L'image est magnifique et peut-être qu'il faudrait s'arrêter là, ne rien écrire d'autre qu'une petite légende pour expliquer pudiquement que ce qu'il nous est donné de voir, et de partager de loin, c'est le champion de tennis Gaël Monfils regarder avec tendresse sa maman Sylvette Cartesse, juste après que le Français a conquis de haute lutte le tournoi ATP 250 de Stockholm.
Mais il manquerait une grande partie de l'histoire si on s'arrêtait là, alors on est bien obligé de poursuivre, pour vous dire d'abord que la victoire de Gaël Monfils est une sacrée performance. Le résident suisse avait chuté au 394e rang mondial fin mai après une blessure au pied. Dimanche, il a affronté un adversaire redoutable, «qu'on ne savait pas aussi expert pour dégainer des coups droit d'une telle lourdeur et d'une telle précision sur les lignes» (L'Equipe). Il a fini par triompher, ce qui n'est pas rien à son âge: Monfils n'est que le 4e joueur de 37 ans (c'est son âge) et plus à avoir remporté un tournoi ATP (avec Federer, Karlovic et Lopez).
Mais ce qui étonne et émeut sur l'image, c'est surtout ce regard plein de tendresse donné par le joueur à sa mère Sylvette, à laquelle Gaël Monfils a rendu hommage après son titre. C'est d'ailleurs par elle qu'il a commencé son discours, avant de remercier les deux autres femmes de sa vie:
Si Gaël Monfils dit «comme toujours» en parlant de sa mère, c'est parce que celle-ci, infirmière de profession, l'accompagne de longue date sur le circuit. Elle n'est pas tout le temps présente physiquement sur les tournois, mais quand elle fait le déplacement, comme dimanche, une jolie complicité est visible entre les deux.
C'était déjà le cas il y a deux ans à Roland-Garros. «La Monf'» n'avait gagné qu'un match de l'année et on était au mois de juin, déjà. Il avait de quoi être inquiet avant de défier l’Espagnol Albert Ramos-Vinolas, alors 38e à l’ATP et spécialiste de la terre battue, mais la simple présence de sa mère en tribune l'avait transcendé, et porté vers la victoire. «Est-ce que je pourrais serrer ma maman dans mes bras?», avait-il demandé aussitôt après le match, un voeu exaucé dans les entrailles du court Suzanne-Lenglen.
Sa mère avait débarqué à Paris avec une tante et des cousins. «On est très proches, fusionnels, avait confié la Martiniquaise à Ouest-France. C’était très dur pour moi de voir de là-bas (réd: des Antilles où elle réside) à quel point il était mal et de ne rien pouvoir faire pour lui. Il a besoin d’amour pour aller bien. C’est un grand sensible Gaël, il est comme moi.»
Ce n'est pas la première fois que la présence de Sylvette a semblé transcender son champion de fils. Lorsque Gaël Monfils a enfin battu Roger Federer après cinq défaites de suite, c'était en demi-finale du tournoi de Paris-Bercy 2010, devinez qui était en tribunes? Sylvette, évidemment.
L'attachement de Gaël Monfils à sa famille peut toutefois lui coûter quelques matchs, comme il le confia un jour à L'Equipe magazine dans un entretien fleuve.
Mais quand la magie opère, quand sa famille en tribune le rend meilleur, ça donne des victoires mémorables, parfois improbables. En 2010, Sylvette avait avoué qu'elle ne pensait pas que son fils puisse battre Federer. Elle n'imaginait simplement pas toute la force qu'elle était capable de lui transmettre, et qui est encore arrivée jusqu'au tennisman dimanche en Suède.