Usain Bolt ne manque jamais une occasion de rappeler à quel point il aime Athletissima. «Il le fait partout dans le monde, à chaque interview. Il peut être à Honolulu, il dira toujours que la meilleure piste est à Lausanne», se marre Jacky Delapierre, directeur historique du meeting.
Récemment, c'est dans un entretien accordé au Tages-Anzeiger que le détenteur des records du monde du 100 et 200 mètres, retraité depuis 2017, a déclaré sa flamme à l'épreuve romande. Quand le journaliste lui a demandé s'il avait des souvenirs particuliers de la Suisse, Bolt a bondi sur l'occasion:
Usain Bolt reviendra une 7e fois. Ce sera en 2025, pour la 50e édition du meeting organisé à La Pontaise. «Nous l'avons invité et il a déjà bloqué la date», nous apprend Jacky Delapierre, qui envisage aussi de réunir le Jamaïcain et Carl Lewis (ancien sprinter américain, auréolé notamment de neuf titres olympiques et huit mondiaux), «ensemble sur la même scène». Une initiative complexe, compte tenu de l'inimitié notoire entre Usain Bolt et Lewis. Le premier a répété plusieurs fois par le passé qu'il avait perdu tout respect pour le second. «Il veut juste attirer l'attention parce que personne ne parle plus de lui», a estimé Bolt au sujet de Lewis, après que l'Américain se soit interrogé sur les performances du Jamaïcain.
On ne sait pas encore quelle tournure prendra la 50e édition du meeting d'Athletissima en 2025. Ce qui est certain, c'est qu'Usain Bolt y sera accueilli comme chez lui. Cela a toujours été ainsi.
«La première fois qu'il est venu ici, c'est parce que je lui ai donné sa chance, rembobine Jacky Delapierre. Il était champion du monde junior et il trouvait qu'il était souvent mis de côté dans les grands meetings, que son jeune âge et son statut ne lui permettaient pas de se frotter aux meilleurs. Moi, je lui ai permis de s'aligner avec les pros. C'était un coup de poker, mais je me disais qu'un sprinter jamaïcain qui était doué en juniors avait beaucoup de chance de briller par la suite. Quand tu donnes cette chance à un athlète et qu'il devient un champion, ça crée un lien.»
Si Usain Bolt s'est tout de suite senti bien sur les hauteurs de Lausanne, c'est aussi parce que la piste possède une particularité qui l'avantage. «Dans la courbe du 200m à La Pontaise, le rayon est au maximum de ce que le règlement permet. Comme Bolt est très grand (195 cm), il voulait toujours avoir un couloir extérieur, en l'occurence le 7, de sorte à ne pas être trop impacté par les effets de la force centrifuge.»
Rappelons que c’est parce que les coureurs subissent la force centrifuge (aussi appelée «l’effet du virage»), qu’ils se penchent dans les courbes, exactement comme le font par exemple les patineurs de vitesse. On en a tous fait l'expérience en voiture: plus un virage est serré, et plus l'automobiliste et ses occupants doivent se cramponner aux sièges.
Ainsi, un sprinter courant à l’intérieur du virage (donc à l'endroit le plus «serré» de la piste) subit une force centrifuge équivalente à un tiers de son poids, contre un cinquième seulement sur le couloir extérieur. C'est ce qu'a démontré Amandine Aftalion dans leblob.fr. Cette chercheuse est arrivée à la conclusion qu'une piste de type standard, mais avec des lignes droites plus courtes (60 au lieu de 84,3 mètres) et des rayons plus grands (44,3 au lieu de 36,5 mètres) permettrait d’améliorer le record du 200 mètres de quatre centièmes de seconde. Un gain non négligeable à ce niveau de compétition.
On comprend mieux tout l'avantage dont bénéficiait Bolt lors de ses apparitions à Lausanne, et pourquoi il aimait tant cette piste, dont le revêtement est pourtant le même que celui de Zurich ou Monaco.
Le Jamaïcain de 37 ans désormais se sentait comme un poisson dans l'eau à La Pontaise. «Un jour, il a couru sous la pluie. Il tombait des cordes, mais il ne s'est pas dégonflé, raconte Jacky Delapierre. Alors que beaucoup d'athlètes auraient simplement fait le job pour respecter le contrat, lui s'est donné à fond et a claqué un 19''59 sur 200m. Le meilleur temps mondial sous la pluie. Usain, c'était un winner.»
Au fil du beau et du mauvais temps, le directeur du meeting et l'octuple champion olympique ont développé une belle relation. «J'ai toujours eu un contact direct avec lui, sans intermédiaire, aime à rappeler le patron d'Athletissima. Et quand on se croise, on ne manque jamais l'occasion de se saluer. C'est quelqu'un de très accessible. Il n'a jamais eu d'attitude de star chez nous.»
Il sera pourtant fêté comme tel, l'an prochain à La Pontaise, dans un stade et un meeting que lui non plus n'a jamais oublié, même lorsqu'il est à Honolulu.