Magnus Sheffield n'a que 22 ans, mais on a parfois l'impression qu'il est déjà un vieux briscard. Après tout, il court chez les professionnels depuis 2021 et entame déjà sa cinquième saison dans le collectif Ineos Grenadiers.
Ce sentiment est exacerbé par le fait que l'Américain a remporté la Flèche brabançonne à seulement 19 ans. Nous étions en 2022, année durant laquelle il gagna également des étapes sur la Ruta del Sol et le Tour du Danemark. Or Sheffield n'avait plus levé les bras depuis, du moins jusqu'à dimanche et ce succès de prestige en solitaire sur la célèbre Promenade des Anglais, à l'occasion de la dernière journée de Paris-Nice.
Ce qu'il s'est passé entre temps, et qui a particulièrement marqué le coureur de la formation Ineos Grenadiers? Le décès de Gino Mäder en juin 2023. Il faut dire que Magnus Sheffield a chuté en compagnie du Suisse dans la descente du col de l'Albula. Hospitalisé, il s'en est sorti avec des contusions et une grave commotion cérébrale, mais a dû surtout vivre avec le fait qu'il aurait pu être à la place de Mäder. Sheffield a simplement eu la chance que le Suisse n'a pas eu.
Ce n'est que huit mois après l'accident que le rouleur-grimpeur est sorti du silence, confessant à son équipe avoir songé à tout arrêter, avant qu'un retour aux sources et une pause de trois mois ne lui redonne goût à la course. «Pendant mon séjour à la maison, j’ai parcouru de nombreuses photos ainsi que des souvenirs de mes débuts à vélo, ce qui m’a aidé à réfléchir à ce que je veux accomplir dans ma carrière», racontait-il alors, tout en décrivant ce qu'il avait vécu dans le ravin où gisait le regretté Gino Mäder.
Alors quand il s'est imposé, dimanche sur la dernière étape de Paris-Nice, après d'innombrables deuxièmes places et cet événement qu'il a surmonté, Magnus Sheffield, très ému, a eu une pensée pour le coureur saint-gallois. «Il y a tellement de gens que je voudrais remercier, mais je crois que la personne la plus importante, celle à qui je souhaite vraiment dédier cette victoire, se nomme Gino Mäder. Cela fait déjà deux ans que nous avons perdu Gino, et même si je ne le connaissais pas de façon très personnelle, j'ai été impliqué avec lui dans cet accident au Tour de Suisse», a-t-il confié auprès de la presse spécialisée et des organisateurs de la course au soleil.
Désormais, Magnus Sheffield – aidé peut-être par le souvenir du Suisse, lorsqu'il s'est esseulé dans le col des Quatre Chemins, puis a résisté au maillot jaune Matteo Jorgenson en écrasant fort les pédales dans les rues de Nice – sait qu'il peut à nouveau gagner, même si le processus a été long.