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Interview

Nice-Marseille: un deuxième match de l'OM interrompu en Ligue 1

IMAGE: KEYSTONE/CAPTURE D'éCRAN TWITTER

Jean-Pierre Egger: «L'OM, c'est parfois Morgarten»

Dimanche à Nice, un deuxième match en deux semaines de l'Olympique de Marseille a été interrompu par les fans adverses. Retour sur un club qui continue d'exacerber les passions dans tous les stades de France.
23.08.2021, 14:5723.08.2021, 22:54
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Dimanche soir 22 août, 75e minute du derby du Sud de la France entre Nice et Marseille à l'Allianz Riviera. L'attaquant phocéen Dimitri Payet est heurté dans le dos par une bouteille en plastique, lancée par les fans niçois. Fou de rage, il la balance dans le public, d'où elle est venue. Ensuite, le chaos. Début de bagarre générale. Puis les ultras des «Rouge et noir» envahissent la pelouse pour en découdre avec les joueurs de l'OM. Trois d'entre eux seront légèrement blessés. Le match ne reprendra pas.

A Montpellier le 8 août, les footballeurs olympiens avaient aussi été les cibles de projectiles jetés par les supporters adverses. Pas forcément un hasard: l'OM est toujours un club qui déchaîne les passions. Le Neuchâtelois Jean-Pierre Egger, qui a été son préparateur physique quelques mois en 1999, en témoigne.

Quel souvenir gardez-vous de votre passage à Marseille?
JEAN-PIERRE EGGER:
Marseille, c’est un peu le Paradis et l’Enfer en même temps. La population est tellement passionnée de football que tout peut arriver. On craignait souvent de recevoir des projectiles que se lançaient les différents clans de supporters. C’était un état de guerre. Les chants des fans le rappelaient. Il y a un sentiment belliqueux, aussi fort que l'attachement au club. Pour beaucoup de gens, l'OM est le club fétiche, un mythe. Même malgré ses mauvais côtés, notamment les profiteurs et les mafieux qui rôdaient autour.

Jean-Pierre Egger lors d'une remise de prix en décembre 2020 à Zurich.
Jean-Pierre Egger lors d'une remise de prix en décembre 2020 à Zurich. image: keystone

J'avais un contact extraordinaire avec les gens sur place. A mon arrivée, j'étais un parfait inconnu. Mais chaque fois que j’allais dans un restaurant sur le port, il y avait toujours deux-trois personnes qui me repéraient en sachant que j'étais le nouveau préparateur physique du club et qui venaient discuter avec moi. C’est le côté paradisiaque de ce club.

Et l'Enfer, alors?
Le revers de la médaille, c’est la défaite, le truc qui tourne mal. Le fameux chemin qui mène à la Commanderie, le centre d'entraînement, c’est Morgarten! (rires) On était comme les soldats des Habsbourg pris au piège par les Suisses. Avec les fans de l'OM, c’était la même chose. Quand on passait avec nos voitures, ils nous arrêtaient. Ils nous insultaient, certains ont pris des cailloux sur leur voiture. Tout était possible. A Marseille, il y a un contraste, que beaucoup de gens aiment. La ferveur y est plus forte qu’ailleurs en France.

Justement, cette ferveur propre à l'OM suscite-t-elle davantage d’animosité chez les supporters des autres clubs français?
Non, je ne crois pas. Je n’ai pas senti ça. Parce qu'à l'extérieur, ce club est finalement autant aimé que détesté. Mais il exacerbe les passions, y compris des fans adverses. Et dans le cas de ceux de Nice, le match contre Marseille est un derby.

Vous parliez tout à l'heure de l'entourage toxique de l'Olympique de Marseille quand vous y étiez...
On m’a conseillé une fois de faire attention à ce que je disais en public, au risque de me retrouver un jour avec un couteau planté dans le dos... Pour ceux qui connaissent les coulisses d'un club comme celui-là, ça peut être extrêmement dangereux. Si une personne du club adulée demande à un fan un peu fou de planter un coup de couteau à quelqu'un qu'il ne connaît pas, il peut le faire… Tout peut arriver. Marseille est un souvenir certes un peu difficile, mais j’ai eu heureusement autant de bons moments que de mauvais. J'ai rencontré beaucoup de personnes extraordinaires. Je regarde toujours les résultats de l’OM. Même si mon aventure phocéenne restera un échec et ma seule expérience professionnelle négative, j'ai toujours un attachement à ce club. J'y étais malheureusement au plus mauvais moment. Il y a mille autres entraîneurs avec lesquels ça se serait bien passé.

Avec cet engouement très fort autour du club, peut-on craquer nerveusement plus vite à Marseille qu’ailleurs?
C’est une question difficile. Mais quand on est dans un tel club, on va automatiquement être influencé par la passion du milieu environnant, c’est impossible autrement. Vous ne pouvez pas vous dissocier de cette ferveur, en être détaché. Dans un climat pareil, on rentre vite dans le jeu des spectateurs. Les joueurs utilisent aussi cette ferveur pour exprimer leurs sentiments exacerbés. Dimitri Payet aurait-il lancé la bouteille dans le public niçois s'il jouait ailleurs qu'à l'OM? Je ne sais pas, tout dépend aussi de la discipline à l'interne de l'équipe et de l’entraîneur.

Jorge Sampaoli n’est pas réputé pour son calme…
Au sein d'un environnement où tout le monde part au quart de tour, il n’y a pas de calme possible. Le contexte fait beaucoup. Et ça peut aller très loin! Les ultras des fans clubs la pilent souvent au quotidien, il y a des gens qui viennent des banlieues ou encore des marginaux. Le stade, c’est leur moment de fête, leur seule raison de vivre. Il devient un exutoire. Et là, ça devient beaucoup plus enflammé, voire dangereux.

Avez-vous craint pour votre sécurité à Marseille?
Non, jamais. Parce que j’ai toujours été confronté à des personnes isolées ou des petits groupes. Les fois où il y a eu des altercations, c’était léger. Mais j’ai vu la foule en délire, les encouragements, et ça c’était fabuleux. Les matchs vécus avec l'OM étaient de beaux moments. Même dans les autres villes, je n’ai pas senti d’animosité particulière. L'entraîneur en place à ce moment avait, lui, des animosités contre certains clubs qui dataient de sa période de joueur. Il demandait à certains joueurs de «piler les couilles» des adversaires. Après coup, on m’a expliqué que ces propos étaient métaphoriques...

La fameuse gouaille marseillaise…
Nous, en tant que Suisses, on ne comprend pas ce langage. J’ai entendu des choses dans les vestiaires que je n’ose pas répéter tellement elles sont dégueulasses. Y compris des propos racistes, ceux de l'entraîneur. Tout ça allait contre mes principes et mon éducation. Je me suis malheureusement trouvé à l'OM au mauvais moment. Mais ce club, s'il prend tout le positif autour de lui, peut renverser des montagnes. Et ça, beaucoup de personnes qui y ont passé l’ont senti.

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