Une carrière légendaire, le terme n'est pas exagéré, commence toujours par une erreur (c'est du moins ce que dit la légende jamais démentie). Nous sommes à l'été 1970 et le CP Berne attend Raymond Cadieux, l'attaquant de l'équipe olympique canadienne de 1964 et 1968. Mais c'est son frère Paul-André, de six ans son cadet, qui débarque dans la capitale, et parvient à se faire une place pour la saison.
Pendant les 40 années suivantes, Paul-André Cadieux a marqué notre hockey comme peu d'autres personnalités. En tant qu'entraîneur-joueur, puis, après sa naturalisation dans la deuxième moitié des années 1980, également en tant que joueur et, plus tard, en tant que coach et directeur sportif.
En tant qu'entraîneur-joueur et joueur, il a marqué toute une époque du CP Berne pendant plus de 400 matchs (promotion en 1972, champion en 1974, 1975, 1977, promotion en 1986). En tant qu'entraîneur-joueur, il a ramené Davos en première division. En tant qu'entraîneur et parfois en tant que joueur, il a accompagné Gottéron lors des premières années en LNA et, plus tard, a été le coach des «années russes» avec Slava Bykov et Andrej Khomutov. Et en tant que directeur sportif, il a hissé Bâle en première division. Et on ne parle ici que des principales étapes de sa longue et riche carrière.
Rappelons aussi qu'après avoir obtenu sa naturalisation, il a participé en 1990, à l'âge de 43 ans, à une rencontre amicale entre la Suisse et l'Italie. Il était alors l'assistant de l'entraîneur national Simon Schenk.
Toute l'intensité d'une vie semblait se condenser chez cet homme le temps d'un match de hockey, et pourtant, il gardait sa passion sous contrôle.
Une seule fois, son tempérament a brièvement pris le dessus. Après avoir ramené le HC Davos en LNA en tant qu'entraîneur-joueur (1979), il a été tellement déçu par l'absence d'augmentation de salaire qu'il a déchiré son contrat en lambeaux devant le comité directeur. Il a malgré tout poursuivi son aventure dans les Grisons et a mené le néo-promu à une sensationnelle 3e place.
Apprécié et respecté dans toutes les patinoires, c'est dans celle de Fribourg qu'il a été le plus adulé. La formule «Penser à Dieu» est devenue dans cette ville catholique «Penser Cadieux». Malgré trois défaites en finale des play-offs (1992, 1993, 1994), il a trouvé à Fribourg sa deuxième patrie.
Mais avant d'être un grand entraîneur, Paul-André Cadieux a été un grand joueur. Il n'y a pas eu beaucoup de hockeyeurs qui ont animé leur équipe avec autant d'énergie et de passion. Quand il entrait sur la glace, il électrisait le public parce qu'avec lui, il se passait toujours quelque chose. La tête haute, il avait une vue sur toute la patinoire et semblait tirer toutes les ficelles. Il était à la fois le moteur et le meneur de jeu. Lorsqu'il reculait et prenait la place d'un défenseur, il lui arrivait de prendre le puck derrière son propre but, de traverser tout le terrain et de marquer.
Cette combinaison de passion, d'énergie, de ténacité, de courage, d'intelligence de jeu et de sang-froid dans les phases décisives est restée unique. Dans les années 1970, son intensité aux entraînements a lancé une tendance et fait progresser notre hockey. Et lorsque, plus tard, il a été à la bande, il ressemblait au manager d'un groupe de heavy metal britannique qui, après une panne de bus en pleine tournée, encourage les assistants lors du changement de roue avec des ordres ciblés afin de ne pas arriver en retard au prochain concert.
La plupart du temps, il se tenait en haut du banc comme un chef de terrain. Le déroulement du match se lisait sur son visage, il vivait le jeu en profitant de chaque interruption prolongée pour donner des instructions brèves et précises. Ce n'est qu'après avoir encaissé un but qu'il sortait un papier et écrivait quelque chose pendant le match. «Pour que je me souvienne exactement de la situation et que je puisse la corriger à l'entraînement», disait-il.
Il a vécu le hockey sur glace dans le meilleur sens du terme. Comme joueur, comme entraîneur puis comme directeur sportif. Il cultivait aussi la culture du «storytelling» et il n'y avait vraiment personne qui avait plus à raconter que lui. Sa langue était ce français québécois particulier. Il n'a jamais vraiment parlé allemand, et pourtant, tout le monde le comprenait.
Il y a un peu plus d'un an, il a dû se faire amputer des deux jambes inférieures en raison de sa maladie. Il est malgré tout retourné dans les stades la saison dernière et a continué à suivre les matchs de Gottéron en tant qu'expert pour la radio locale RadioFr. Il a aussi suivi de près la reconversion de son fils Jan Cadieux lequel, après avoir disputé plus de 600 matchs de LNA, est devenu le coach de Genève-Servette, qu'il a conduit au titre de champion en 2023 et au triomphe en Ligue des champions 2024.