Sport
Tennis

Wimbledon 2023: le toit creuse les inégalités sociales

Dominic Stricker n'a pas eu droit aux stades couverts de Wimbledon et l'a payé cher.
Dominic Stricker n'a pas eu droit aux stades couverts de Wimbledon et l'a payé cher.Keystone

Le toit de Wimbledon creuse les inégalités sociales

Plusieurs joueurs ont lancé leur tournoi ce jeudi seulement, après trois jours de pluie. Novak Djokovic, lui, a déjà franchi deux tours. Une inégalité de traitement créée par les deux stades couverts de Wimbledon.
06.07.2023, 16:5206.07.2023, 17:47
Plus de «Sport»

Voilà trois jours que la pluie interrompt les débats à Wimbledon; et quand ce n'est pas la pluie, c'est le climat, plus précisément ses activistes surchauffés qui, par deux fois, ont répandu des puzzles de 1000 pièces sur le court No 18, après les avoir achetés à la boutique du coin.

Voilà trois jours qu'un peu tout le monde crie à l'injustice et s'envoie de la vaisselle à la figure, dans une ambiance de confinement automnal. Wimbledon a enfin repris ce jeudi, mais si les nuages se sont dissipés, certains problèmes subsistent. Exemple: Dominic Stricker affronte Frances Tiafoe cet après-midi, au lendemain de ce qui fut son premier match en cinq sets. Pis: 20 joueurs entrent en lice après trois jours d'attente, tandis que Novak Djokovic, confortablement installé sous le toit du Central, a déjà passé deux tours - et affrontera Stan Wawrinka au troisième ce vendredi.

La réalité des courts annexes.
La réalité des courts annexes.Keystone

Certes, personne ne reprochera à Wimbledon d'avoir un toit, et même deux, pour accueillir ses élites. La vénérable institution y a mis le temps et il lui en a coûté beaucoup d'argent, mais aussi d'amour-propre, pour capituler devant la modernité triomphante. Avec ces toits amovibles qui, comme des lâches, rampent sans bruit, c'est un peu le show qui, tout doucement, pénètre l'un des bastions les plus conservateurs du Royaume-Uni, le All England Lawn Tennis and Croquet Club, gardien du cloitre et de ses dogmes séculaires.

Il n'y a pas si longtemps encore, on changeait les scores à la main sur les courts annexes et on ne jouait pas le dimanche pour ne pas incommoder le voisinage. Quand de vilains nuages rôdaient au-dessus de leur tête, de vieux Anglais cramponnés à leur coupette marmonnaient solennellement: «That's Wimbledon.» La pluie était la preuve qu'ici, les temps ne changent pas. Alors un toit électrique... C'est comme si on avait posé une capote sur la Porsche Spider de James Dean.

Plus concrètement, si ces toits ont permis de combler des vides dans le programme TV, ils ont dans le même temps creusé des inégalités sociales. Par temps de pluie, une majorité de joueurs moisit aux vestiaires quand une caste de planqués est programmée à heures fixes, au sec, sous le toit du Centre Court ou du No 1. Ces nantis ont certes durement gagné leurs privilèges, mais la programmation ne fait que conforter leur supériorité.

Et pendant ce temps-là, sur le Centre Court...
Et pendant ce temps-là, sur le Centre Court...Keystone

C'est là le seul reproche que font les suiveurs à Wimbledon: avec une pluie aussi incessante, pourquoi les deux stades couverts n'ont-ils rien changé à leurs habitudes, en programmant seulement trois matchs par jour et en ne tenant pas compte du bon ordre chronologique de la compétition, tour après tour, match après match?

De nombreux joueurs racontent dans la presse les journées interminables passées au Club, «à scruter la météo et le ciel», à fuir «les attroupements et le bruit», «la nervosité de certains», à «éviter de passer sa frustration sur des jeux débiles qui font perdre de l'énergie». S'alimenter, s'échauffer, se préparer. Attendre encore et puis recommencer, jusqu'à en mourir d'ennui. Quand on cherche à tuer le temps, il finit souvent par nous échapper.

«Idéalement, il faudrait rester dans sa bulle», nous expliquait Stan Wawrinka, un jour de pluie, à l'US Open 2017. Mais il reste difficile d'installer une bulle quand 87 rencontres sont programmées le même jour, comme ce fut le cas mardi à Wimbledon: la cantine est une salle d'attente, les sofas et les tables de massage sont pris d'assaut, les enfants courent dans tous les sens. «On peut cramer tout son influx en deux ou trois jours passés aux vestiaires, ajoutait encore Stan Wawrinka. Physiquement, on est pénalisé quand il faut rattraper son retard, mais nerveusement, l'attente est peut-être plus nuisible encore.»

Stan Wawrinka après sa victoire très convaincante contre Tomas Martín Etcheverry (ATP 33) sur le score de 6-3 4-6 6-4 6-2.
Stan Wawrinka après sa victoire très convaincante contre Tomas Martín Etcheverry (ATP 33) sur le score de 6-3 4-6 6-4 6-2. Keystone

A Wimbledon, antre de la fraise et du Pimm's jubilatoires, même la pluie est sacrée. On la vit en costume ou en robette, parfois sans chaussette. Aucun joueur ne s'en plaint effrontément et quand il faut s'incliner devant un ordre de marche, tous obtempèrent sagement. Mais le toit, lui, est une tout autre histoire. Une vieille histoire de lutte des classes, de sélection fondée sur le prestige, le sang et le cursus. Un fait du prince que Wimbledon semble revendiquer et qui pourrait lui revenir en pleine face comme un puzzle.

Plus d'articles sur le sport

Souvenirs des premiers Roland-Garros de Nadal:

1 / 17
Souvenirs des premiers Roland-Garros de Nadal:
L'Espagnol Rafael Nadal est félicité par son adversaire, le Suisse Roger Federer, après la demi-finale du tournoi de Roland Garros, à Paris, vendredi 3 juin 2005. Nadal a gagné 6-3, 4-6, 6-4, 6-3.
source: epa / olivier hoslet
partager sur Facebookpartager sur X
Ceci pourrait également vous intéresser:
0 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
Une scène lors de Bâle-LS prouve que le foot nous a dupés
L'arbitre de la demi-finale de Coupe de Suisse entre le FCB et Lausanne a appliqué un «deux poids, deux mesures» concernant des joueurs qui réclament. La directive de l'UEFA sur le sujet, pourtant très bien accueillie, est en train de disparaître.

Avant l’Euro 2024, l’UEFA avait pris une mesure qui avait ravi de nombreux fans de foot, dont je faisais partie: seuls les capitaines des équipes seraient en droit de venir discuter (et donc réclamer) auprès de l’arbitre ou de ses assistants. Tout autre joueur qui le ferait écoperait d’un carton jaune. L'instance du foot européen précisait dans un communiqué:

L’article