Adelboden est cerné par un épais brouillard, qui a gâché la vue des spectateurs et gêné les meilleurs slalomeurs mondiaux.
Cette purée de pois, Marc Rochat l'a apprivoisée pour réussir son meilleur résultat de la saison (10e), grâce à un excellent deuxième tracé. Dans la raquette d'arrivée, après sa deuxième manche, il s'avance au micro de la RTS. Et le journaliste enclenche la conversation: «Il fallait avoir du courage pour s'élancer, on ne doit rien voir (réd: en parlant des conditions de visibilité)?»
Le Vaudois répond quelque peu à côté:
Or, cette réponse est belle et bien bourrée de sens. Le brouillard bernois est une métaphore facile, certes, mais toujours intéressante lorsqu'on se met dans la peau d'un slalomeur en panne de confiance. Cette absence de repère peut vous maintenir dans un brouillard et vous faire perdre l'orientation.
Le Vaudois finissait mercredi soir à Madonna di Campiglio dans les profondeurs du classement, loin de la qualification, à trois secondes de McGrath. Aujourd'hui, il entre dans le top 10, sans produire son meilleur ski; il fut si proche de finir dans les bâches après avoir multiplié les erreurs en première manche et même en deuxième.
Il n'est pas le seul à avoir eu un regain d'énergie. Que dire de Victor Muffat-Jeandet, 35 ans, qui cravache depuis de longues années depuis des blessures à répétition? Le Français ratait les qualifications en début de saison et là, il réussit le meilleur temps de manche.
Clément Noël, en délicatesse avec sa cheville, dont les observateurs disaient de lui qu'un ressort s'était cassé, a brillé et remporté le magnifique slalom bernois.
Du top au flop, c'est la dure réalité vécue par Manuel Feller aujourd'hui. Il finit son pensum avec une feuille blanche, alors qu'il menait après la première manche. Du héros au zéro. C'est le même constat pour le Norvégien Atle Lie McGrath, peut-être le meilleur slalomeur actuel, qui est également sorti dès la première manche. Meillard aussi, leader de la discipline, qui a enfourché et refroidi le public nombreux.
Albert Popov également, qui disait en préambule des épreuves d'Adelboden, après sa victoire à Madonna, que c'était difficile de gérer ses émotions - il a fini au 16e rang dans l'Oberland bernois.
Aussi furtif qu'un passage d'une triple, il faut de la vitesse dans les pieds et une confiance en béton armé. Car tout va très vite, tout bascule d'une porte à l'autre dans l'arène du virage court. La bataille est mentale, surtout, mais elle tient aussi et surtout à l'explosivité de l'athlète, qui frise parfois la perfection en regardant Lucas Pinheiro Braathen à l'oeuvre, par exemple.
Matteo Joris nous disait que le slalom était à part: «Le géant et le slalom, ce sont deux sports différents», nous confiait-il. Simplement car la concurrence est plus forte et il devient difficile de carburer sans passer beaucoup de temps à «bouffer» des piquets.
Adelboden, ce 11 janvier 2025, a rappelé que dans cet art aussi jouissif que fragile, le slalom est un brouillard d'émotions qui offre parfois, si tout s'aligne, une place au soleil pour exister au milieu de ces artistes.