Si vous suivez le golf de longue date, vous avez sans doute remarqué que le parcours du Masters d'Augusta avait un peu changé la semaine dernière. En fait, il est devenu plus grand, s'étendant désormais sur 6,8 kilomètres.
‘Though Augusta National won't confirm the exact yardage of the new tee until Masters Week, we're told from a recent visitor that the scorecard reads 545 from the tournament tees.’ ~ @CPowers14 ⤵️ https://t.co/PZHYGuhy6e pic.twitter.com/XeLvOrZdMY
— Eureka Earth® (@EurekaEarthPlus) November 23, 2022
Les organisateurs ont acheté des terrains afin d'allonger la distance entre les trous et offrir aux golfeurs des départs plus éloignés, suivant ainsi une tendance mondiale.
Le Golf Club Crans-sur-Sierre a lui aussi poussé les murs. «Il y a une quinzaine d'années, on a commencé à rallonger tout ce qu'on pouvait rallonger», dit Yves Mittaz, le directeur de l'Omega European Masters.
Si les parcours sont plus longs, c'est parce que les balles vont plus loin. Alors qu'à la fin des années 1980, les retombées de balle étaient à 220 ou 240m, il n'est pas rare aujourd'hui de voir des joueurs drivant à des distances de 300 mètres et plus. Un joueur plus que les autres incarne la nouvelle quête de puissance des golfeurs actuels: Bryson DeChambeau. Pour gagner en vitesse de balle, et donc en distance, l'Américain s’est construit un physique de catcheur. Il est désormais capable d'expédier sa balle à plus de 350 km/h.
Les joueurs n'ont pas été les seuls à gagner en performance. Le matériel a lui aussi beaucoup évolué, permettant aux champions d'atteindre des distances inédites. Les balles, dans leur structure même, ont été pensées pour un maximum d'efficacité, pendant que les clubs étaient étudiés en soufflerie. «Certains ont un effet trampoline, renseigne un connaisseur, si bien que la face se déforme au contact de la balle et l'expulse à une vitesse folle.» Ces innovations ont été encouragées par les fabricants, qui se livrent depuis 30 ans une véritable guerre commerciale. «Dès qu'un pro possède un club plus performant que les autres, les 250 millions de golfeurs dans le monde courent l'acheter», poursuit notre interlocuteur, expliquant qu'avec un nouveau club, certains pratiquants peuvent gagner quinze mètres, ce qui est «énorme».
Confrontés à cette double évolution humaine (athlétique) et technologique, les organisateurs doivent donc adapter leur terrain de jeu. Le problème, c'est que les parcours ne sont pas extensibles à l'infini, et que si certains tournois ont pu s'approprier des terrains adjacents au tracé original, d'autres n'ont pas cette possibilité, faute de place. Ils en sont réduits à devoir ajouter des obstacles. C'est ce qui est arrivé en Valais ces dernières années. Après avoir atteint les limites de l'espace disponible, les organisateurs ont installé des pièces d'eau pour compliquer le jeu.
Certains observateurs jugent ces aménagements avec sévérité, estimant qu'elles dénaturent le dessin d'origine. Mais le directeur du tournoi valaisan s'en défend.
Plutôt que de réagir aux frappes de mutant de la nouvelle génération, les instances internationales ont décidé ces dernières années d'agir, en réduisant par exemple la taille maximale des drivers (de 48 à 46 pouces) ou en proposant d'introduire de nouvelles balles, moins dynamiques et puissantes.
Limiter le développement du matériel a de quoi crisper les fabricants, pour lesquels l'évolution permanente de la discipline est devenue un juteux business. «Mais intervenir sur les balles doit être jouable, songe Yves Mittaz. Car les amateurs n'utilisent pas tous les balles des sportifs de haut niveau.»
De toute évidence, le golf n'a pas vraiment le choix. «Si on ne fait rien, il n'y aura bientôt plus de parcours», insiste le Valaisan, soulignant que Tiger Woods s'était lui aussi prononcé en faveur des balles bridées, la semaine dernière en marge du Masters d'Augusta. «Nous souhaitons continuer à pouvoir jouer sur les anciens grands parcours traditionnels», a motivé la légende américaine.