Un nouveau joueur par-ci, un autre par-là, Robert Lewandowski en dernier, Raphinha, Franck Kessié ou Andreas Christensen juste avant: la liste des nouvelles recrues du FC Barcelone ne cesse de s'allonger, et chaque nom soulève une question de plus en plus intrigante: comment les Catalans, fortement endettés, font-ils?
Autrement dit, ne pas avoir d'argent et pourtant acheter toutes les stars qu'on veut. Le constat étonne aussi Julian Nagelsmann, l'entraîneur du Bayern Munich, qui vient de voir son buteur vedette rejoindre la Catalogne:
Il n'y a pas si longtemps, le FC Barcelone était la référence en matière de football européen. En 2015, il a remporté la Ligue des champions pour la dernière fois, mené par Lionel Messi. Mais sept ans, c'est long, surtout en football, un milieu pas franchement réputé pour son sens aigu de la mémoire.
Au Barça, on n'aime pas non plus ressasser les souvenirs. Le club n'a qu'un but: retrouver très vite son aura. Et les Catalans ne s'en cachent pas. Le président Joan Laporta l'a récemment rappelé: Barcelone doit redevenir la «référence mondiale», c'est le rêve des Blaugrana.
Sa phrase est importante, car elle explique pourquoi le FC Barcelone se comporte cet été un peu comme un joueur de casino accro. Un joueur qui a 1,3 milliard d'euros de dettes et qui devrait réduire ses dépenses, notamment les coûts salariaux exorbitants. Mais il préfère continuer à jouer, et il a trouvé un moyen de le faire.
En Espagne, la ligue surveille de près les clubs, histoire d'éviter qu'ils ne dépensent plus d'argent que leurs finances ne le permettent. Pour atteindre cet objectif, elle a fixé un plafond salarial que les clubs ne peuvent pas dépasser.
La masse salariale que le FC Barcelone a le droit de dépenser a massivement diminué ces dernières années. Une chute en grande partie causée par son ancien président, Josep Maria Bartomeu, aux manettes jusqu'en 2020. Le sacre en Ligue des champions en 2015 a certes eu lieu sous son ère, mais après ce moment de gloire, la dégringolade a été vertigineuse. En 2017, Bartomeu a dû laisser partir le Brésilien Neymar, le Paris Saint-Germain payant la clause libératoire de 222 millions d'euros.
Neymar a laissé derrière lui un club blessé dans son orgueil, mais aussi très riche. Une combinaison toxique. Barcelone a alors acheté frénétiquement: entre autres, pour près de 400 millions, les Français Dembélé et Griezmann et le Brésilien Coutinho. Tous ont été nettement en-dessous des attentes, parfois lamentablement, tout comme d'autres recrues coûteuses qui gagnaient elles aussi royalement leur vie au Barça.
Coutinho et Griezmann sont partis depuis longtemps, mais les conséquences financières tardives du fiasco de ces transferts préoccupent le club encore aujourd'hui – tout comme celles de la pandémie de coronavirus. L'été dernier, les Blaugrana ont dû laisser partir Lionel Messi, le plus grand joueur de tous les temps. Ils ne pouvaient tout simplement plus lui verser son salaire.
Cet été encore, Barcelone doit faire des économies. Les Catalans essaient donc de se débarrasser de joueurs, négocient de nouveaux contrats avec d'autres (réduction de salaire) et devraient, aussi, faire preuve de retenue sur le marché des transferts. Mais c'est plus fort qu'eux, car ils ont ce rêve d'être à nouveau les plus grands. Pas demain, mais aujourd'hui, avec leur entraîneur Xavi, ex-milieu légendaire du club.
Alors pour renflouer leurs caisses, les dirigeants barcelonais ont commencé à vendre leurs actifs. Exemple: ils ont cédé environ dix pour cent de leurs droits de télévision en Espagne pour les 25 prochaines années à Sixth Street, une société d'investissement américaine.
L'opération a rapporté 207 millions d'euros au FC Barcelone. Et bientôt, «les prochains leviers» – pour reprendre les termes du président Laporta – devraient être actionnés. Il s'agit par exemple d'acquérir des parts supplémentaires dans les droits TV et de développer le merchandising du club. En attendant, les dirigeants dépensent de l'argent qu'ils n'ont pas encore.
Le club espère encaisser des centaines de millions supplémentaires. Il en a déjà besoin maintenant pour que des joueurs comme Lewandowski puissent effectivement revêtir son maillot. Pour l'instant, le Polonais, comme d'autres nouvelles recrues, n'est pas encore enregistré – cela ne sera possible que lorsque les règles financières seront respectées.
Més que un club, «Plus qu'un club», en français, telle est la devise du FC Barcelone. Un leitmotiv peint en géant sur les sièges du Camp Nou. A partir de la saison prochaine, le mythique stade, justement, portera un nouveau nom: le «Spotify Camp Nou». Une appellation qui découle d'un contrat de sponsoring entre le club catalan et l'entreprise de streaming musical.
On en est donc là. Le Barça, qui s'est longtemps enorgueilli de ne pas avoir besoin d'un sponsor sur son maillot, vend désormais même le nom de son stade. Et il dépense sans compter de l'argent qu'il n'a pas encore gagné, par exemple pour acquérir Robert Lewandowski, la star polonaise au total fou de 344 buts marqués en 375 matches pour le Bayern Munich, mais qui aura 34 ans en août.
Barcelone a déboursé 50 millions d'euros pour l'attaquant, et lui a fait signer un contrat de quatre ans. Voilà la définition catalane du terme «économiser». Et maintenant? Les Blaugrana ont encore besoin de nouveaux défenseurs. Joan Laporta l'a déjà annoncé. De quoi encore casser la tirelire.
Adaptation en français: Yoann Graber