Deux coureurs de l'équipe Jumbo-Visma ont fait sensation, mercredi lors de la course «A travers la Flandre». Le premier, c'est bien sûr Christophe Laporte, vainqueur (en solo cette fois) de la classique dans les rues de Waregem; le second, c'est Edoardo Affini. Le coureur italien ne s'est pas illustré pour ses qualités sur la route, mais pour un petit appareil que les mécaniciens de son équipe avaient installé sur son vélo.
Le Cervelo S5 du Lombard était en effet équipé de jantes en carbone montées sur des moyeux (la partie centrale de la roue) avant et arrière Gravaa KAPS. Ces moyeux disposent d’un système de pression réglable utilisant les commandes sans fil (Bluetooth et Ant+). Elles permettent ainsi au pilote d’ajuster et de contrôler la pression des pneus via une unité de commande montée sur le guidon. La pompe, elle, est alimentée par le mouvement de la roue.
Concrètement, le coureur qui dispose d'une telle technologie peut réduire la pression lorsqu'il s'engage sur un secteur pavé ou un terrain plus accidenté, et au contraire l'augmenter lorsqu'il se retrouve à nouveau sur une surface plus lisse.
Actuellement, les cyclistes doivent opter pour une pression au début de la course et s'y tenir sur la totalité du tracé. Les participants à une épreuve comme Paris-Roubaix choisissent d'ordinaire une pression basse (4 bars ou moins), idéale pour les secteurs pavés, mais beaucoup moins pour les parties asphaltées, sur lesquelles ils perdent donc de l'énergie. Une «perte» assumée puisqu'ils savent très bien qu'ils ne pourraient pas survivre aux pavés avec des pneus gonflés pour une surface lisse (6,5 bars ou plus).
Ajuster la pression en direct pourrait tout changer. Les coureurs débuteraient l'Enfer du Nord (9 avril 2023) comme une épreuve normale avant de dégonfler légèrement leurs pneus sur les pierres (29 secteurs pour un total de 54,5 km), de sorte à franchir les obstacles avec plus de facilités et de gagner en adhérence. En 2021, Gianni Moscon menait la course avant de chuter à la suite d'un changement de vélo. Les commentateurs d'Eurosport avaient alors émis l'hypothèse que la pression excessive des pneus de son vélo de rechange avait réduit son adhérence sur le pavé mouillé.
Gravaa, le fabricant choisi par Jumbo-Visma, a mené des études sur Paris-Roubaix afin de montrer les avantages qu'offrirait sa technologie:
Cette différence, dans un univers où chaque gain de watt est le fruit d'années de recherches, est énorme. Elle pourrait séparer le gagnant des perdants à l'avenir. Plusieurs formations se sont d'ailleurs déjà renseignées sur le système de gonflage/dégonflage en direct, mais seul Jumbo-Visma l'a utilisé en compétition.
L'équipe néerlandaise a bénéficié de l'autorisation de l'Union cycliste internationale. Conformément à la règle 1.3.006 de l'instance, pour pouvoir être utilisé dans les courses professionnelles, le système doit être disponible dans le commerce pour les coureurs amateurs. Or c'est le cas de la technologie Gravaa. Comptez 4299 euros pour la paire de roues. Le prix de l'innovation, et peut-être de la victoire.