Neuf jours après avoir été moqué sur les réseaux sociaux pour sa prestation décevante en amical contre Manchester United (4-0), Darwin Gabriel Núñez Ribeiro a rappelé quel grand attaquant il était: entré en jeu à la mi-temps contre Leipzig, il a inscrit un quadruplé qui a permis à son équipe de l'emporter 5-0 en Allemagne.
Le joueur de la Celeste s'était déjà fait un nom la saison dernière au Benfica Lisbonne, grâce à ses performances en championnat (26 goals) et le joli parcours de son équipe en Ligue des champions (six buts pour Darwin). En signant à Liverpool contre 100 millions d'euros, il a pris une nouvelle dimension. Et c'est peu dire que le Sud-Américain a galéré dans la vie avant de devenir une star du ballon rond.
Darwin Núñez voit le jour le 24 juin 1999 à Artigas, une petite ville de 40 000 habitants du nord de l'Uruguay, à la frontière avec le Brésil. Il grandit dans une famille pauvre, avec ses parents et son frère. Récemment, dans une interview pour Uefa Eleven Sports, le nouvel attaquant de Liverpool se remémorait la ville de son enfance:
Son quotidien n'est pas toujours aussi simple. Le père, maçon, et la mère, qui ramasse des bouteilles dans la rue, peinent à joindre les deux bouts. La faim guette mais le jeune Darwin ne se couche pas le ventre vide, contrairement à sa maman, Silvia:
Une promesse qu'il tiendra dès son transfert à Almeria, en Espagne. Mais avant l'Andalousie, le nouvel attaquant des Reds enfile ses premiers buts dans un club local, San Miguel de Artigas, où il est rapidement repéré par un recruteur (l'ancien joueur international José Perdomo) qui l'emmène à Montevideo, direction le tout grand CA Peñarol. L'adaptation à la ville est compliquée et le jeune Darwin revient à la maison rapidement.
Un an plus tard, il retente l'aventure, avec son frère qui évolue désormais dans la troisième équipe du club de la capitale. Le grand frère finit par sacrifier sa carrière au profit de celle de Darwin, en aidant ce dernier et en ramenant de l'argent à la famille. Un sacrifice que n'oubliera jamais le nouveau joueur de Liverpool.
Junto a seu irmão, começaram a investir na carreira. Júnior Nunez foi um espelho e inspiração para Darwin que sempre era motivado a seguir os passos.
— Parada Técnica 🧢📋 (@paradatecnicaa) April 8, 2022
Tempo depois, sentiu-se pronto e fez o teste no clube da cidade.
Aprovado. ✅ pic.twitter.com/PJbp7JnJG2
Le football et la vie n'épargnent rien à Darwin Núñez. Alors qu'il a intégré l'équipe première de Peñarol à seize ans, il se déchire les ligaments croisés lors d'un match juniors qui l'éloigne pendant un an et demi des terrains. Mais sa force mentale et sa volonté de réussir, nourries toutes ces années par les difficultés traversées par sa famille, vont lui permettre de rebondir.
Il fait ses grands débuts en équipe première en 2017, marque quelques goals et remporte le titre de champion d'Uruguay. Dans la foulée, il est convoqué en équipe nationale M20 et attise l'intérêt des nombreux recruteurs européens présents en Uruguay. En 2019, il prend donc la direction d'Almeria en Espagne, effectuant le chemin inverse de celui de ses grands-parents qui avaient quitté l'Espagne pour l'Uruguay.
En rejoignant l'UD Almeria et la deuxième division espagnole, Darwin Núñez a surpris. Avec le recul, ce choix était le bon pour le gamin de 20 ans qui rejoignait alors un pays où il parlait la langue, une ville paisible et un club où la pression était facilement gérable.
L'Uruguayen s'adapte vite, malgré un contexte sportif sensiblement différent en Espagne. David Badia, alors directeur sportif du club andalou, racontait récemment:
Une adaptation qui se traduit par 16 buts en 32 matchs lors de sa première saison.
Darwin Nunez's Almeria career by numbers:
— Squawka (@Squawka) June 7, 2022
32 games
16 goals
2 assists
He's always been a good finisher. 😉
A Almeria, ce sont ses capacités athlétiques qui marquent rapidement les esprits. Comme celui du préparateur physique de l'équipe, Javier Agenjo:
Un physique que Darwin travaille avec l'une de ses autres qualités, bien uruguyenne, la «garra charrúa», cet état d'esprit qui transcende les joueurs de football de ce pays. Cette volonté de réussir, de mettre à l'abri les siens lui ouvre les portes d'une nouvelle aventure, dans un club d'une tout autre envergure: le Benfica Lisbonne.
C'est une autre constante de la jeune carrière de Darwin Núñez: avoir fait les bons choix. Courtisé après sa première saison réussie en Espagne, il prend donc la direction de Benfica. Un club qui lui permet de découvrir l'Europe et un championnat plus compétitif que la D2 espagnole, mais qui ne représente pas encore le top niveau continental. L'Uruguayen peut donc y continuer son apprentissage. Une nouvelle fois, le «move» est le bon.
Sur les bords du Tage, Darwin Núñez s'impose à nouveau rapidement: quatorze buts dès sa première saison, malgré une progression freinée tout d'abord pour le coronavirus puis par une blessure.
Des nouvelles épreuves qu'il balaie pour signer un deuxième exercice fantastique avec l'aigle lisboète sur la poitrine: 34 points entre le championnat portugais, la Ligue des champions et les coupes nationales. En Coupe d'Europe, sa vitesse et sa puissance physique se montrent aux yeux du continent entier. Il plante d'ailleurs contre le Barça, le Bayern, l'Ajax et... Liverpool.
Pourtant, tout n'a pas toujours été facile au Portugal pour l'Uruguayen. A Lisbonne, il rencontre pour la première fois la pression d'un club aussi populaire que le Benfica, qui se doit, aux yeux des fans, de remporter tous ses matchs. Darwin Núñez est critiqué pour son manque de réalisme mais également pour une certaine nonchalance. Si physiquement le Sud-Américain impressionne, techniquement il agace les supporters des Aigles surtout lors de sa première saison.
Son entraîneur de l'époque, Jorge Jesus, est lui moins critique. Il déclare en fin de saison dernière:
Jesus n'aura pas le temps de perdre son attaquant puisqu'il sera remercié avant. Darwin Núñez, lui, finira par mettre tout le monde d'accord à Lisbonne.
Place maintenant à un nouveau challenge à Liverpool, à Anfield Road et toute la mystique qui entoure les Reds. Avec la mama définitivement à l'abri et son frère à ses côtés, Darwin «will never walk alone».
Adaptation d'un article paru le 13 juin 2022 sur watson.