Il y a donc encore un peu de romantisme dans le hockey. Le retour du fils prodigue. Kevin Schläpfer (52 ans) sera le nouveau directeur sportif du HC Bâle, avec un contrat à durée indéterminée et des options de résiliation. En été 1988, il quittait ce club pour conquérir le hockey helvétique. Il a fait les beaux jours de Lugano, Olten, Zoug, Lausanne, Langnau, Coire, Bienne et Langenthal. 34 ans plus tard, le revoilà donc sur les bords du Rhin.
Bâle est une affaire de cœur pour Kevin Schläpfer. Quand il parle de son enthousiasme généré par ce nouveau défi, il ne dit pas simplement les mots aimables qu'il convient de prononcer à un tel moment. Il le pense vraiment.
Au fil des années, il a évoqué de temps à autre, dans ses moments de mélancolie, «son» hockey à Bâle, comme le célèbre poète Joseph Roth décrivait les provinces perdues de l'ancienne Autriche. Le futur directeur sportif du HC Bâle est convaincu qu'il est possible de réaliser quelque chose dans la cité rhénane. L'infrastructure y est excellente et la région a du potentiel.
En fait, Kevin Schläpfer n'a jamais vraiment quitté la région bâloise, sa patrie d'origine. Il y a toujours gardé un fort ancrage. Il a fait construire une belle maison à Sissach (BL), sur le versant ensoleillé. Sur la route qui le menait à son travail à Bienne puis Langenthal, il a régulièrement été flashé par les radars. C'est ça aussi, le romantisme du hockey sur glace.
Et justement, Kevin Schläpfer est l'un des derniers romantiques du hockey. Il vit ce sport. Le Bâlois n'est pas un homme de théorie. Il déteste les ordinateurs, fixes comme portables. Pour lui, le travail de bureau est la punition suprême. Il préfère se fier à son flair pour les gens, à sa capacité de transmettre la passion, à son charisme.
Jusqu'à aujourd'hui, en tant que directeur sportif, il s'est rarement trompé dans le recrutement d'entraîneurs et de joueurs. Il est donc l'homme qu'il faut pour faire bouger les choses au HC Bâle, qui n'a plus joué dans l'élite depuis 2008.
Quand Kevin Schläpfer quittera le SC Langenthal (et la région bernoise), au plus tard à la fin de la saison, l'heure sera au bilan. Qu'a-t-il apporté au hockey bernois? Son CV: il a été promu avec Langnau (1998) et a parcouru avec Bienne le long chemin de la LNB jusqu'à la première division, d'une patinoire délabrée à un temple du hockey flambant neuf. Dans le Seeland, il a d'abord été un joueur culte en LNB, puis directeur sportif et finalement entraîneur – parfois les deux en même temps. A Bienne, il sera toujours vénéré comme un dieu du hockey. Son fils, Elvis (21 ans), a pris le relais: il est aujourd'hui un joueur régulier du club seelandais, en National League.
Mais la question se pose: que doit Kevin Schläpfer à la culture du hockey bernois? Il n'a pu devenir ce qu'il est aujourd'hui que dans la région de Berne, et peut-être même seulement à Bienne. Parce que dans la cité horlogère, le hockey est vécu d'une manière particulièrement familiale. Un homme qui porte son cœur sur la langue y trouve soutien et confiance. Du coup, il est capable d'apporter au club de l'énergie, du dynamisme et des émotions. Ce n'est pas un hasard si Schläpfer a échoué dans sa mission sauvetage à Kloten, où il avait débarqué en 2018 pour une courte durée, en urgence, histoire de tout faire pour éviter la relégation.
Kevin Schläpfer fonctionnera-t-il à Bâle comme il l'a fait à Bienne et à Langenthal? Les dirigeants bâlois l'ont en tout cas mis dans une situation impossible. Comment pourra-t-il faire correctement son travail à Langenthal jusqu'au 1er mai 2023 en tant que «double directeur sportif», avec l'esprit déjà sur les bords du Rhin? Fera-t-il signer un bon joueur à Langenthal, qu'il préférerait en fait voir à Bâle la saison prochaine? Ou fera-t-il venir un mauvais hockeyeur à Langenthal, une sorte de cheval de Troie, histoire d'affaiblir un concurrent pour la saison prochaine?
Schläpfer balaie ces hypothèses:
Le Bâlois l'assure, il mènera consciencieusement son travail à Langenthal jusqu'au bout. «J'ai beaucoup d'amis ici et ils restent au-delà du hockey», argue-t-il. Mais ce «double mandat» temporaire et involontaire de directeur sportif à Langenthal et de futur directeur sportif à Bâle est bel et bien un problème.
Le président du club bernois, Gian Kämpf, regrette le départ de Kevin Schläpfer. Mais d'une certaine manière, il semble soulagé que son directeur sportif, avec lequel il s'entend très bien, ait trouvé un emploi. Kämpf ne s'opposerait pas à un transfert immédiat à Bâle, qui résoudrait ainsi une situation intenable. Olivier Schäublin, à qui succèdera Schläpfer, a bien compris celle-ci:
Mieux vaut donc un Schläpfer entier à Bâle qu'un demi à Langenthal et un demi à Bâle jusqu'à la fin de la saison.
Les mauvaises langues peuvent dire que Kevin Schläpfer qui passe de Langenthal à Bâle, c'est comme les rats quittant le navire en train de couler. Les esprits plus cléments rétorquent que le capitaine du Titanic quitte sa fonction la tête haute, avant que la salle des machines ne soit noyée sous l'eau. Le SC Langenthal était autrefois le Titanic du sport en Haute-Argovie. Mais aujourd'hui, on ne sait pas ce qu'il adviendra de lui après la saison en cours.
Gian Kämpf avait annoncé que le sort de son club serait décidé avant la fin de l'exercice: un retour au hockey amateur, un déménagement à Huttwil, une fusion avec Olten (c'est fou, mais il l'a vraiment dit), un rôle d'équipe ferme ou même une dissolution? Le boss reste fidèle à ses déclarations:
Le désespoir de Gian Kämpf vient en partie de l'avenir incertain de la Swiss League. Le boss langenthalois est visiblement désabusé: «On peut se demander s'il y aura encore une Swiss League la saison prochaine, comme on l'a connue.» Mais le déclencheur principal de cette amertume, c'est la question non résolue de la patinoire. Le projet d'une nouvelle arène n'a plus aucune chance, tout comme une rénovation complète de la mythique mais délabrée enceinte du Schoren.
Pas de doute: Kevin Schläpfer fera beaucoup de bien au HC Bâle et fera bientôt rêver d'une montée en National League. Mais le HC Bâle fera-t-il du bien à Kevin Schläpfer? L'ancien coach et directeur sportif du HC Bienne trouvera-t-il la passion, le soutien et la confiance qu'il avait auparavant dans le Seeland et jusqu'à il y a quelques mois à Langenthal? Peut-être que oui. Mais peut-être pas.
L'un des derniers vrais romantiques du hockey sur glace débarquera dans une ville qui a perdu son romantisme pour ce sport à la fin des années 1950 et ne l'a pas retrouvé. Par une belle soirée, lorsqu'il tournera son regard vers la région bernoise depuis la terrasse de sa maison à Sissach, Kevin Schläpfer poussera de temps à autre un soupir: «Ah, c'était une époque merveilleuse à Bienne et à Langenthal...» Et Gian Kämpf se souviendra, lui, avec nostalgie de l'époque où le SC Langenthal, en deuxième division, pouvait encore se permettre de payer un «dieu du hockey» comme Kevin Schläpfer.
Adaptation en français: Yoann Graber