Beat Tschuor fait signe que non. «Je ne veux pas me mettre en avant», dit le Grison. Il n'en a pas besoin, car c'est l'athlète, Lara Gut-Behrami, qui prend toute la lumière cette saison. Lors des finales de Coupe du monde à Saalbach, il y a de grandes chances qu'elle remporte quatre globes de cristal. Mais dans l'ombre, de nombreuses figures œuvrent pour ce succès. Et Tschuor en fait partie.
Depuis 2018, il assume la responsabilité de l'équipe féminine suisse. Il est l'entraîneur en chef. Ou plutôt: «Juste une pièce du puzzle», comme il le dit lui-même. Tschuor a 40 entraîneurs et 40 athlètes féminines sous ses ordres. Dans le secteur privé, on dirait de lui qu'il dirige une PME.
Dans le cadre de sa fonction, Tschuor a pris une décision judicieuse en été 2019: il a engagé un coach espagnol venu de Séville. Or ce qui semblait être un pari risqué a sans doute été, rétrospectivement, la pierre angulaire de la saison historique que Lara Gut-Behrami est en train de livrer.
La situation de départ était la suivante: en 2019, Gut-Behrami était arrivée au point le plus bas de sa carrière. On peut le constater sans polémique, il suffit de regarder les résultats. Durant la saison 2018/2019, elle n'avait récolté que 356 points en Coupe du monde. Et aux Championnats du monde d'Are, elle était loin des médailles. Il n'y a que lors de sa première saison en 2008, au cours de laquelle elle n'avait participé qu'à sept courses, qu'elle avait encore moins de points au compteur.
Gut-Behrami avait besoin d'un nouvel élan. Elle a alors pensé à Alejo Hervas, un entraîneur de ski et d'athlétisme espagnol. La Tessinoise et le coach de Séville se connaissaient depuis qu'elle s'était entraînée en Espagne lorsqu'elle était adolescente. Hervas s'occupait auparavant de l'Espagnole Maria Jose Rienda Contreras. L'alchimie entre la famille Gut et Hervas semble avoir fonctionné dès le début. On ne parlait certes pas la même langue, mais on parlait de la même chose.
Récemment, Hervas a raconté dans un podcast dans son pays d'origine comment Gut-Behrami l'avait contacté à l'époque pour qu'il devienne son entraîneur. «J'ai d'abord pensé qu'elle me faisait une blague», a-t-il dit. A cette époque, il avait un mandat auprès de la fédération canadienne. Lorsqu'il s'est rendu compte que la Suissesse voulait vraiment faire de lui son entraîneur, il a commencé à se demander s'il était vraiment à la hauteur de la tâche.
Mais c'est Beat Tschuor qui a eu le dernier mot dans cette affaire. Il a finalement obtenu de Swiss Ski qu'ils engagent le candidat souhaité par Gut-Behrami comme entraîneur. «Il m'a fait très bonne impression. Il apporte beaucoup de positivité et voit toujours le bon côté des choses. Il est charismatique, empathique et proche des gens», dresse Tschuor.
Il était clair dès le début qu'Hervas ne devait pas être l'entraîneur privé de Gut-Behrami. Il a été rattaché à l'équipe de vitesse entraînée par Roland Platzer. Son objectif principal est certes la Tessinoise (Hervas fait par exemple l'analyse vidéo avec elle), mais lors des entraînements de slalom géant et de vitesse, il occupe un poste ordinaire en montagne et travaille pour toute l'équipe.
Gut-Behrami, dont on connaît le talent pour les langues, communique désormais en espagnol avec Hervas. Ce dernier semble trouver non seulement les mots justes, mais aussi et surtout la bonne gestion de l'effort chez la jeune femme de presque 33 ans. Il sait quand il est intelligent de faire un entraînement et surtout quand il faut faire des pauses. Récemment, il a déclaré au quotidien alémanique Blick: «Nous ne devons jamais perdre de vue ce que ressent Lara». Les deux ont convenu qu'il s'occuperait d'elle jusqu'à la fin de sa carrière. Selon toute vraisemblance, ce sera après les Mondiaux de l'année prochaine, à moins d'une surprise.
Pour Gut-Behrami, le repos est devenu la priorité absolue. Alors que ses coéquipières se sont préparées cette semaine à Reiteralm, Gut-Behrami est restée chez elle à Udine et ne s'est rendue à Saalbach que vendredi.
Le champ d'activité de l'ostéopathe Iker Cuco fait également partie de la régénération. Il est un pilier important du système Gut-Behrami. La situation de Cuco est similaire à celle d'Alejo Hervas: lui aussi reçoit son salaire de Swiss Ski, mais il n'est pas exclusivement dévolu à la skieuse tessinoise. Il est également à la disposition des autres athlètes de l'équipe de Coupe du monde.
Autrefois, Lara Gut-Behrami se laissait surtout guider par son père. Parfois, Pauli Gut était employé comme coach par Swiss Ski. Ses compétences professionnelles étaient toutefois considérées comme controversées au sein de la fédération. Ces dernières années, Pauli Gut a reculé d'au moins un rang. Au sens strict du terme, il n'a plus rien à voir avec Swiss Ski. Mais il est toléré et participe à toutes les courses. Dans l'entourage de Gut-Behrami, on dit que Pauli Gut est toujours la personne de référence la plus importante pour elle.
Le papa s'occupe des questions de matériel, de la coordination, de la tactique. Mais il n'est pas le serviceman de sa fille. Gut-Behrami en a un rien que pour elle. Il s'agit d'un traitement spécial dont bénéficient les skieuses du top 15. Pour Gut-Behrami, c'est Tom Rehm qui fait ce travail. Il a déjà préparé le matériel de grands noms de la Coupe du monde comme Anja Pärson ou Maria Höfl-Riesch. Il est considéré comme un travailleur méticuleux et un homme de peu de mots.
Rehm et Gut-Behrami travaillent ensemble depuis 2016. Leur collaboration est tout simplement «exceptionnelle», a écrit cette semaine le directeur de course Head, Rainer Salzgeber, dans un journal autrichien. On pourrait dire la même chose des relations de la skieuse avec chaque personne de son clan, ces personnes de l'ombre qui font de Lara Gut-Behrami une immense championne.