement étranger. Aujourd'hui, cette figure fait défaut. Et c'est pourquoi il n'est pas étonnant que Meschack Elia n'ait plus les performances qui lui permettraient d'intéresser une équipe d'un championnat de meilleur niveau.
Shkelzen Gashi, Gilles Yapi, Serey Dié, Raul Bobadilla, Renato Steffen, Michael Lang: l'un des ingrédients de la recette du succès du FC Bâle sous l'ère Heusler (2009-2017) était de rassembler les meilleurs et les plus spectaculaires joueurs du championnat. Cela a coûté, mais en a valu la peine dans tous les cas. Il s'agissait de footballeurs performants et constants, qui n'avaient pas besoin d'une période d'adaptation et qui, plus tard, sont devenus des figures d'identification pour les fans.
Oui, YB souhaite aussi arracher les joyaux à la concurrence. Nikola Katic, Kevin Carlos, Timothée Cognat: autant de joueurs que le club bernois aimerait recruter. Mais il n'est pas prêt à payer le prix. 5 millions de francs pour un joueur aguerri en Super League? C'est hors de question pour Christoph Spycher et ses collègues. Et ce même si Young Boys dispose de plus de 50 millions de fonds propres.
Il en va de même pour les recrues de l'étranger: les salaires de plusieurs millions, comme ceux que Guillaume Hoarau et Miralem Sulejmani ont probablement reçus en dernier à YB, ne font plus partie de la stratégie. Résultat? Les joueurs de ce calibre voient une raison de moins de rejoindre la Super League, qui est en perte de vitesse sur le plan du jeu.
Cette approche est raisonnable et compréhensible. Mais elle manque de courage. Un autre exemple? Le choix de Patrick Rahmen concernant son assistant. Il a nommé Enrico Schirinzi, un adjoint consciencieux mais (encore) peu charismatique. Le remplacement de Vincent Cavin par Giorgio Contini au sein de la Nati a largement démontré ce que peut apporter un entraîneur-assistant avec de la poigne et respecté par les joueurs.
Un dernier exemple de cette absence d'audace: laisser le routinier David von Ballmoos dans la cage, au lieu d'aligner le très talentueux Marvin Keller (22 ans).
Reste à savoir si Young Boys parviendra à se relever, et si oui, quand. La première étape de cette tentative de redressement aura lieu ce samedi sur le terrain du FC Printse-Nendaz.
Adaptation en français: Yoann Graber