Le nouveau champion du monde du 200 m a changé grâce à Michael Jackson
C'est la rentrée des classes en cette fin d'été et les écoliers lancent des «Bonjour, Miss Patti!» enthousiastes, comme Noah Lyles dix ans plus tôt. La surveillante aux cheveux grisonnants se rappelle un enfant «très calme, beaucoup plus discret que son frère» Josephus, d'un an son cadet.
Le sprinteur prodige a 14 ans lorsqu'il débarque au collège-lycée d'Alexandria (Virginie), où il reste jusqu'au baccalauréat. Très vite, son nom circule pour ses prouesses sur la piste d'athlétisme. Ses parents, sprinteurs avant lui et séparés depuis peu, le poussent à toujours faire mieux, à aller plus vite.
Mais en classe, le jeune athlète se replie sur lui-même. Il peine à suivre, plombé par sa dyslexie et ses troubles de l'attention.
Plus jeune, ses camarades se sont moqués de lui, de ses dents jaunies par un traitement contre l'asthme qui le secouait de violentes crises jusqu'à ses six ans. «C'était un garçon timide, qui se cherchait en tant que jeune homme et essayait de s'intégrer, qui voulait juste être un lycéen normal», se rappelle Leslie Jones derrière ses lunettes en forme de papillon.
Au lycée, cette professeure d'anglais et de théâtre lui donne des cours de prise de parole. Elle découvre un adolescent «très observateur, qui analyse tout ce qui se passe autour de lui». Elle l'encourage à prendre ses aises, à s'exprimer.
Théâtre et maman attentionnée
Pour son premier exercice, le futur champion olympique des JO de Paris ramène sur la scène du grand théâtre de l'école ses blocs de départ, et montre comment y installer avec précision les pieds.
Lors du deuxième exercice, il laisse entrevoir son caractère, alors «enfoui en lui» selon les mots de Leslie Jones, et mime avec ses lèvres une chanson de Michael Jackson, en dansant, prémices de ses cabrioles lors de ses entrées en piste comme professionnel.
Sa mère l'accompagne, attentive et soucieuse, lui inculque des valeurs, religieuses et humaines.
«Elle est déjà venue me voir pour me demander "Tout va bien avec Noah? Est-ce que c'est une bonne personne?"», se rappelle Raalim Shabazz, qui a enseigné les sciences sociales à Noah Lyles lorsqu'il était en terminale.
Le professeur relate avec un sourire attendri:
Une conviction de fer
Les projecteurs sont déjà braqués sur cette jeune star qui a glané en Chine la médaille d'or sur 200 mètres des Jeux olympiques de la jeunesse, en 2014.
«Il ressentait sûrement beaucoup de pression et pour quelqu'un qui souffre déjà de troubles de l'attention, je pense que, avec le recul, ça l'a essoré et alourdi sa tristesse», souffle son professeur. Le prodige du sprint s'est confié des années plus tard sur une profonde dépression.
Partager au monde ces moments à broyer du noir, où le ventre se noue et l'anxiété afflue, c'est d'une «humilité folle» car cela revient à «penser que ce que l'on traverse personnellement peut aussi concerner et inspirer d'autres», estime Raalim Shabazz.
L'enseignant a noué un «lien unique» avec le triple champion du monde du 200 mètres, aujourd'hui âgé de 28 ans. Il l'a vu évoluer et s'ouvrir peu à peu à la fin du lycée, quand de nombreuses universités américaines cherchaient à attirer le diamant de l'athlétisme.
Et le natif de Floride ne s'y est pas trompé. La suite est époustouflante de statistiques et de titres, dont le plus beau, aux Jeux de Paris l'année dernière sur l'épreuve reine du 100 mètres.
Noah Lyles, qui a donc remporté l'or sur 200 m ainsi que le bronze sur 100 m aux Mondiaux de Tokyo, est revenu plusieurs fois dans l'école de son enfance. Il a serré dans ses bras sa prof de théâtre Leslie Jones, restée proche du petit introverti, a souri à son professeur de sciences sociales Raalim Shabazz, empli de fierté.
Quand ce dernier l'a vu l'or autour du cou, il s'est dit: «C'est bon, le veau est devenu taureau». (afp/yog)
