Un train-train depuis une vingtaine d'années, malheureusement. Samedi soir, des fans de Young Boys ont démoli des wagons d'un convoi CFF qui les ramenaient à Berne depuis Lugano, où leur équipe s'était inclinée un peu plus tôt.
C'est le dernier épisode en date d'une fâcheuse et longue série en Suisse. Il confirme que le pays n'a de loin pas encore trouvé le moyen d'endiguer le hooliganisme lié au sport. «Nous sommes depuis plusieurs années en discussion avec les clubs, la Ligue et les Autorités, dans le but de trouver des solutions à cette problématique et nous allons intensifier encore nos discussions ces prochaines semaines», explique le porte-parole des CFF pour la Romandie, Jean-Philippe Schmidt, dont les propos dévoilent autant les efforts consentis que leur manque d'efficacité pour l'instant.
Fussballfans..... eine Kategorie "Kunden" auf die ich gerne verzichten würde. #fussball #fankultur #sbbcffffs #Schweiz #eisenbahn pic.twitter.com/siWUJhnkT6
— Marco Rüegger (@MarcoRuegger) May 8, 2022
Le communicant confirme aussi que l'ex-régie fédérale a déposé plainte contre les individus qui ont massacré le convoi spécial samedi soir. Et on la comprend: les déprédations des fans de sport lui coûtent entre 200 000 et 300 000 francs par année.
En plus des sièges brûlés ou lacérés, des vitres brisées, des poubelles désossées et autres parois taguées, ces comportements nauséabonds font d'autres victimes. Directes, comme le personnel dans ces trains spéciaux, parfois menacé physiquement et incendié verbalement. Indirectes, aussi: les contribuables et les usagers des CFF, dont les impôts et les billets de transport financent ces frais supplémentaires. Mais surtout les clubs, qui passent à la caisse et subissent des dégâts d'image considérables.
Au contraire, les coupables s'en sortent paradoxalement souvent très bien. Comme ceux de samedi, qui ont pu quitter sans autre complication leur convoi une fois arrivés à Berne, selon Blick. Cette impunité s'explique, primo, parce qu'il est difficile d'identifier ces vandales quand ils agissent en groupe et cachent leurs visages sous des capuches ou derrière des masques.
Ensuite, ils voyagent sans aucune escorte policière depuis 2018, date à laquelle la police des transports a déserté les trains spéciaux, «notamment pour des raisons financières», d'après la RTS. Depuis, ces déplacements sont encadrés par des responsables de supporters, censés prévenir les débordements de leurs pairs. Ironie du sort, l'initiative – certes louable, mais qui a montré ses limites – a été mise sur les rails par Young Boys en 2011.
Jean-François Collet, président de Neuchâtel Xamax et ancien vice-président de la Swiss Football League, déplore l'absence de présence policière, tout en reconnaissant son impuissance face à la violence de ces supporters. «Qu'est-ce que vous voulez faire avec des personnes qui ont des comportements de psychopathes?», soupire le boss de la Maladière.
Mais il l'avoue, en agissant de la sorte, il y a aussi un risque d'escalade de la violence: «Imaginez s'il y avait un mort à cause d'une intervention policière due à quelques simples sièges arrachés...»
Collet, autrefois à la tête du Lausanne-Sport avant de prendre les rênes xamaxiennes, n'a jamais eu à souffrir de déprédations de masse des fans de ses clubs dans leurs trains spéciaux. Le Vaudois s'estime heureux, ayant «la chance de discuter avec des représentants de supporters à l'écoute et avec qui on peut collaborer». Mais il plaide pour de plus lourdes sanctions. «Les simples interdictions de stade, c'est du pipeau. On pourrait imaginer des peines privatives de liberté pour ce genre d'infractions.» Son homologue sédunois Christian Constantin appuie:
Le président neuchâtelois ne veut pas faire de généralités sur le comportement des fans, mais il regrette l'omerta qui règne dans le milieu ultra.
Forcément, face à ces impasses, une idée radicale vient en tête: fermer tout court les secteurs visiteurs, histoire d'éviter les déplacements des supporters adverses et les problèmes qui vont avec. «On y a pensé un temps», admet Jean-François Collet. «Mais quand ils étaient fermés pour quelques matchs à cause du Covid à la fin de l'année dernière, on a vu que les ultras se déplaçaient quand même et se regroupaient dans les tribunes principales.»
Et même quand ils n'ont pas accès au stade, certains fans visiteurs se rendent à ses abords ou en ville, où la situation – encore moins sous contrôle que dans les enceintes – peut aussi dégénérer.
Et quid de mettre un terme aux convois spécialement affrétés pour les fans? Impossible, selon le porte-parole des CFF. Pour des raisons légales, mais aussi afin d'assurer la tranquillité des autres passagers.
Alors que faire pour calmer les pulsions destructrices des fanas de foot en déplacement? «J'avais essayé d'offrir la raclette aux visiteurs en guise de bienvenue», rembobine Christian Constantin. «Mais ça n'a pas fait diminuer leur violence, alors on a arrêté.»
Les supporters de Bâle qui rénovent les bus des @tl_actu en pleine rue 🤦🏻♂️ et après on s’étonne que plus personne ne veuille transporter les fans visiteurs. pic.twitter.com/OaZi9xB9YO
— Grégoire Perroud (@GregoirePerroud) May 8, 2022
A défaut de fromage et de patates, la sempiternelle «prévention» résonne comme un mantra. Mais peut-être a-t-on déjà laissé passer le train?