Les fans de tennis sont certainement nombreux à avoir gloussé quand ils ont entendu parler du nouveau partenariat de Gaël Monfils. Le Français s'est associé pour cinq ans avec Artengo, marque du magasin Decathlon. Populaire, au sens péjoratif du terme, elle n'est clairement pas la plus glamour dans le milieu de la balle jaune. Mais elle veut soigner son image et a trouvé dans le 21e joueur mondial un ambassadeur de choix.
DECATHLON x GAËL MONFILS 🔥
— Decathlon (@Decathlon) January 3, 2022
On est très fiers de vous annoncer que @Gael_Monfils jouera avec nos produits Artengo pour les 5 prochaines années (raquette, chaussures et textile) !
Bienvenue Gaël 🤝 pic.twitter.com/CfEKmol8tz
Comme plusieurs autres tennismen et tenniswomen, il a pu exhiber ses nouvelles raquette et tenue lors de l'Open d'Australie, premier gros tournoi de l'année, où il a d'ailleurs brillé (élimination en quart de finale après un match de titans contre Berrettini).
Monfils pourra encore déballer de nombreux cartons d'habits neufs. Mais tous ses confrères n'ont de loin pas cette chance. Parce que dans le tennis professionnel, les inégalités en matière de sponsoring sont aussi vertigineuses que celles des prize money.
«Stan sortait des sacs plastiques à peine la moitié des habits qu'il recevait, tellement il y en avait», rembobine Yannick Fattebert, entraîneur de Wawrinka entre 2012 et 2019. En tant que star et vainqueur de trois tournois du Grand Chelem, le Vaudois fait partie de la petite minorité de grands privilégiés, élevés au statut d'égérie par les marques.
Son sponsor vêtements et raquettes, Yonex, lui envoie ses tenues à la maison, avant chaque tournée: Australie, terre battue, gazon ou encore Etats-Unis. «Pour chaque tournée, il y a deux ou trois modèles d'équipements, avec une variante pour les matchs en night session, et des t-shirts d'entraînement», détaille Yannick Fattebert.
Stan Wawrinka n'a pas vraiment son mot à dire sur le design des tenues, mais Yonex le consulte quand même pour connaître ses préférences. «Il les donnait par rapport à la coupe ou la matière, et Yonex essayait de s'ajuster», explique son ex-coach. Et puis, les vedettes du standing de Wawrinka touchent de l'argent pour exhiber la marque de leur sponsor. Beaucoup d'argent. Roger Federer, par exemple, reçoit 30 millions de dollars par année, sur dix ans, de la part d'Uniqlo.
Johan Nikles, lui, n'empoche pas le moindre centime. Pour des joueurs de la trempe du Genevois, 294e mondial, la situation est totalement différente de celle des stars. «Au début de chaque année, mon équipementier Head m'envoie douze t-shirts de match, douze shorts, douze t-shirts d’entraînement, deux trainings et des chaussettes», liste le tennisman du bout du Léman. Il va récupérer ses paquets dans un magasin spécialisé à Genève qui seront, eux, tous déballés. «J'utilise aussi huit à neuf paires de chaussures par saison, que je peux commander tout au long de l'année.»
Johan Nikles, dont la carrière est financée par un mécène, s'estime chanceux. «Je connais, par exemple, un Serbe classé 170 mondial qui n’est pas sponsorisé», compare-t-il. Le Genevois de 24 ans bénéficie, lui, d'un partenariat avec Head depuis ses 15 ans.
Tess Sugnaux, 660e joueuse mondiale, a elle aussi été équipée dès l'adolescence. Mais son contrat – avec Erima – est, là encore, bien différent. Elle le doit à un ex-gérant de magasin de sport à Payerne, qui connaissait le représentant de la marque. «Au total, j'ai commandé trois-quatre fois des habits via ce magasin», raconte la Broyarde de 26 ans. «J'en ai bien assez! Ça fait quatre ans que je n'ai plus rien commandé.»
Son deal? «Erima m'offrait 70% du prix des vêtements, et le magasin payernois mettait les 30% restant. Mais depuis que la boutique a fermé, c'est moi qui dois payer ces 30%.»
La Vaudoise a eu une mauvaise surprise l'été passé. Sponsorisée depuis ses 10 ans par Wilson pour ses raquettes, elle a appris que l'entreprise américaine ne prolongerait pas son contrat. Avec un simple mail du représentant en Suisse de la marque.
Il y a deux ans, Tess Sugnaux avait déjà vu son nombre de nouvelles raquettes offertes par saison baisser de sept à cinq, en même temps que son classement (elle avait atteint le 413e rang en 2017). Elle devra désormais se les procurer en les achetant elle-même au magasin. Comme une tenniswoman du dimanche. Enfin presque. «Avec un classement WTA, j'aurai droit à un pourcentage de réduction», avoue-t-elle.
Johan Nikles a plus de chance:
En plus, contrairement à Tess Sugnaux, le Genevois reçoit de son sponsor des outils de travail sur mesure. «Head adapte le poids et l'équilibre de la raquette, mais je ne peux pas choisir le design», explique le Genevois.
Stan Wawrinka et les stars du tennis évoluent, là aussi, dans un autre monde. «Yonex lui offre 40 nouvelles raquettes par année», glisse Yannick Fattebert. Fabriquées, bien évidemment, sur mesure. «Elles sont beaucoup plus lourdes que le modèle qu'on trouve sur le marché», précise le coach valaisan.
En août 2014, quelques mois après son premier titre du Grand Chelem à Melbourne, Wawrinka avait prolongé son contrat avec Yonex pour quatre ans. Le montant? Un peu plus de 18 millions de francs suisses. En comparaison, Johan Nikles, lui aussi tennisman professionnel, n'a encaissé que 95 000 francs suisses durant toute sa carrière en tournois.