Tout le monde voit déjà Tadej Pogacar en jaune, dans deux semaines et demi sur les Champs-Elysées. Mais l'histoire a montré qu'être favori au départ du Tour de France ne garantissait pas forcément la victoire finale. Des coureurs comme Raymond Poulidor, Laurent Fignon ou encore Miguel Indurain ont tous échoué au moins une fois alors qu'ils faisaient figure d'épouvantail. Rien qu'au 21e siècle, on a identifié cinq hommes qui n'ont pas confirmé les attentes placées en eux.
Le 5 juillet 2008 à Brest, tous les regards se posent sur Cadel Evans, parce que l'Australien est le seul coureur du podium de l'édition précédente (il avait fini 2e) au départ, et parce qu'il a réalisé un excellent début de saison (victoire d'étape à Paris-Nice sur le Ventoux et 2e place au Critérium du Dauphiné libéré). Même Alejandro Valverde, son plus sérieux adversaire, en fait son favori.
Un coup de théâtre survient pourtant dès la 1re étape puisqu'Alejandro Valverde s'impose après un effort violent à 300m de la ligne. Pour Cadel Evans, les galères s'enchaînent: car même s'il parvient à s'emparer du maillot jaune, le grimpeur de la Silence-Lotto chute lors de la 9e étape, se fait surprendre par le futur vainqueur Carlos Sastre lors du 17e jour de course, puis semble à bout de force, épuisé, méconnaissable. «L'allure anémiée, le tour de pédale grippé» (Le Temps), l'Australien finit 2e cette année encore.
Triple vainqueur à l'époque, invaincu lors de ses six derniers grands tours, l'Espagnol s'avance en grand favori de cette Grande Boucle 2011 mais rien ne va se passer comme prévu.
Alberto Contador a sans doute dépensé trop de forces lors du Giro qu'il vient de remporter et laisse filer 80 secondes dès le premier jour (!) du Tour de France. Fatigué, touché au genou droit, sans doute préoccupé par les accusations de dopage qui pèsent sur lui à la suite de son contrôle positif au clenbutérol, il est incapable de rivaliser avec les meilleurs en montagne. Il terminera 5e du Tour à près de 5 minutes du lauréat Cadel Evans, mais sera radié du classement après sa suspension de deux ans pour dopage.
Grande attraction du Tour 2014, le double tenant du titre vit pourtant un début de course malheureux, puisqu'il chute même trois fois en quelques jours. La quatrième gamelle sera celle de trop: Chris Froome peine à se relever et décide d'arrêter les frais dès la 5e étape déjà.
«Je suis dévasté d'avoir dû me retirer du Tour cette année. Avec mon poignet blessé et les dures conditions, il était presque impossible de contrôler mon vélo», dira ensuite le Britannique, qui assistera donc de loin au sacre de Vincenzo Nibali.
Numéro un mondial et vainqueur l'an passé du Tour d'Espagne, le leader slovène de la Jumbo-Visma débarque sur le Tour 2020 en épouvantail. Son équipe est si impressionnante que sa plus grande menace est son propre coéquipier Tom Dumoulin, qui rêve également du maillot jaune.
Mais Roglic est tellement au-dessus du lot qu'il est encore en jaune à la veille de l'arrivée sur les Champs-Elysées. Il compte même 57 secondes d'avance sur Tadej Pogacar au matin du contre-la-montre de la 20e étape, un exercice dans lequel «Rogla» excelle. Mais cette fois, il s'effondre dans la montée de la Planche des Belles Filles et concéder près de deux minutes à «Pogi». Le Tour est plié.
Certains l'accuseront d'avoir trop géré la course, d'avoir manqué de panache. Un constat avec lequel le malheureux perdant sera plutôt d'accord, comme il le confiera dans L'Equipe plusieurs mois après.
Le dernier favori a avoir craqué sous la pression est évidemment Tadej Pogacar. Le double tenant du titre reste sur trois victoires en World Tour (Strade Bianche, UAE Tour et Tirreno-Adriatico) et le général du Tour de Slovénie lorsqu'il donne ses premiers coups de pédales sur cette Grande Boucle.
Mais tout bascule lors de la 11e étape lorsqu'un certain Jonas Vingegaard et son équipe Jumbo-Visma font craquer Tadej Pogacar dans le Col de Granon. Le Danois résiste le lendemain aux assauts du Slovène dans l'Alpe d'Huez et file vers la victoire à Paris, où il triomphe avec 2'43'' d'avance sur Tadej Pogacar et 7'32'' sur Geraint Thomas.
Ces cinq exemples révèlent à quel point une épreuve de trois semaines comme la Grande Boucle est loin d'être gagnée par les coureurs que l'on dit favoris au départ. Défaillances, chutes, adversité: les dangers sont nombreux sur la route du Tour, et le seront encore cet été sur les 3338,8 km du parcours 2025.