Edin Omeragic n'en pouvait plus, alors il a fini par supprimer son compte Instagram. Après ses trois boulettes qui ont coûté autant de buts et la victoire à Servette dimanche à Sion (3-3), le jeune gardien a reçu de nombreuses insultes sur les réseaux sociaux. De ses propres supporters, mais aussi de fans lucernois frustrés, dont l'équipe est condamnée à disputer le barrage à cause du point récolté par le FC Sion.
Mais il n'a pas fallu attendre que ces imbéciles se déchaînent sur leur clavier pour voir le portier genevois dévasté: conscient de ses erreurs, il était déjà en pleurs à Tourbillon.
Le Servette FC dénonce avec la plus grande véhémence les insultes et menaces adressées à son gardien Edin Omeragic sur les réseaux sociaux.
— Servette FC (@ServetteFC) May 23, 2022
La violence des propos qui lui sont adressés est inadmissible.
Tout le club fait front avec son gardien de but. On t'aime Edin ❤️ pic.twitter.com/lfWqGzahSv
Au bout du fil, Thierry Barnerat est révolté. Par ces comportements en ligne nauséabonds, bien sûr. Mais pas que. «C'est une faute grave de la part de Servette d'avoir aligné Edin Omeragic à Sion», tonne celui qui est instructeur pour les gardiens à la Fifa.
Cette indignation n'est pas du tout liée au niveau ou à l'implication du gardien remplaçant servettien, bien au contraire. «Edin a un très grand potentiel et il travaille dur pour être au top», assure l'expert, qui connaît l'athlète. Le problème est lié à son manque d'expérience:
Rien de tel pour mettre une (trop) grosse pression sur les épaules d'Edin Omeragic, seulement deux matchs et demi de Super League cette saison – et dans toute sa carrière – avant sa sortie sédunoise. A Tourbillon, Servette – sixième et déjà assuré du maintien – n'avait plus rien à jouer, alors on peut comprendre l'envie de son entraîneur Alain Geiger de faire tourner un peu son effectif et d'offrir une chance à certains seconds couteaux.
Mais en étant autant exposé, le poste de gardien requiert davantage de compétences psychologiques. «L'idéal aurait été d'aligner Omeragic si Servette avait joué ce dernier match à Lugano, par exemple, où le match n'aurait eu aucun enjeu», tranche Thierry Barnerat.
L'expert insiste: «Les clubs doivent construire leurs joueurs intelligemment sur le plan mental, leur offrir les meilleures conditions pour progresser». Et pas les jeter dans l'arène sans armes. Dans la même idée, la légende algérienne Rachid Mekhloufi avait fait part, dans une interview, de sa gratitude envers Jean Snella, entraîneur de Saint-Etienne, de l'avoir lancé en 1954 avec les Verts lors d'un match à l'extérieur, loin des immenses attentes et de la pression du stade Geoffroy-Guichard.
🥇𝟭𝗲𝗿 𝗰𝗹𝗲𝗮𝗻 𝘀𝗵𝗲𝗲𝘁 en Super League pour @Omeragic_Edin1 avec des parades décisives 😱 🔥#NotreVilleNosTalents pic.twitter.com/CjGwa8QuVa
— Servette FC (@ServetteFC) December 20, 2021
«Il sera difficile de récupérer Edin au top», s'émeut Thierry Barnerat. Parce que oui, il n'est pas facile de passer psychologiquement par-dessus un tel traumatisme sportif, sans parler des attaques violentes sur la toile ou dans la presse.
Pareil épisode peut tout simplement briser une carrière. On se souvient du pauvre Loris Karius, qui a précipité la défaite de Liverpool en finale de la Ligue des champions 2018 avec ses deux grosses bourdes. Incendié sur les réseaux sociaux et écarté des Reds (prêts au Besiktas et à Union Berlin), il n'a jamais retrouvé sa place ni son niveau d'antan.
«Il était question de prêter Edin Omeragic dans un club de Challenge League la saison prochaine, mais avec sa prestation dimanche à Sion, les clubs seront désormais réticents», regrette Thierry Barnerat, qui ne décolère pas contre Servette.
Le spécialiste préconise au jeune gardien de travailler avec un coach mental qui serait mis à disposition par son club. De son côté, Germano Vailati – ancien gardien de Super League et actuel entraîneur des portiers juniors au FC Bâle – conseille à Edin Omeragic de prendre du recul et de relativiser:
Lui-même n'a jamais été attaqué personnellement après des erreurs – sauf dans la presse – mais il a assisté à de véritables lynchages de coéquipiers. «Quand je jouais à Metz, certains joueurs, après un match, se sont fait incendier leur voiture ou n'osaient pas sortir du vestiaire avant trois heures du matin», rembobine-t-il.
L'ancien dernier rempart du FC Sion, entre autres, n'a pas vraiment connu les réseaux sociaux quand il jouait, mais lisait la presse, même après de mauvaises prestations: «Tu fermes la page, tu digères et tu te focalises sur le prochain match. Avec le métier, on s'endurcit. Ce qui ne tue pas rend plus fort!»
A ce message nietzschéen plein d'optimisme, il faut ajouter ceux, intelligents et empathiques, de certains fans des Grenat sur les réseaux sociaux. Florilège:
Garde confiance en toi, Edin @Omeragic_Edin1.
— Enfants du Servette (@EDS_blog) May 23, 2022
Continue à travailler.
Ca peut arriver à tout le monde de passer à travers un match.
On est derrière toi et tu pourras te rattraper dans un proche avenir !✌🏻🇱🇻✌🏻
Merci @Amandine_SFC Omeragic fait pas de soucis Tu es un grand👍👍👍😍😍. Mon fils il est très jeune et il a fait samedi aussi une erreur de gardien. Il a pleuré et ses copains et les supporters l’ont pardonné. C’est la vie. #WeLoveServetteFC
— Tom (@TomServette) May 23, 2022
Quand tu as 20 ans, que tu joues ton 6ème match pro avec ton club, pas facile de subir les insultes de débiles. Effet pervers amplifié par les réseaux sociaux. Force à Edin Omeragic. #ServetteFc https://t.co/yE7BZkLOPP
— Bast (@Bast1988) May 23, 2022
Alors oui, ces grands courageux qui éructent derrière leur écran, qui plus est sous couvert d'anonymat, n'ont pas compris grand-chose au football... Courage Edin!