«J'ai voulu commencer dès mes 14 ans», confie à l'AFP Jules Vaillant, 16 ans, s'entraînant sur un tapis de course dans une salle du groupe Fitness Park, à Saint-Ouen-sur-Seine (Seine-Saint-Denis). «Dès que j'ai eu l'âge (...) mon père est venu directement m'inscrire», raconte le lycéen. Il faut avoir au moins 16 ans pour fréquenter la plupart des salles de sport en France. En Suisse, un jeune peut avoir un abonnement dès 15 ans chez Activ Fitness et il est possible de s'inscrire au Let's Go Fitness quand on a moins de 16 ans, uniquement avec une autorisation parentale et une attestation du médecin indiquant l'aptitude à pratiquer du fitness.
Comme Jules Vaillant, beaucoup d’adolescents commencent très jeunes à soulever des haltères. En 2024, la musculation figurait parmi les trois épreuves les plus choisies au baccalauréat, selon le Conseil national des examens. D’après le Crédoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie), 19% des 15-24 ans pratiquent fitness ou musculation, filles comme garçons. «Ça augmente d’année en année. Notre population se rajeunit», confirme Jean-Philippe Ferrier, directeur marketing de Fitness Park, qui revendique 950'000 membres en France et dit avoir vu la part des adhérents de moins de 20 ans passer de 4% à 9% en un an.
La plupart débutent la musculation dès 13 ou 14 ans, en suivant des tutos sur YouTube ou Tik Tok, où les vidéos de conseils se trouvent par milliers. «Aujourd'hui, le prof de muscu de tous ces jeunes-là, c'est YouTube ou Instagram», constate Philippe Geiss, directeur technique nationale de la Fédération française d’haltérophilie-musculation.
«Beaucoup de personnes m'écrivent par message: "Coucou Tibo, j'ai 13 ans, je voudrais commencer la musculation, qu'est-ce que je peux faire pour me muscler à la maison?"», témoigne pour l'AFP Tibo InShape, premier Youtubeur de France (26 millions d'abonnés) spécialisé dans la musculation.
Tibo InShape prévient toutefois: «Commencez avec des poids légers pour comprendre votre mouvement», et éviter de se blesser. Les professionnels de santé appellent, eux, à la vigilance. «C'est une activité qui est bonne pour la santé quand elle est bien pratiquée», explique à l'AFP Philippe Geiss. Il regrette un «manque d'encadrement» des adolescents qui débutent chez eux ou en salle de sport, ce qui les expose à un risque de blessure.
«Ils se comparent parfois à des personnes qui prennent des produits dopants», abonde Tibo Inshape, arguant que les adolescents «peuvent être incités à vouloir aller plus vite que la musique en accélérant les résultats»
Jules Vaillant, 16 ans, en a fait l’expérience. «J'ai trop augmenté la charge d'un coup, et j'ai subi une trop forte pression sur le poignet», raconte-t-il, souffrant aujourd'hui d'une tendinite. Les salles affirment proposer un bilan avec coach aux nouveaux adhérents, mais dans les faits, plusieurs jeunes interrogés par l'AFP disent ne pas en avoir bénéficié.
Les standards de beauté relayés par les réseaux sociaux ne sont pas pour rien dans l'engouement croissant pour cette activité. Beaucoup d'adolescents expliquent commencer la musculation pour des raisons esthétiques. «J'étais souvent moqué, (avec) du harcèlement, je me suis dit pourquoi ne pas changer tout ça», relate Fabian Erazo Gil, lycéen de 19 ans, qui a commencé la musculation à 16 ans.
«Les réseaux sociaux vont souvent leur proposer des images trafiquées, qui renvoient à des standards inatteignables», analyse Laurence Corroy, professeure à l’université de Lorraine, spécialiste des relations entre jeunes et médias. «C'est vécu encore plus douloureusement» à l'adolescence, rappelle-t-elle.
Après trois ans d'entraînement en salle de sport, Fabian Erazo Gil a pris du recul: «Pas la peine de se torturer physiquement» pour se sentir bien dans son corps, reconnaît-il.