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Mario Balotelli à Sion: les deux gros défauts de l'Italien

epa05535473 Mario Balotelli of OGC Nice reacts during the French Ligue 1 soccer match between OGC Nice and Olympique Marseille in Nice, France, 11 September 2016. EPA/SEBASTIEN NOGIER
Mario Balotelli au FC Sion, c'est presque fait.Image: EPA

Le FC Sion va engager Balotelli en espérant vaincre deux gros défauts

Ce n'est pas une illusion: le FC Sion est en passe d'engager l’un des attaquants les plus doués de sa génération. Mais ce n'est pas un hasard non plus. Témoignages sur un talent contrarié, souvent gâché.
31.08.2022, 09:2331.08.2022, 09:58
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Rien ne dit que ce soit une idée épatante, si l'on en croit les articles qui le disent fini. Mais Mario Balotelli s'apprête bel et bien à rejoindre le FC Sion, où une visite médicale est prévue ce mercredi matin. Le contrat, lui, est prêt.

Il en va du talent comme des amours de vacances: on ne peut pas s'empêcher de penser qu’il durera toujours, même si on connaît déjà la fin. Comment ne pas comprendre le FC Sion, céder à la tentation, même croire que cette fois, ce sera différent, que Balotelli vivra une grande et belle histoire en Valais?

L'attaquant italien n’est peut-être plus irrésistible mais il reste spécial. Après l’avoir entraîné à Nice, pris par la main et le collet, Lucien Favre raconte un joueur surdoué, avec des prédispositions athlétiques hors normes. «Il est très fort avec le ballon. Il peut décocher un tir des 20 mètres sur son premier appui, sans élan.» Problème:

«Il ne sait pas souffrir. Ce n’est pas sa faute: certains joueurs ont un seuil de tolérance élevé, d’autres sont incapables de surpasser la douleur»
Lucien Favre

Cette incapacité n’est pas exactement de la paresse. Elle consiste moins à éviter les efforts qu’à les redouter. A Nice, Balotelli était réceptif. Il mettait un point d'honneur à progresser, selon Lucien Favre, mais il y avait une barrière psychologique que son corps refusait de franchir.

Avec Lucien Favre, Mario Balotelli était revenu aux portes de l'équipe d'Italie.
Avec Lucien Favre, Mario Balotelli était revenu aux portes de l'équipe d'Italie.

Est-ce lié à son passé? Mario Balotelli a vécu les premiers mois de son existence dans un hôpital, où il était suivi pour une santé fragile et intubé pour un trou dans l’intestin. Sa vie aurait pu s’arrêter après quelques pas. Peut-être en fut-elle durablement troublée, jusqu’à ce rejet de la souffrance physique que suggère Lucien Favre, avec ses mots, sans prétendre à une formulation exacte. Dans «Mémoire de la douleur», le neurologue Bernard Laurent appuie cette thèse: «La mémorisation d’événements douloureux joue un rôle essentiel dans l’anticipation de l’expérience suivante et peut entraîner des conséquences à long terme».

Faute de pouvoir en changer la nature profonde, Favre a exempté son buteur de pressing. Il a passé un pacte: il lui a demandé de «couper les lignes de passe des défenseurs centraux», «un minimum dans le football moderne». Aujourd'hui encore, Balotelli aime à répéter que Favre l’a «rendu bien meilleur, notamment sur le plan tactique. Avant lui, je fonctionnais beaucoup à l’instinct. C’est un grand entraîneur.»

Nice l’alignait surtout à domicile. A l’extérieur, il lui préférait un attaquant certes plus actif, mais aussi moins irascible. C’est l’autre problème de Balotelli: il ne sait pas encaisser. Il rend la monnaie de leur pièce à tous les fauteurs. «Il m’impressionne… quand il ne se disperse pas avec les arbitres ou les défenseurs qui le provoquent», témoigne son ancien coéquipier Dante dans le JDD.

Démonstration.
Démonstration.

Tout au long de sa carrière, Balotelli a mené des guerres contre la terre entière sans avoir la force, l'énergie de les gagner toutes. Il s'est cabré devant l'autorité, s'est dressé fièrement devant les lâches, ses adversaires ont commencé à se passer le mot: le colosse a l'ego fragile.

Sur Sky Sports, José Mourinho raconte une anecdote tirée de son passage à l'Inter Milan: «Tous mes buteurs étaient blessés. J'étais vraiment mal et il ne me restait que Mario. A la 42e minute, il reçoit un carton jaune. Dans le vestiaire, pendant la pause, je suis inquiet. Je passe 14 des 15 minutes à ne m'adresser qu'à lui. Je lui dis: ‘Mario, je ne peux pas te remplacer, je n'ai pas de buteur sur le banc, donc ne fais pas l’imbécile. Ne touche personne et occupe-toi uniquement du match. Si nous perdons la balle, aucune réaction. Si un adversaire te provoque, aucune réaction. Si l'arbitre fait une erreur, aucune réaction. Résultat: à la 46e minute, il prend un carton rouge...»

