Quand les Lausannois sont entrés sur la pelouse de La Tuilière pour y affronter Servette, le 3 avril dernier, ils avaient déjà un pied, et les quatre orteils de l'autre, en Challenge League. Lucerne venait de prendre un point face à Lugano (2-2), si bien que les Vaudois accusaient 10 points de retard (avec un match de moins) sur le barragiste à neuf journées de la fin.
Depuis cette date pourtant, le LS enchaîne les bonnes performances: 2 victoires et 1 nul sur la pelouse des Young Boys, 10 buts marqués et, surtout, des actions collectives savamment construites.
Comment expliquer un tel sursaut? Pourquoi Lausanne est-il si fort depuis trois semaines? Parce que Zeki Amdouni est incroyable? Sans doute. Parce que le vestiaire du LS, passablement remanié l'hiver dernier, se connaît mieux? C'est certain. Parce que les adversaires des Vaudois sont moins investis en championnat? Il y a de cela. Mais pour nous, ce qui a tout changé, c'est le retard désespéré accumulé sur Lucerne, et la pression du résultat qui, soudain, s'est évaporée.
Avant que 24 Heures ne juge le maintien «bien utopique» dans un article en pied de page, c'est à dire avant le week-end du 2 et 3 avril, les joueurs d'Alain Casanova avaient très peur de mal faire. Des tribunes, on pouvait presque apercevoir le pied des joueurs trembler avant n'importe quelle passe ou frappe. Les Vaudois semblaient porter tout le poids de la pression sur leurs épaules. Chaque ballon simple à distribuer se transformait en équation compliquée à résoudre.
Cette impression, Jérémy Manière l'a aussi eue. L'ancien défenseur, devenu consultant pour Blue, s'est rendu plusieurs fois au stade de La Tuilière cette saison.
Quand on a dit à ces joueurs qu'ils n'avaient plus aucune chance, que tout était fichu, que Lucerne avait beaucoup trop d'avance pour qu'ils puissent encore croire au maintien, Toichi Suzuki et ses coéquipiers ont arrêté de se poser mille questions avant de lâcher leur ballon ou de faire un appel. Ils ont joué exactement comme ils savent le faire, ce qui leur a permis d'éviter les erreurs individuelles qui les plombaient très tôt dans le match jusque-là. Et les résultats ont suivi.
Cette transformation dans l'état d'esprit se lit au classement. À six journées de la fin et avant de se déplacer sur le terrain de GC dimanche, ce LS libéré a 7 longueurs de retard sur la place de barragiste (8 en réalité si l'on tient compte de son goalaverage négatif).
Mathématiquement, Lausanne a encore une chance de se sauver. Mais tout porte à croire que le plus difficile, pour les Vaudois, ne sera pas de se rapprocher de Lucerne. Ce sera, s'ils y parviennent, de résister à la pression du résultat immédiat, d'oublier cette peur de mal faire qui les a empêchés de développer leur football lorsqu'ils étaient sous tension. Mais comment l'oublier?