Eva Lys vit un rêve éveillé à Melbourne. Eliminée au dernier tour des qualifications par l'Australienne Destanee Aiava, la joueuse allemande, née en Ukraine, a bénéficié du retrait d'Anna Kalinskaya pour intégrer le tableau féminin de l'Open d'Australie. Rien d'original jusqu'ici.
Or la 128e joueuse mondiale, qui avait choisi de rester sur place au cas où une place se libérerait, a appris son repêchage 10 minutes avant le coup d'envoi du match censé impliquer Kalinskaya. Alors sur la table de massage, Lys s'est présentée dans la précipitation devant l'Australienne Kimberly Birrell, qu'elle a toutefois sèchement battue en deux manches, sans avoir le temps de gamberger ou d'être envahie par la pression.
Deux succès plus tard, contre Varvara Gracheva puis Jaqueline Cristian, la voici en huitième de finale du majeur australien. Si cette performance signifie pour elle une qualification inédite en deuxième semaine d'un tournoi du Grand Chelem, elle représente aussi un accomplissement dans l'histoire du tennis.
Eva Lys est en effet devenue la première «lucky loser» à se hisser au quatrième tour de l'Open d'Australie. Elle suit ainsi les traces du Français Stéphane Robert qui, en 2014, en avait fait autant dans le tableau masculin. D'autres joueurs ont réussi à atteindre un huitième de finale en Grand Chelem, alors qu'ils avaient auparavant perdu un match dans le tournoi de qualification.
L'exemple le plus frappant est sans doute celui du jeune David Goffin au tournoi de Roland-Garros 2012. D'abord battu par João Sousa, il avait éliminé Radek Stepanek, Arnaud Clément et Lukasz Kubot, avant de prendre un set à son idole Roger Federer sur le court Suzanne Lenglen, pour sa toute première participation à un majeur. «Je ne vous cache pas que j'avais des photos de Roger partout dans ma chambre», avait-il lâché gêné devant le «Maître», en interview d'après-match.
Davantage expérimentée, Eva Lys, qui a joué le premier tour de chaque tournoi du Grand Chelem, atteignant au passage le deuxième à l'US Open en 2023, n'aura certainement pas les mêmes complexes lorsqu'elle affrontera lundi la numéro 2 mondiale Iga Swiatek. Surtout que la joueuse semble toujours sur son petit nuage. «Je ne sais pas quand la prise de conscience se fera», a-t-elle déclaré après sa victoire sur Jaqueline Cristian, contre qui elle était pourtant menée un set à zéro.
La réalité pourrait néanmoins vite la rattraper. Demi-finaliste à Melbourne en 2022, Swiatek n'a lâché qu'un petit jeu contre Raducanu au 3e tour et seulement deux autres face à Sramkova. Une autre victoire expéditive de la Polonaise mettrait alors fin au casse-tête logistique d'Eva Lys, la jeune allemande ayant été contrainte de repousser une nouvelle fois son vol retour, initialement reporté à dimanche après que son nom a figuré dans la liste des «lucky losers». Comment pouvait-elle croire qu'elle jouerait encore lundi?