Lorsqu'on demande à Raphael Meyer ce que représente pour lui l’invitation de son équipe suisse Tudor au Tour de France 2025, sa voix se brise. Un rêve d’enfance se réalise, dit le directeur général. Mais pas seulement.
Il se souvient de toutes les heures passées devant la course avec son père. «Quand il était en train de mourir, à l’été 2017, nous avons regardé ensemble le Tour de France, donc cette épreuve me fait forcément penser à lui», raconte Meyer, dont le papa est décédé peu de temps après l'édition 2017 des suites d’un cancer. Il avait 64 ans.
C'est fin mars 2025 que l'équipe Tudor Pro Cycling a appris qu'elle allait être au départ du Tour de France, dès le 5 juillet. Pour la première fois depuis près de dix ans et IAM Cycling, une équipe suisse participe donc à la course cycliste la plus importante du monde.
Tudor a connu une ascension remarquable. L'équipe a été fondée en 2018 sous le nom de Swiss Racing Academy. Quatre ans plus tard, l'ex-professionnel Fabian Cancellara a rejoint la pépinière de talents et a réussi à convaincre l'horloger Tudor de la sponsoriser et de lui donner son nom.
L'année suivante, Tudor a obtenu le statut d'UCI ProTeam (2e division du cyclisme) et en 2024, l'équipe a participé pour la première fois à un Grand Tour lors du Giro d'Italia.
Avec les engagements du Français Julian Alaphilippe, double champion du monde, et du Suisse Marc Hirschi, l'équipe Tudor s'est renforcée cette saison. Et a mis les organisateurs des trois grands tours nationaux - Giro d'Italia, Tour de France et Vuelta - face à un dilemme.
Jusqu'à présent, le peloton des Grands Tours était composé des 18 équipes du World Tour ainsi que des deux meilleures du deuxième niveau de performance, auquel Tudor appartient. S'y ajoutaient deux équipes invitées, choisies par les organisateurs. Comme l'a annoncé l'UCI en avril, une équipe supplémentaire recevra en 2025 une wild card pour chaque Grand Tour, le peloton passant ainsi à 23 équipes et 184 coureurs au lieu de 176.
«Les rêves exigent de la douleur, des larmes et du cœur. Mais lorsqu'ils se réalisent, ils te récompensent par du bonheur et de la satisfaction», savoure Fabian Cancellara. Le Bernois de 44 ans a porté le Maillot Jaune pendant 29 jours. Il est ainsi le coureur qui a porté le plus souvent la tunique mythique parmi ceux qui n'ont jamais remporté la course.
Cancellara est une figure bien connue du monde du cyclisme, tandis que son associé Raphael Meyer vient d’un tout autre horizon. Après dix ans dans le secteur bancaire, il a rejoint l’agence de marketing sportif InfrontRingier, qui gérait à l’époque la Tour de Suisse, avant de se consacrer à la carrière de Fabian Cancellara. «Quand je vois tout ce que nous avons accompli depuis, j’en ressens une grande fierté», confie Meyer.
Il admet aussi une certaine humilité devant l’énorme défi que constitue le Tour de France, considéré comme le plus grand événement sportif annuel au monde. C’est aussi une véritable prouesse logistique pour Tudor. Pendant les trois semaines de la course, jusqu’à 40 personnes sont mobilisées: 8 coureurs, des kinésithérapeutes, des ostéopathes, des masseurs, jusqu’à 5 mécaniciens, un cuisinier, sans oublier les accompagnants pour les invités et les sponsors.
C’était un délai très court pour autant de préparatifs, comme le souligne Meyer. D’autant que l’équipe Tudor a aussi participé au Giro d’Italia en mai. L’expérience accumulée l’an dernier est ici un atout majeur, affirme Meyer, «parce que nous savons déjà, en tant qu’équipe, que ça peut marcher».
Certes, l’équipe Tudor ne visera pas la victoire finale. Mais un succès d’étape serait déjà un sacré exploit. Meyer prendrait alors sans doute un instant pour s’arrêter et penser très fort à son papa.