Les 5 raisons qui expliquent la domination des Kényans en montagne
Il y a un peu plus d'un an, Julien Lyon, un entraîneur de trail installé au Kenya, nous expliquait en substance que les Européens avaient intérêt à se dépêcher de gagner des courses de montagne avant que les coureurs d'Afrique de l'Est ne deviennent trop forts pour eux. Depuis, un paquet de Kényans s'est distingué en altitude, parfois pour de mauvaises raisons (les vainqueurs homme et femme de Sierre-Zinal en 2022 ont été disqualifiés pour dopage) mais souvent pour de très bonnes, en écrasant la concurrence avec des jambes de feu. Comment expliquer une telle domination? On a dressé les cinq raisons qui permettent de comprendre pourquoi les Kényans sont devenus si redoutables sur les sentiers de montagne.
Ils ont des conditions d'entraînement idéales
Le pays a produit de grands champions de courses de fond, mais ça ne veut pas dire que son relief est plat. La vallée du Rift, par exemple, est un territoire escarpé, comparable à celui de la Réunion, et creusé de sentiers que les Kényans empruntent depuis leur plus jeune âge. «Ils courent toute leur jeunesse dans les cailloux avec une musculature adaptée pour les longues distances», souligne Julien Lyon, qui sait aussi que les athlètes de ce pays d'Afrique de l'Est ont un avantage naturel sur la plupart de leurs adversaires puisqu'ils vivent au-dessus des 2000 mètres toute l'année. De quoi prendre le départ de chaque épreuve avec un stock considérable de globules rouges.
Ils ont changé leur façon de travailler
Les athlètes des hauts plateaux savent comment avaler les kilomètres sur de longues lignes droites. Depuis quelques années, ils ont appris à enchaîner les efforts sur des sentiers escarpés. Comment? En modifiant leurs séances d'entraînement afin de mettre l'accent sur le travail excentrique: les traileurs kényans enchaînent les descentes très rapides afin de casser les fibres musculaires des cuisses. L'idée, c'est que le muscle se reconstruise ensuite plus solidement. Et ça marche.
Ils bénéficient d'un soutien de plus en plus marqué
Plusieurs groupes très bien structurés de traileurs ont éclos au Kenya et sont soutenus par de prestigieux sponsors. C'est le cas de la régie immobilière genevoise Daudin, du centre médical Assal ou encore d'«On running». La marque de Roger Federer fournit au groupe de Julien Lyon tenues de course et chaussures. Elle participe aussi financièrement à la location d'un minibus pour les entraînements ou encore aux ravitaillements.
Ils se sont diversifiés pour avoir leur mot à dire
Deux évènements extérieurs ont chamboulé les habitudes des coureurs de fond en Afrique de l'Est et incité certains d'entre eux à changer de discipline:
- La pandémie: durant la crise sanitaire due au Covid, l'annulation des courses de fond a plongé les athlètes dans la précarité. Certains ont alors envisagé le trail comme une nouvelle opportunité.
- L'avènement des chaussures en carbone: le matériel a creusé les inégalités et contribué à banaliser de sacrées performances sur plat. Le Temps rappelait récemment qu'un chrono de 2h10 au marathon plaçait son auteur dans le top 100 au Kenya, ce qui est insuffisant pour sortir du lot et du pays. Les podiums, et donc les primes, sont plus accessibles en trail, où la densité est moins forte.
Ils ont désormais des figures auxquelles s'identifier
Jusqu'à présent, et contrairement au marathon, une usine à idoles nationales au Kenya, les traileurs n'avaient aucune figure à laquelle s'identifier. C'est en train de changer. Les victoires et les bons résultats actuels en montagne ont de quoi donner des idées à tous ceux qui font moins que 2h10 sur marathon et dont l'avenir est fatalement limité dans la discipline. On n'a pas fini de voir des Kényans sur les podiums de nos stations de montagne.