La légende raconte que Roger Federer est le premier à avoir appelé l'Open d'Australie le «Happy Slam». Un surnom loin d'être volé à la vue de la plaisante atmosphère qui règne à Melbourne chaque début d'année.
Tout juste sortis de leur préparation hivernale, les joueurs, encore frais physiquement, sont heureux de taper soudain la balle au soleil, dans une ville plus intimiste que New York, Londres et Paris. Ils y trouvent en outre des installations haut de gamme, une organisation parfaite et un public aussi festif qu'agréable, à la fois connaisseur et bienveillant. Bref, ils se sentent bien et jouent plutôt relax au Melbourne Park.
Or en cette première semaine de l'Open d'Australie, la foule locale a semblé imiter quelque peu le comportement des spectateurs de la porte d'Auteuil et de Flushing Meadows. Entre chauvinisme exacerbé et consommation excessive d'alcool, nombreux ont été les matchs où certains spectateurs n'en ont eu que faire des coutumes du tennis.
Jacob Fearnley est au fait des événements. Tombeur de Nick Kyrgios au premier tour, le Britannique a vu au troisième set le public jubiler à chacune de ses fautes, y compris celles commises sur première balle. Mais il n'a «rien donné» aux spectateurs, se servant du contexte pour conclure la partie en trois manches.
Cet épisode n'est pas un cas isolé. Le match du deuxième tour entre la Britannique Harriet Dart et la Croate Donna Vekic s'est joué sur un terrain de «football», selon les dires de la première nommée, qui a enduré l'hostilité des spectateurs.
La partie impliquant une joueuse croate, on ne peut que se remémorer les violents affrontements entre supporters croates et serbes au beau milieu de Melbourne Park en 2007. Un fait rarissime qui dénotait à l'époque avec l'ambiance du tournoi.
Plus étonnant encore que les oppositions Fearnley-Kyrgios et Dart-Vekic: la partie entre l'Australien James Duckworth et l'Espagnol Roberto Carballés Baena. Car cette fois, c'est le local qui a subi le grand n'importe quoi des tribunes. La raison? Des spectateurs originaires du pays du Cèdre souhaitaient sa défaite, afin que la partie d'Hady Habib, premier joueur libanais de l'ère Open à se qualifier pour un Grand Chelem, débute au plus vite.
La tête de série n°10 Danielle Collins a elle aussi subi les foudres d'un public glacé, lors de son deuxième tour contre l'Australienne Destanee Aiava. Or après sa victoire, l'Américaine, raillée tout au long de la partie, n'a pas manqué de chambrer les spectateurs, en positionnant sa main derrière l'oreille, puis en mimant des baisers et en tapant ses fesses.
«Pendant le match, je pensais que si je me sortais de cette situation, je pouvais prendre un gros chèque. Coco (réd: Vandeweghe, autre joueuse américaine) et moi, nous aimons les vacances cinq étoiles, alors une partie de ce chèque servira à ça. Merci pour le chèque!», a-t-elle ensuite asséné au public lors de l'interview d'après-match, huée par tout un stade.
Le public australien célébrait ses fautes ? L'Américaine Danielle Collins s'en est rappelé au moment de gagner son match 😆 #AusOpen #HomeOfTennis pic.twitter.com/7xdFiGpRxQ
— Eurosport France (@Eurosport_FR) January 16, 2025
Plus tard en conférence de presse, la joueuse a souligné la présence de «beaucoup de gens ivres» en tribunes. Novak Djokovic aussi, suite à sa victoire vendredi au troisième tour contre le Tchèque Tomas Machac – match durant lequel il a régulièrement été alpagué par un spectateur. Ce dernier lui a d'ailleurs demandé de l'épouser, lorsque la tension est redescendue au moment où «Nole» s'exprimait au micro. La réaction du Serbe est savoureuse.
"Sorry mate, I have a wife.. We can have a drink though!" 😉
— Eurosport (@eurosport) January 17, 2025
Never change, Novak Djokovic 😂#AusOpen pic.twitter.com/prkfSVyLsR
«De temps en temps, certains vont trop loin. Je comprends. Tu as bu un ou deux verres de trop, et tu commences à t'exciter. Mais quand on est sur le court, ça peut être frustrant, surtout si ça tombe à un mauvais moment du match. Et si c’est répétitif, si ça dure une plombe, arrive un moment où tu as juste besoin de répondre face à ces provocations permanentes. J’essaie d’être tolérant, mais un moment donné, je dois répondre. C’est tout», a-t-il ajouté en conférence de presse, après avoir toutefois su garder son calme sur le court.
L'alcool, justement. Il coule à flots depuis la saison dernière sur le court n°6. Un terrain suscitant des opinions diverses, et dont l'une des tribunes n'est autre qu'un bar sur deux étages, où les clients profitent des sons des DJs et des consommations, tout en regardant le match. Le bruit autour du «party court» est tel que la rencontre entre Felix Auger-Aliassime et Alejandro Davidovich Fokina, disputée mercredi sur un terrain voisin, a dû être interrompue puis délocalisée sur un autre court.
Ce «numéro six» entre en fait dans la lignée des activités proposées au Melbourne Park durant toute la quinzaine. Concours de sosie, démonstrations de voltige, stands sportifs, services de restauration, concerts, villages partenaires: l'Open d'Australie est devenu un parc d'attractions, pour des raisons économiques évidentes, et attire désormais un nouveau public, moins connaisseur et surtout moins discipliné, comme ces spectateurs exclus en plein match en 2022, suite à des plaintes venues des joueurs.