Lorsque nous rencontrons Andri Ragettli à Saas Fee, début octobre, il vient de poster un nouveau message sur Instagram. «Quick Reminder: Trust the process!», écrit-il en dessous d'une vidéo sur laquelle il montre comment il essaie péniblement de glisser sur une barrière, avant d'y parvenir après d'innombrables tentatives.
La vidéo originale est devenue virale il y a un an - comme beaucoup de ses publications d'ailleurs.
Lors de l'interview qu'il nous a accordé quelques jours avant le début de la Coupe du monde sur le Big Air de Coire (18-19 octobre), le Grison de 26 ans est justement revenu sur son succès sur les réseaux sociaux (il a plus de 600'000 suiveurs sur Instagram), et notamment sur la fausse impression que les gens ont de lui.
Vous êtes plus actif et plus efficace sur Instagram que vos concurrents. Votre succès suscite-t-il de la jalousie sur le circuit de la Coupe du monde?
Andri Ragettli: On a l'impression que je fais beaucoup de choses sur les médias sociaux mais en fait, ce n'est pas du tout le cas. Mes activités sont simplement bien planifiées.
Mais comment réagissent vos adversaires?
Certains me trouvent sans doute cool et d'autres m'apprécient moins. Mais cela ne m'intéresse pas. La plupart de ceux qui me critiquent sont moins bons. Et si quelqu'un qui n'est même pas dans le top 20 me critique pour ce que je fais sur les médias sociaux, je m'en fiche. Je fais mon truc, cela a toujours été l'une de mes plus grandes forces. J'ai ma vision et mon objectif, alors je me moque de ce que les autres pensent. Quand on est jeune, on fait souvent des choses pour s'intégrer. Pas moi. Je n'en avais rien à faire: j'ai toujours fait ce qui me plaisait.
Où avez-vous trouvé cette assurance?
Ce n'est pas que je ne me demande jamais ce que pensent les autres. Parfois, cela peut même être précieux, surtout de la part de personnes qui comptent pour moi. Mais la plupart du temps, je ne me pose même pas la question, probablement parce que j'ai des idées et des objectifs clairs. Je sais ce que je veux.
Que voulez-vous?
J'ai toujours plusieurs objectifs dans des domaines différents. Je veux une médaille aux Mondiaux de St-Moritz en 2025 et une médaille olympique en 2026, je veux devenir un jour «Sportif suisse de l'année» et j'espère franchir la barre du million d'abonnés sur Instagram.
Qu'est-ce que ce million changerait pour vous?
J'en suis actuellement à environ 655'000, donc atteindre le million ne changerait finalement pas grand-chose. Mais ce serait un bel objectif, pour une raison simple: avant, on disait toujours qu'en tant que freestyler, on n'intéresserait jamais personne.
Qui vous aide à concilier réseaux sociaux et entraînements?
C'est surtout moi, car personne ne fait le travail à ma place. Je viens avec des idées, et c'est à moi d'être prêt pour réussir mes figures et tourner la vidéo. Mais c'est vrai aussi que mon frère Gian est d'une grande aide. Il filme tout et on arrive toujours à s'arranger. Ensuite, je passe par une agence, avec laquelle je peux surtout élaborer des idées pour des publicités. J'ai aussi développé un bon réseau au fil des ans. Comme vous le voyez, il y a beaucoup de planification derrière les images.
Quel type de planification?
Certains pensent qu'en été, je passe mon temps à tourner des vidéos, mais ce n'est pas vrai. Je peux m'entraîner deux semaines en montagne, puis le samedi, dire à mon frère: «Gian, j'ai une idée». On va à Zurich, où j'ai trouvé un pont qui possède une barrière sur laquelle je veux glisser. Nous filmons ensuite le trick - et à trois heures de l'après-midi, nous avons terminé. Au total, la vidéo a nécessité 6h de travail. Les autres heures de la semaine, je m'entraînais sur l'airbag. Mais les gens ne retiennent que mon déplacement à Zurich. Ils ont l'impression que je ne fais que tourner des vidéos toute la journée.
Cela vous dérange-t-il?
Parfois un peu, parce que je suis avant tout un sportif et que beaucoup ne comprennent pas vraiment à quoi ressemblent mes journées. Mais il m'arrive aussi d'en jouer. Comme la plupart de mes adversaires me suivent, je préfère parfois poster une photo où je suis en train de me baigner, pour qu'ils me croient en train de me détendre. J'essaie de ne plus montrer tout ce que je suis en train de faire.
Vous avez annoncé que d'autres tricks pourraient être ajoutés cet hiver. Avez-vous quelque chose de nouveau en réserve?
Je veux montrer une nouvelle version de moi cette année, notamment en slopestyle. Ce n'est pas un énorme changement, mais il devrait y avoir deux ou trois nouvelles choses qui en étonneront certains. Je dois continuer à m'entraîner, à répéter, jusqu'à ce que je puisse finalement les inclure dans mon répertoire, de sorte à ce que je puisse les faire les yeux fermés.
Traduction et adaptation en français: Julien Caloz