L'Envers du sport, une série documentaire que Netflix diffuse depuis un certain temps, retrace des destins dramatiques et des histoires de tricheries liés au sport. Le 30 août dernier, la plateforme de streaming a proposé à ses abonnés un nouvel épisode de 1 h 17 sur un arbitre de NBA coupable d'avoir truqué des matchs.
Dans ce nouveau chapitre intitulé «un arbitre pris en faute», on y découvre Tim Donaghy, qui siffle sur les parquets de NBA. Une folle histoire où trempe (encore) la mafia des paris truqués. Outre la faiblesse et la bêtise de Donaghy, une phrase ressort dès les premières minutes du documentaire.
Il parle d'un «double jeu» qu'il faut rapidement saisir pour durer en tant qu'arbitre. Le 18 mars 1996, Donaghy était sur le parquet pour arbitrer le match entre les Philadelphie Sixers et les Chicago Bulls de la légende Michael Jordan. Il explique que la ligue avait décidé d'interdire le spin. Sur une action, Jordan use du spin (un tour sur soi-même, balle en main) et Donaghy siffle sans réfléchir. Phil Jackson, le légendaire entraîneur des Bulls, se lève et commence à l'invectiver. Donaghy réplique et explique les directives venues d'en haut. Ce à quoi Jackson répond: «Ils veulent siffler, mais certainement pas si c'est lui (ndlr: Jordan)».
Dans les vestiaires, l'un des arbitres lui dit: «Siffle les spin, mais pas pour lui.» Les Américains appellent ça les «superstars calls» (les coups de sifflets des superstars).
Henry Abbott, dans un article pour ESPN, racontait qu'un general manager lui avait expliqué un jour que «c’est l’une des raisons pour lesquelles il faut avoir une superstar dans son équipe: cela permet d’obtenir l’aide des arbitres. Si tu joues avec des joueurs qui sont traités "normalement" par les arbitres, alors tu pars avec un désavantage.»
Ils sont nombreux à être conscients des passe-droits des vedettes, parlant même d'une évidence dans cette machine à fric qu'est la NBA. Dans les autres sports, la règle tacite n'est pas si différente. Le tennis, par exemple, n'est pas exempt de tous reproches. En janvier 2022, lors de la confrontation entre Denis Shapovalov et Rafael Nadal à l'Open d'Australie, le Canadien a vu rouge, irrité par les multiples dépassements de temps de l'Espagnol. Nadal l'avait même convoqué au filet pour mettre les choses à plat.
Julien Benneteau avait aussi relevé en 2018 les privilèges dont Federer bénéficiait, spécialement dans les coulisses, avec la création de «sa» Laver Cup (et les conflits de calendrier avec d'autres tournois ATP) ou encore la programmation des matchs du «Maître» durant certains tournois du Grand Chelem. Une question de pécule et de droits TV.
Des joueurs qui font vendre et sont par conséquent protégés: n'est-ce pas un juste retour des choses, n'ont-ils pas mérité des «cadeaux»?
Un ancien hockeyeur suisse de haut niveau, préférant rester anonyme, nous expliquait que personne n'avait «de protection, pas de traitement de faveur, mais certains arbitres font attention à certains joueurs». Sans oublier un autre facteur:
Il est clair que des arbitres ont des joueurs dans le collimateur, de grands gaillards qui leur ont donné du fil à retordre. Pour Stéphane Rochette, ancien arbitre et consultant sur MySports, «il est plus facile de mettre cinq minutes à un mec évoluant en quatrième ligne qu'en première. Si par exemple Berra en rajoute, on va éviter de le pénaliser pour se mettre ensuite le public à dos.»
Dans le documentaire Netflix, Jim Donaghy parlait d'une «vengeance» dirigée contre Allen Iverson après des échauffourées. «The Answer» avait menacé physiquement l'un des arbitres dans un précédent match. Pour faire justice, à chaque séquence de jeu, Donaghi et ses acolytes sanctionnaient Iverson d'un «porter».
Une vendetta des arbitres? «Non, ce n'est pas du tout la même chose ici en Europe. Cette manière de fonctionner est ancrée en Amérique du Nord», nuance Stéphane Rochette. L'Helvetico-Canadien n'a jamais eu le sentiment de voir un joueur avoir un traitement de faveur du corps arbitral, mais préfère expliquer que certains gros clubs peuvent faire pencher la balance face à de plus petits.
Dans la prestigieuse ligue nord américaine, même si c'est un non-dit, c'est la même rengaine qu'en NBA: «Un joueur vedette écopera d'une punition plus clémente qu'un joueur moins coté», toujours selon Stéphane Rochette.
L'ex footballeur vaudois de 31 ans, Jérémy Manière, a foulé les pelouses de Super League, de Challenge League. Aujourd'hui directeur administratif de la Première ligue et consultant pour Blue Sports, il rappelle l'impact d'un club tel que le FC Bâle dans le championnat suisse. «J'ai commencé ma carrière professionnelle en 2009, période qui coïncidait avec la domination outrageuse du club bâlois. Quand je jouais avec Thoune, la pression du public au Parc Saint-Jacques était forte et elle pouvait influencer des décisions arbitrales.»
Jérémy Manière parle d'une forme d'acceptation, mais il est catégorique sur un point: «Je n'ai jamais ressenti de tricherie, que cela soit clair.»
Il n'y a donc pas de traitement de faveur ici en Suisse. «C'est simple, il n'y a pas de superstar dans le championnat. Peut-être Balotelli à la rigueur», insiste Manière. Mais en creusant, l'ancien défenseur se remémore et nous livre une anecdote croustillante.