Olivier Dacourt l’a côtoyé à l’Inter: «Tout le monde a besoin d’être aimé, mais Mario plus que d’autres. Quand il sent de l’amour, il donne tout», jure le Français sur Canal+. Les deux hommes ont repris contact quelques années plus tard, pour le tournage d’un documentaire intitulé «Je ne suis pas un singe». Dacourt y recueille le témoignage de son ancien camarade, un témoignage d'une sagacité rare:

«Mais moi, je n’ai rien contre les singes. Ce n’est pas une insulte que quelqu’un me dise que je suis un singe. C’est la façon méprisante avec laquelle il le dit, comme pour signifier: tu es un animal. Les singes sont certainement bien mieux que ces gens-là. C’est sûr à 100 % qu’un singe est plus intelligent.»

Le documentaire explique que le surdoué endure ces humiliations depuis l’âge de 5 ans, lorsque son père adoptif l’a inscrit à Monpiano, un club administré par les paroisses locales. Balotelli, de son vrai nom Barwuah, Ghanéen d'origine, était le seul noir parmi 250 enfants. Au bord du terrain, ses parents entendaient parler de lui comme d’une bête curieuse, une bête à laquelle on lance des bananes et des insultes. Une bête noire.

Quand il harangue à son tour, on le trouve arrogant. Les banderoles fleurissent: «Balotelli, Noir de merde. Tu ne seras jamais Italien.» Balotelli est devenu Italien quand même, une rareté dans un Code civil fondé sur le droit du sang. Les banderoles, toujours: «Non à une sélection multi-ethnique.»

C’est à Monpiano que Balotelli a joué jusqu’à l'âge de 10 ans, «oscillant entre un rôle d’avant-centre et d’enfant de chœur, dans un pays où le dimanche est consacré à deux choses: la messe et le football, raconte So Foot. Le week-end, les regards se focalisent déjà sur lui, d’autant qu’il est brillant. Au-dessus des autres. Souvent, des parents demandent à vérifier l’âge inscrit sur sa licence. D’aucuns pensent que l’unique moyen de déstabiliser ce gamin si talentueux est la provocation et le racisme ordinaire.»

Mario Balotelli chez les juniors.
Mario Balotelli chez les juniors.

Comme Lucien Favre, Olivier Dacourt assure que «c’est un bon gars, un super gamin. C’est un enfant, encore». Un enfant dans un corps de colosse. Un enfant abandonné qui demandait à son institutrice «si à l’intérieur de sa poitrine, son cœur était noir aussi», et qui le redemandait encore, et encore, et encore…

Un enfant qui fumait des clopes à la mi-temps et lisait son iPad sur le banc lorsque Cesare Prandelli, le sélectionneur de l’Italie, l’y envoyait. Qui garait sa Ferrari sur les trottoirs de Milan. Qui courait le jupon plus que le ballon. Qui claquait son argent et ses cuisses. Qui allumait des feux d’artifice dans sa salle de bains. Qui traînait dans les boîtes, mais lui disait que c’était une pubalgie.

Dacourt insiste: «Mario a besoin d’affection, notamment en raison de son enfance compliquée. Oui, il a du caractère, mais le fond est bon. Seulement parfois, la forme ne l’est pas. Il s’exprime alors qu’il ne devrait pas. Il a un côté insouciant. Dans le génie, il faut de la folie, non?»

Chacun aime à croire que le talent pur, quand il est brûlé par les deux bouts, peut renaître de ses cendres. De nombreux clubs ont déjà offert une rédemption à Mario Balotelli, 32 ans ce vendredi, dans l'espoir un peu naïf qu'une force de frappe impressionnante surpasse une force de travail insuffisante, qu'une prouesse hypothétique justifie une désinvolture pathologique.

Avec son ex-petite amie Raffaella Fico et sa fille Pia.
Avec son ex-petite amie Raffaella Fico et sa fille Pia.

La question, pour un entraîneur, est beaucoup plus complexe: jusqu’où un saltimbanque comme Mario Balotelli, capable à tout instant d’un geste de classe, peut-il jouir d’un totem d’immunité, rester épique à l’envie, sans perturber l’équilibre tactique et social d’une équipe?

Après une année seulement, le président d’Adana Demirspor, en Turquie, invite ses confrères à le débarrasser de Balotelli pour 3,2 millions d’euros. Le FC Sion en offre 2 à 3, selon les rumeurs. Aussi déraisonnable soit-elle, l’idée ne manque pas d’intérêt. Encore moins de panache: pourquoi un homme de défi comme Christian Constantin, avec un peu de chaleur humaine, beaucoup de soleil et ce qu’il faut de sang-froid, ne se mettrait-il pas en tête de relancer Balotelli à son tour? Au moins par romantisme?

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