Mardi, le FC Sion a annoncé dans un communiqué que les billets pour les matchs à domicile du club valaisan seront désormais nominatifs. Cette mesure vise à mieux contrôler les spectateurs, c'est-à-dire à empêcher les interdits de stade (recensés dans Hoogan, la base de données nationale sur les hooligans) de pénétrer dans les tribunes de Tourbillon.
Si cette initiative pionnière en Suisse devait s'avérer insuffisante, Frédéric Favre envisage déjà une autre solution, beaucoup plus contraignante: l'installation de caméras de reconnaissance faciale aux portes du stade.
Concrètement, chaque fan se présentant aux bornes d'entrée devrait placer son visage devant une caméra afin d'actionner le tourniquet. Celui-ci s'ouvrirait uniquement si le visiteur n'est pas recensé dans le fichier Hoogan.
Joint par téléphone, Frédéric Favre confirme que la reconnaissance faciale est «une option dans le futur. Elle pourrait être activée si l'on s'aperçoit que les gens déjouent massivement les contrôles en prêtant leurs pièces d'identité à des tiers, mais il serait dommage d'en arriver là». Il ajoute que l'identification filmée a été suggérée ces deux dernières années, mais qu'elle n'est pas encore à l'étude formellement.
Les échanges sur le sujet ont tout de même été suffisamment sérieux pour que le préposé valaisan à la protection des données soit consulté.
Les autorités savent qu'une telle mesure de dissuasion permettrait une réduction des frais de sécurité (estimés à 400 000 francs par la police cantonale, une partie étant financée par le FC Sion), mais aussi qu'elle doit être envisagée avec beaucoup de précaution. Car la thématique est sensible. Sollicités, le président de la Ville (Philippe Varone) et celui du club (Christian Constantin) esquivent d'ailleurs la prise de position en nous renvoyant poliment vers Frédéric Favre.
La prudence naît de multiples inconnues. Par exemple celle-ci: existe-t-il les bases légales pour identifier les spectateurs aux moyens de caméras faciales? Frédéric Favre n'a pas encore approfondi le sujet, mais en 2019, le porte-parole de la police cantonale vaudoise assurait que non. Une autre inconnue tient dans la protection des données. Sébastien Fanti estime toutefois qu'elle peut être garantie «en supprimant dès la fin du match toutes les informations prélevées sur des spectateurs qui ne figuraient pas dans Hoogan».
Mais le public se déplacera-t-il encore, verra-t-il encore Tourbillon comme un stade plutôt qu'un aéroport? De nombreux supporters des différentes ligues européennes jugent les mesures de sécurité toujours plus oppressantes, voire liberticides. Certains les dénoncent en collectif. C'est arrivé en France il y a deux ans après que le FC Metz a mené une opération de contrôles filmés aux entrées. Le club lorrain avait convoqué en catimini les volontaires d'une société de reconnaissance faciale, un jour de semaine, pour réaliser une série de tests. L'Association nationale des supporters (ANS) l'avait appris plus tard et n'avait pas du tout apprécié.
"Nous refusons de devenir les rats de laboratoire de la reconnaissance faciale"
— Asso.Nat.Supporters (@A_N_Supporters) January 24, 2020
L'ANS s’oppose fermement à l’utilisation de la reconnaissance faciale à titre expérimental dans les tribunes françaises et demande la suspension immédiate de tout programme en court. pic.twitter.com/qI4uYtb3DF
La fronde populaire avait gagné en intensité une semaine plus tard lorsque la ministre française des Sports, Roxana Maracineanu, avait approuvé la technologie d'identification et laissé entendre que celle-ci pourrait s'étendre à d'autres disciplines.
La Suisse, elle, ne voit pas encore les choses du même œil.